Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes

Plateformes de travaux à domicile : des pratiques commerciales à corriger

La DGCCRF a réalisé en 2020 une enquête relative aux pratiques des plateformes proposant des services de travaux à domicile en particulier de bricolage. L’objectif était d’une part, de dresser le portrait de ce secteur en développement, et d’autre part, de vérifier le respect de la réglementation. Les investigations ont révélé des manquements chez la moitié des opérateurs contrôlés.

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Les plateformes proposant de mettre en relation des particuliers avec des professionnels du bâtiment se développent. Elles répondent à un besoin d’accompagnement des consommateurs dans leurs projets de réalisation de travaux. L’enquête menée sur les plateformes de travaux à domicile, et auprès des prestataires inscrits, a permis aux agents de la CCRF de dresser le portrait de ce secteur en plein essor, et d’y vérifier la loyauté des pratiques commerciales et la bonne information du consommateur.

Comment fonctionnent ces plateformes ?

Les opérateurs de ces plateformes sont en général des professionnels du bâtiment. Souvent, de nombreux fournisseurs d’énergie, assureurs et enseignes de bricolage entrent au capital de ces plateformes ou concluent des partenariats pour leur apporter leurs réseaux de prestataires et leurs bases de données clients.

Les professionnels référencés par ces plateformes, qui en majorité signent des contrats non exclusifs, sont pour la plupart des micro-entrepreneurs débutant leur activité professionnelle ou des professionnels qui y tirent un revenu complémentaire. Pour la plupart, les prestations réalisées par le biais d’une plateforme représentent une part minoritaire de leur activité.

Les professionnels sont généralement sélectionnés avant leur inscription sur la plateforme, notamment dans le but d’adapter l’offre de métiers aux demandes formulées par les consommateurs.

L’effectif moyen des plateformes est de 7 salariés, pour un chiffre d’affaires médian de 1,45 million d’euros, qui varie de moins de 1 000 euros pour une plateforme au rayonnement local à 9 millions d’euros pour une plateforme d’envergure nationale. Elles se rémunèrent en prélevant une commission sur les prestations réalisées par les professionnels référencés, par un système d’abonnement des professionnels ou en leur facturant des frais de mise en relation. Elles peuvent aussi vendre des prestations directes aux consommateurs, en concluant un contrat avec ces derniers, avec un prix incluant la rémunération du professionnel qui réalise les travaux à domicile, ou percevoir des redevances des agences de courtage référencées sur une plateforme.

Les prix des prestations sont généralement fixés par les prestataires, mais ils peuvent aussi être fixés conjointement par le prestataire et la plateforme, être déterminés dans une fourchette ou être partiellement imposés par la plateforme.

De nombreux manquements dans les informations précontractuelles…

Les enquêteurs de la DGCCRF ont contrôlé 14 opérateurs de plateformes et 22 professionnels référencés. Ils se sont intéressés au respect des obligations d’information du consommateur, en particulier l’information sur les prix et les conditions de vente.

Sur les plateformes contrôlées, de nombreuses informations étaient absentes ou insuffisantes (qualité des personnes autorisées à déposer une offre de services, nature et objet des contrats, prix du service de mise en relation et modalités de paiement, assurances et garanties proposées, modalités de règlement des litiges). Or, réglementairement, ces informations devraient être directement et aisément accessibles à partir de toutes les pages du site internet des plateformes.

Sur les sites internet des plateformes et/ou dans les devis remis au consommateur, les enquêteurs ont également constaté l’absence d’informations essentielles telles que les conditions, délai et modalités d’exercice du droit de rétractation ou la possibilité d’avoir recours à un médiateur de la consommation (la plupart des professionnels n’avaient pas adhéré au dispositif). Il a également souvent été constaté l’absence de barème tarifaire des prestations.

Le non-respect des obligations d’information précontractuelle, dont les prix, ont donné lieu à 6 avertissements, 15 injonctions et 1 procès-verbal administratif. Parmi les sanctions, une amende administrative d’un montant de 55 000 euros a été prononcée contre une société, pour non-respect des obligations d’information applicables aux opérateurs de plateformes (7 manquements constatés), défaut d’information des coordonnées du médiateur et de la possibilité de s’inscrire sur la liste d’opposition au démarchage téléphonique.

Sur les factures entre professionnels, les mentions obligatoires font souvent défaut, notamment la date à laquelle le règlement doit intervenir, le montant de l’indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement en cas de retard de paiement ou les conditions d’escompte en cas de paiement anticipé.

… et l’utilisation des coordonnées téléphoniques

De même, fréquemment, la possibilité de s’inscrire sur la liste d’opposition au démarchage téléphonique Bloctel n’était pas mentionnée.

Ainsi, les plateformes effectuant le recueil de données téléphoniques n’informaient pas toujours les consommateurs de leur droit à s’inscrire sur la liste d’opposition au démarchage téléphonique. De plus, certaines plateformes vendaient des fichiers comportant les coordonnées téléphoniques de consommateurs inscrits sur la liste d’opposition au démarchage téléphonique. Par ailleurs, il est apparu au cours de l’enquête que des consommateurs ont été démarchés sans pouvoir déterminer si la société était bien en lien avec la plateforme sur laquelle ils avaient effectué une demande de mise en relation. Un avertissement a été adressé à l’une des entreprises et une transaction pénale de 30 000 euros a sanctionné un autre opérateur.

Des pratiques trompeuses telles que la mise en avant d’allégations injustifiées

Les enquêteurs ont aussi relevé des pratiques commerciales déloyales ou trompeuses sur près de la moitié des plateformes. 

Les anomalies portaient notamment sur les caractéristiques et le contenu du service proposé. Par exemple, une plateforme valorisait un service de comparaison des devis, alors que les consommateurs ne recevaient systématiquement qu’un devis. Par ailleurs, un autre site alléguait que l’ordre d’affichage des offres correspondait aux critères sélectionnés par l’utilisateur, alors que le classement des offres s’effectuait également en fonction du type d’abonnement souscrit par le prestataire.

D’autres allégations trompeuses portaient sur la notoriété de la plateforme en mettant en avant de partenariats fictifs, notamment avec des enseignes de bricolage, la majoration du nombre de professionnels inscrits et celle du nombre de mises en relation réalisées par la plateforme.

Enfin, des faux-avis positifs, portant soit sur la prestation d’intermédiation, soit sur la prestation de travaux, ou bien sur les deux, ont été constatés sur certaines plateformes.

Certaines pratiques commerciales trompeuses mises en œuvre par les plateformes visaient également les prestataires, comme la majoration du nombre de chantiers réalisés par l’intermédiaire de la plateforme ou le coût moyen des travaux réalisés. Par exemple, une transaction pénale de 30 000 euros a été conclue avec une entreprise à la suite d’un procès-verbal pénal pour pratique commerciale trompeuse sur la portée réelle des engagements de la plateforme vis-à-vis des professionnels contractants : les informations fournies aux prestataires sur le taux de transformation et le montant moyen du panier des consommateurs étaient erronées.

L’enquête a montré que certaines plateformes mettaient en avant :

  • la vérification des qualifications professionnelles détenues par les prestataires mais sans le faire réellement, alors même que certains travaux exigent d’être réalisés par des professionnels qualifiés ;
  • l’expérience professionnelle des prestataires référencés alors qu’elle était moindre ;
  • la détention de qualités, labels ou certifications (artisan, Maitre artisan, label RGE, certification AFNOR particulièrement) qui n’a pu être justifiée ou alors même que les professionnels n’en disposaient pas.

Par ailleurs, certains prestataires contrôlés ne disposaient pas des assurances obligatoires (responsabilité civile professionnelle et, le cas échéant, garantie décennale).

Des obligations propres aux plateformes ne sont pas respectées

Les enquêteurs ont constaté des manquements aux dispositions de la loi la confiance des citoyens dans l’économie numérique, qui encadre le développement du commerce et des échanges sur internet tels que l’absence ou le non-respect d’une charte de qualité (manquement pouvant conduire au déréférencement), et l’absence d’information sur la rémunération de la plateforme par les prestataires qui y sont référencés.

Un secteur qui reste sous surveillance

La loyauté de l’information du consommateur dans ce secteur en pleine expansion est d’autant plus importante que ces plateformes tendent à concurrencer d’autres acteurs du secteur comme les agences de courtage en travaux. Compte tenu des nombreuses anomalies constatées, la DGCCRF maintiendra ses contrôles dans ce secteur tout en développant l’information des consommateurs grâce aux fiches pratiques disponibles sur son site internet. Les clients ayant constaté des anomalies pourront utilement déposer leurs signalements sur SignalConso.

Cible

36 établissements visités :

  • 14 sociétés exploitant des plateformes
  • 22 prestataires référencés sur les plateformes

Résultats

Taux d’anomalie général : 50 %

6 opérateurs sur 10 étaient en anomalie

12 avertissements

6 injonctions

2 procès-verbaux pénaux

1 procès-verbal administratif