Alors que la vente en vrac avait quasiment disparu au profit du format préemballé, celle-ci est de nouveau en plein essor. Cette tendance, qui s’inscrit dans une démarche « zéro déchet », n’a pas pris fin avec la pandémie de Covid-19 et la crainte de contamination manu-portée, même si elle a pu ralentir.
Denrées alimentaires : la vente en vrac a besoin d’un peu d’ordre - PDF, 375 Ko
Cela justifie dès lors d’accorder une vigilance toute particulière à l’hygiène des équipements et des denrées mais aussi au tarage des balances, notamment lorsque le consommateur apporte son propre contenant. En 2020, la DGCCRF a consacré une vaste enquête à cette manière de commercialiser les denrées.
L’enquête a été menée en 2020 par la DGCCRF dans l’ensemble des départements de l’Hexagone et d’Outre-mer. Elle avait pour objet de s’assurer du respect de la protection du consommateur par les professionnels proposant la vente en vrac de denrées alimentaires. Ces contrôles visaient tant à vérifier le respect des règles de sécurité (hygiène, conformité des matériaux au contact des aliments...) que celles relatives à la loyauté (métrologie, étiquetage, signes officiels de qualité et mentions valorisantes etc.).
Les enquêteurs ont contrôlé 1784 établissements au sein desquels ils ont réalisé 7096 actions de contrôle. Des manquements ont été relevés dans 805 établissements, ce qui représente un taux d’anomalie de plus de 45%.
La vigilance spécifique que nécessite la vente en vrac
Pour le consommateur, la vente de denrées alimentaires en vrac présente un avantage majeur : outre la réduction de sa consommation d’emballages, elle lui permet d’acheter juste la quantité souhaitée. Un avantage qui ne doit toutefois pas être contrebalancé par des conditions de mise en vente déloyales ou susceptibles de comporter un risque pour sa santé. Ainsi, le consommateur doit pouvoir être assuré que le tarage des balances est exact et ne joue pas à son détriment, surtout lorsqu’il apporte son propre contenant.
Ce type de vente pose aussi la question de l’hygiène des équipements. Le commerçant doit y veiller et lutter aussi contre les nuisibles – l’un des défis de la vente en vrac.
Quelques exemples de denrées dont la vente en vrac est strictement encadrée, voire interdite
L’huile d’olive : sa vente en vrac est interdite, mais il est admis que l’opération de remplissage puisse se faire sous les yeux du consommateur, dans un contenant de moins de 5 litres pourvu d’un système de fermeture inviolable, c’est-à-dire qui ne peut être ouvert sans modifier l’intégrité de cette fermeture (un tel système garantit que le contenu de la bouteille ne peut être modifié entre l’emplissage et son utilisation par le consommateur).
Le lait pasteurisé : il ne peut pas être vendu en vrac au consommateur car cette pratique priverait le produit des effets du traitement thermique qui lui a été appliqué et ne serait pas conforme aux dispositions du règlement (CE) n° 853/2004 fixant des règles spécifiques aux denrées alimentaires d’origine animale.
Les produits surgelés : leur vente en vrac est interdite car leur manipulation peut accroître le risque de développement des microorganismes pathogènes au moment de la décongélation.
Le consommateur doit par ailleurs être correctement informé de la dénomination du produit et de la présence d’allergènes, informations obligatoires pour les denrées non préemballées. Seules les denrées dont la vente en vrac est autorisée doivent être proposées au consommateur, certains produits étant exclus de ce mode de commercialisation (voir l’encadré). Il faut aussi veiller à ce que les matériaux entrant en contact avec les denrées, notamment les contenants de présentation, soient appropriés. Tous les matériaux ne sont pas adaptés pour le contact prolongé avec les denrées alimentaires. Pour la vente en vrac, les bacs, pots ou trémies (ces entonnoirs renversés, voir la photo en première page) sont fréquemment utilisés comme contenants de présentation. Pour ces contenants, les établissements doivent disposer d’une déclaration de conformité ou, à défaut, s’assurer auprès de leur fournisseur de leurs conditions d’usage : les contenants ne doivent en effet être utilisés que dans des conditions prévues (durée, température, usage répété ou unique...) par la déclaration de conformité ou selon les instructions d’usage de l’étiquetage si elles existent ou, à défaut, selon des conditions normales ou raisonnablement prévisibles d’emploi.
Lors de leurs contrôles, les enquêteurs ont pu constater certaines bonnes pratiques, par exemple l’équipement de nombreux commerçants avec des balances faciles d’utilisation pour déduire la tare des contenants, notamment lorsque ceux-ci sont apportés par les consommateurs. Certains établissements disposent quant à eux de deux jeux de trémies ou de bacs, ce qui leur permet de les nettoyer fréquemment (à chaque changement de lot par exemple). Mais à l’occasion de leurs investigations, les enquêteurs ont également relevé des manquements.
La grande variété des manquements constatés
De nombreux types d’anomalies ont été relevés par les enquêteurs de la DGCCRF dans les établissements contrôlés. Les manquements concernaient notamment :
- les modalités de nettoyage des équipements,
- la gestion des contaminations croisées par des allergènes,
- les modalités de stockage des denrées,
- la lutte contre les nuisibles,
- la conformité des matériaux utilisés comme contenants,
- le tarage des balances et autres instruments de mesure,
- l’information du consommateur,
- la nature des denrées vendues en vrac.
Des anomalies en matière d’hygiène ont été relevées dans un peu plus de 23% des établissements contrôlés. D’une manière générale, les professionnels contrôlés formalisent assez peu les procédures de nettoyage (absence de plan de nettoyage et d’enregistrement) et ne sont pas en mesure de prouver la fréquence de nettoyage des équipements au moyen d’enregistrements, même lorsque ces derniers semblent propres. Les produits utilisés pour le nettoyage et la désinfection des équipements pouvaient provenir directement du lieu de vente. Il s’agit dans ce cas de produits à usage domestique. Si le recours à ce type de produit n’est pas interdit, il convient que les professionnels s’assurent toutefois de l’efficacité du processus de nettoyage.
Par ailleurs, il ressort de l’enquête de la DGCCRF que la gestion des contaminations croisées, au regard notamment des allergènes, n’est pas un risque systématiquement identifié que ce soit dans le cadre du nettoyage des équipements, du stockage des produits ou de l’emplissage des bacs et des trémies (utilisation d’un même entonnoir pour remplir toutes les trémies sans nettoyage préalable par exemple). Les mélanges de lots sont parfois pratiqués : certains établissements n’attendant pas qu’une trémie soit vide avant de la remplir. Dans ce cas, les informations transmises par les fournisseurs, notamment celles relatives au numéro de lot, ne sont pas toujours conservées ou fiables. Or, la mise en place d’une traçabilité rigoureuse facilite la gestion d’éventuels retraits et rappels et est également nécessaire pour la gestion du risque lié aux allergènes.
La lutte contre les nuisibles (rongeurs, insectes…) n’est pas appréhendée de la même manière par tous les établissements. Chez certains n’ayant pas mis en place de procédures formalisées, les enquêteurs ont pourtant régulièrement constaté la présence de pièges. D’autres choisissent de conserver les denrées au froid pour éviter les infestations et d’autres encore achètent des sacs de la même contenance que les trémies pour éviter de stocker des sacs ouverts. Plusieurs professionnels non spécialisés dans la vente en vrac ont indiqué aux enquêteurs avoir des difficultés à gérer la lutte contre les nuisibles en période estivale, notamment lorsque les locaux ne sont pas pourvus d’une climatisation, ce qui les a conduit à fermer leur rayon vrac pendant l’été.
Parmi les autres manquements relevés par la DGCCRF, plusieurs concernent la conformité des matériaux utilisés comme contenants. Les professionnels contrôlés ont semblé peu au fait de ces obligations. Ils ne disposaient pas systématiquement des déclarations de conformité, notamment parce que celles-ci n’avaient pas été transmises par les fournisseurs. Pour autant, les enquêteurs ont pu relever que les équipements utilisés portent généralement la mention ou le symbole de contact alimentaire.
L’autre question qui se pose quant aux matériaux entrant en contact avec les denrées est celle du contenant, qu’il soit fourni par le commerçant pour que le consommateur se serve ou apporté directement par le consommateur. Depuis la loi AGEC (voir l’encadré en fin d’article), si le consommateur vient avec son propre contenant, les professionnels sont tenus de l’accepter dès lors que ce contenant n’est pas sale ou inadapté. Le Code de la consommation (article L. 120-2) prévoit qu’un affichage en magasin doit informer le consommateur final sur les règles de nettoyage et d'aptitude des contenants réutilisables. Or, si les enquêteurs ont pu constater que cette possibilité est fréquente dans les épiceries 100% vrac ou les magasins bios, elle l’est nettement moins dans les grandes et moyennes surfaces. Ces dernières ont fréquemment exprimé leurs réticences à l’égard de cette pratique qu’elles estiment incompatible avec la vente en libre-service et avec les possibilités actuelles de leurs instruments de pesage.
Cette question du pesage d’ailleurs est particulièrement importante en matière de vente en vrac. Lors de l’enquête, l’absence ou le mauvais tarage des balances a été fréquemment constaté. Les modalités varient, mais généralement cette pratique se fait au détriment du consommateur avec parfois une tare préenregistrée inférieure au poids des sachets, ou encore une tare non préenregistrée ne permettant pas au client de faire la tare lui-même, ou même le cas où des contenants sont vendus sans qu’un tarage ne soit prévu. Ainsi, dans ces situations-là le consommateur paie de fait, en totalité ou en partie, le poids du contenant au prix du produit acheté.
De même, les enquêteurs ont constaté que les dispositions relatives à l’information du consommateur n’étaient pas toujours respectées. Ainsi, l’information relative à la présence d’allergènes, qui doit figurer à proximité immédiate de la denrée, faisait défaut ou était erronée dans 37% des cas contrôlés. L’absence de dénomination de vente à proximité des produits a, elle aussi, été fréquemment constatée. L’origine des denrées, dont l’affichage est obligatoire était, quant à elle, manquante ou erronée dans plus de 26% des cas. La loyauté des mentions volontaires apposées sur les produits a également été vérifiée et les enquêteurs ont parfois pointé des allégations nutritionnelles ou de santé non autorisées. Par exemple, la mention « super-aliment : produit riche en oméga 3 et fibres » dans la présentation de graines de chia ou encore la mention : « une alimentation bio diminue les risques de cancer de 25% », laquelle constitue une pratique commerciale trompeuse.
Enfin, d’autres manquements ont été relevés concernant des produits dont la vente en vrac doit être réalisée dans le respect d’une règlementation sectorielle spécifique (voir l’encadré ci-avant). Ainsi, un établissement dédié à la vente en vrac proposait du lait pasteurisé aux consommateurs qui venaient avec leur propre contenant. Ce professionnel a cessé la pratique à la suite du contrôle. Concernant la vente en vrac d’huile d’olive, des manquements ont été constatés dans plus de 45% des établissements contrôlés notamment pour absence de système de fermeture inviolable ou d’étiquetage conforme (origine, numéro de lot par exemple) ; les enquêteurs ont souligné une méconnaissance fréquente, par les professionnels, de la réglementation applicable. Les enquêteurs ont aussi relevé des conditions non conformes dans plusieurs établissements proposant la vente en vrac d’œufs. Les informations obligatoires, qui doivent être visibles et parfaitement lisibles, étaient absentes ou inaccessibles pour les consommateurs.
L’impératif de mettre de l’ordre dans le vrac
Ce que démontrent toutes ces constatations, c’est notamment que, dans ce secteur en développement, il est essentiel que les professionnels connaissent et maîtrisent davantage la réglementation applicable. Pour ce mode de vente, le non-respect d’une seule règle peut induire plusieurs conséquences : par exemple, mélanger des lots du même produit portera atteinte à l’information du consommateur, sera susceptible de ne plus permettre la maîtrise de l’hygiène et du risque des allergènes mais brouillera aussi la traçabilité, compromettant par là même l’efficacité d’une éventuelle procédure de retrait ou de rappel du produit…
Lors de cette enquête, les contrôles ont donné lieu à l’établissement de :
- 708 avertissements
- 97 injonctions
- 12 procès-verbaux pénaux
- 2 procès-verbaux administratifs
Ces suites ont principalement porté sur l’information des consommateurs (signes de qualité, certification bio, affichage des prix, règles d’étiquetage de la provenance et de l’origine), le contrôle des quantités vendues et le respect des règles d’hygiène des établissements et des denrées (traçabilité, autocontrôles, respect des températures, aptitude des matériaux au contact des denrées alimentaires).
Dans la mesure où il s’agissait d’une enquête nouvelle portant sur un sujet émergent, les suites pédagogiques (avertissements) ont été préférées dès lors que l’infraction ou le manquement relevé n’était pas susceptible de présenter un risque pour la santé et/ou la sécurité des consommateurs.
Les injonctions notamment, à visée corrective, ont principalement porté sur des défauts d’hygiène des établissements et des denrées, et de loyauté des produits (tarage incorrect des balances, absence de déclaration à l’Agence bio,...). En pratique, elles ont, pour la plupart d’entre elles, été bien prises en compte et conduit à la mise en conformité des professionnels.
Ces contrôles ont été l’occasion, pour les enquêteurs de la DGCCRF, d’informer précisément les professionnels sur la réglementation à respecter, qu’il s’agisse des règles d’hygiène des denrées et des établissements, ou des règles de loyauté et d’information des consommateurs (particulièrement sur l’aspect allergènes), ou encore des dispositions issues de la loi AGEC, notamment la possibilité qui doit être laissée aux consommateurs de venir avec leur propre contenant.
Plus généralement, sur le terrain, ces contrôles ont montré que la mise en œuvre de la vente en vrac variait d’un établissement à un autre. Par exemple, la mise en place d’un système permettant la prise en compte, au moment de la pesée, de différents contenants (qu’ils soient fournis par le commerce ou apportés par le consommateur) apparaît plus fréquente dans de petits établissements que dans de plus grandes enseignes.
Dans ce secteur indéniablement en plein développement, même s’il est impacté par la crise sanitaire, la vigilance reste donc de mise. Elle justifie une reconduction des contrôles de la DGCCRF à la fois pour accompagner cet essor, pour répondre aux attentes des consommateurs et à leurs préoccupations environnementales, parmi lesquelles figure la diminution des emballages alimentaires, mais aussi, dans une logique de protection des consommateurs, afin de s’assurer de la maîtrise, par les opérateurs, des réglementations transversales et sectorielles qui régissent ce mode de vente. L’enjeu est d’autant plus marqué que la loi dite « Climat et résilience » du 22 août 2021 prévoit que d’ici 2030, tous les commerces de détail de plus de 400 m2 devront consacrer au moins 20% de leur surface de vente à la vente en vrac de produits de grande consommation (loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets).
En bref : ce que la loi dit sur le vrac
Jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi AGEC (loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire), il n’existait pas de définition spécifique à la vente en vrac.
Désormais, le Code de la consommation la définit en son article L. 120-1 comme : « /…/ la vente au consommateur de produits présentés sans emballage, en quantité choisie par le consommateur, dans des contenants réemployables ou réutilisables. La vente en vrac est proposée en libre-service ou en service assisté dans les points de vente ambulants. Elle peut être conclue dans le cadre d'un contrat de vente à distance ».
A noter : le 3e alinéa de l’article L. 120-1 prévoit que « tout produit de consommation courante peut être vendu en vrac, sauf exceptions dûment justifiées par des raisons de santé publique ». Un décret établissant la liste des produits, alimentaires et non alimentaires, qui ne peuvent pas être vendus en vrac pour des raisons de santé publique est en cours de préparation. Par ailleurs, les denrées alimentaires vendues en vrac relèvent de l’art. 44 du règlement (UE) n° 1169/2009 relatif à l’information des consommateurs (INCO) en tant que denrées alimentaires proposées non préemballées à la vente au consommateur final.