Chaque année, en renouvelant les produits surveillés, une enquête est menée par la DGCCRF dans le but de vérifier la sécurité et la loyauté des matériaux et objets destinés à entrer en contact avec des denrées alimentaires (MCDA).
Ces ustensiles de cuisine et articles de table sont contrôlés sur leur aptitude au contact alimentaire (respect des limites spécifiques de migration de substances chimiques, déclaration de conformité, etc.), leur traçabilité, la présence des informations nécessaires à leur bonne utilisation (étiquetage, documentation) ou encore le respect de leurs conditions d’utilisation chez les opérateurs du secteur alimentaire. En complément, le bien fondé des allégations utilisées sur ces matériaux est aussi vérifié.
Les matériaux au contact des denrées alimentaires - PDF, 260 Ko
L’enquête menée en 2019 s’est principalement orientée vers : les matériaux et objets en matière plastique, les objets en céramique, les objets métalliques et les articles en papier et en carton. Les interventions ont été conduites tout au long de la chaîne de production, depuis le fabricant ou l’importateur jusqu’au distributeur et dans certains cas, l’utilisateur (industries agroalimentaires, commerce de détail).
Les différents matériaux et les risques associés
- Les MCDA en matières plastiques sont les plus utilisés pour le conditionnement des denrées alimentaires.
Les articles en matières plastiques sont d’utilisations variées. Il s’agit notamment :
- d’articles souples tels les sacs de congélation, poches à douille, utilisés par les consommateurs ou les opérateurs de l’agroalimentaire ;
- d’ustensiles de cuisine en nylon de type spatules, louches, cuillères, écumoires ;
- des articles de table en mélamine (sorte de résine) ;
- des dispositifs de fermeture (couvercle/ bouchon) des bocaux en verre, très souvent constitués d’un joint et revêtus par un vernis.
Ces matériaux sont constitués de polymères, auxquels sont ajoutés des additifs utilisés pour conférer des propriétés (conservation, plastification…) au produit fini. Ces constituants sont susceptibles de migrer des articles en matières plastiques vers les denrées alimentaires. De plus, des produits de dégradation peuvent se former lors de la fabrication des articles (chauffage à température élevée, mise en forme..), lors d’étapes ultérieures (traitements chimiques, thermoformage…), ou lors de la mise en contact avec les aliments (remplissage à chaud, stérilisation…), et migrer dans l’aliment ce qui peut présenter un risque pour la santé des consommateurs.
En effet, certaines conditions de contact augmentent la migration des substances chimiques à partir des matières plastiques : conservation de longue durée, remplissage de récipients à température élevée (appelé « remplissage à chaud »), utilisation au four classique ou à micro-ondes, contact avec des aliments gras…
- Les articles en élastomères silicone destinés au contact de denrées alimentaires sont de plus en plus présents sur le marché. Il s’agit non seulement des moules de cuisson mais également les tapis de cuisson pour le four, planches à découper, bacs à glaçons, séparateurs d’œufs, biberons, tétines ou cuillères pour nourrissons et jeunes enfants, etc.Certaines migrations de substances dans les aliments peuvent avoir lieu lors de l’utilisation de ces produits : matières organiques volatiles libres (MOVL), peroxydes, colorants...
- Les articles en céramique ou en verre sont très présents sur le marché. Les articles concernés sont les articles en porcelaines, faïences, grès, poteries, comme par exemple les coupelles à sauce, saucières, plats à tajine, poteries/objets en terre cuite et certains articles en verre, comme ceux décorés ou colorés sur la partie en contact alimentaire ou sur la zone de contact buccal.
Ces matériaux peuvent être à l’origine de la libération dans les aliments d’éléments chimiques comme le plomb, le cadmium, ou l’aluminium, le cobalt ou l’arsenic, en quantité susceptible de présenter un danger pour la santé des utilisateurs, qui peuvent provenir de la matière à partir de laquelle est fabriquée le produit, ou des éléments utilisés comme ornementation.
- Les métaux et alliages sont utilisés pour de nombreuses applications industrielles et dans une large mesure pour le contact alimentaire. Ils peuvent servir pour le conditionnement, le transport, le stockage ou la cuisson de denrées alimentaires ou pour fabriquer des ustensiles de cuisine, articles de table et équipements ménagers utilisés par le consommateur final tels les boules à thé, injecteurs de sauce en acier inoxydable, grilles de barbecues, passoires…
Les métaux et alliages, utilisés nus ou avec des revêtements organiques ou métalliques, vont interagir avec les denrées alimentaires et sont susceptibles de libérer dans ces denrées des constituants provenant de la structure du réseau métallique (aluminium, fer, chrome, nickel..), ou des impuretés comme le plomb ou le cadmium.
Du fait de leur nature, les métaux et alliages sont des matériaux particulièrement sensibles au contact des denrées alimentaires très acides et/ou salées, avec un risque de migration de substances chimiques et/ou d’oxydation.
- Les articles en papier et en carton sont les matériaux actuellement les plus demandés par les consommateurs derrière les matières plastiques pour le conditionnement des denrées alimentaires. Parmi eux on observe un accroissement du volume des papiers et cartons recyclés concernés par de nouvelles problématiques de contaminations. Les usages de ces articles sont variés : boites à pizza, assiettes, gobelets, boites souvent enduits ou revêtus, serviettes de table colorées, pailles en carton utilisées en remplacement du plastique à la suite de l’interdiction des pailles en plastique à usage unique ou encore filtres à café. Les revêtements et impressions des papiers et cartons peuvent être à l’origine de la migration de diverses substances vers les aliments. De nombreux contaminants sont également apportés lors du recyclage de ces articles.
Le bisphénol A fait l’objet, en France, d’une interdiction d’utilisation dans les matériaux destinés au contact des denrées alimentaires. Cette substance présente dans de nombreux produits servait notamment à préserver le goût des aliments et à les protéger d’une contamination microbiologique.
Dès 2011, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a publié un rapport dans lequel elle conclut à l’existence d’effets néfastes avérés de cette substance chez l’animal (sur la reproduction, le métabolisme, le cerveau et le comportement) et d’effets suspectés chez l’humain (effets sur la reproduction, sur le métabolisme et pathologies cardiovasculaires).
Un taux d’anomalies en légère baisse mais un taux de non-conformité des prélèvements en augmentation
Afin de s’assurer de la sécurité des articles en contact avec des denrées alimentaires, les contrôles ont été effectués de la production à la vente au consommateur final, et, le cas échéant auprès des utilisateurs (industries agroalimentaires, commerce de détail). Ces contrôles ont porté sur leur aptitude au contact alimentaire (respect des limites spécifiques de migration, déclaration de conformité, etc.), leur traçabilité, la communication des informations nécessaires à leur bonne utilisation (étiquetage, documentation) ou encore le respect de leurs conditions d’utilisation chez les opérateurs du secteur alimentaire. En complément, la loyauté des allégations utilisées sur ces produits est contrôlée pour vérifier l’absence de pratiques commerciales trompeuses.
Au total, ce sont 1187 établissement qui ont été visités dont notamment 236 visites au stade de la production, 127 au stade de l’importation ou de l’introduction et 533 au stade du commerce de détail. Parmi eux, 345 établissements présentaient une anomalie, soit un taux d’anomalies par établissement de 29 % (31 % en 2018).
374 échantillons, tout type de matériaux confondus, ont été prélevés afin de vérifier leur conformité à la règlementation en vigueur. Les analyses relatives à l’aptitude au contact alimentaire ont mis en évidence la non-conformité de 59 échantillons soit un taux de non-conformité de près de 16 %, en hausse par rapport aux années précédentes (12 % en 2018). 31 articles ont fait l’objet d’une conclusion « à surveiller » représentant 8 % des articles totaux (11 % en 2017).
Des dépassements des seuils de migration de mélamine par les articles en plastiques mélaminés contenant des fibres ou des poudres de bambou ont été relevés en 2019 à la suite de nombreux signalements du système d’alerte RASFF[1]. Pour ce type d’articles (majoritairement originaire de Chine) plus de la moitié des échantillons (54 % contre 33 % en 2018) ont été qualifiés, au terme des analyses, de non-conforme et dangereux en raison du dépassement des limites de migration en formaldéhyde (cancérogène) et en mélamine (toxicité notamment rénale). La Commission et les différentes autorités de contrôles ont depuis 2019 précisé que ce type d’articles n’est pas autorisé par la réglementation, le bambou ne figurant pas parmi les substances qu’il est possible d’ajouter aux plastiques.
De manière générale, les échantillons sont déclarés :
- « Non conformes et dangereux » dès lors que le dépassement est lié à une notion de danger pour la santé humaine. Exemples : dépassement de substances classées CMR c’est-à-dire cancérogènes, mutagènes, reprotoxiques ;
- « non conformes » dès lors que le dépassement mesuré constitue un manquement mais, bien que son impact sur la santé ne soit pas exclu, celui-ci ne permet pas de quantifier le risque pour la santé humaine. Exemple : dégorgement des colorants, altérations organoleptiques ;
- « A surveiller » notamment lorsque la moyenne des valeurs mesurées est inférieure à la valeur réglementaire ou de danger mais proche de celle-ci.
Ces produits font également l’objet de nombreuses allégations de type « 100 % bambou » ou « naturel » tendant à induire le consommateur en erreur sur les caractéristiques substantielles du produit.
Que ce soit sur les matériaux plastiques ou les papiers-cartons les dépassements de migrations en phtalates (substances classées CMR) sont récurrents. Ces substances ayant un effet perturbateur endocrinien doivent faire l’objet d’une attention et d’une surveillance particulière.
Les composés fluorés, principalement l’acide perfluorooctanoïque (PFOA), n’ont pas été détecté en migration dans les MCDA susceptibles d’en contenir (poêle revêtues etc).
Une forte hétérogénéité est observée dans le respect de la règlementation selon la taille des opérateurs et le stade du contrôle. Au stade de la production, la connaissance de la règlementation est généralement maitrisée, même si certains petits entrepreneurs, disposent moins fréquemment que les autres professionnels de la documentation nécessaire (déclaration de conformité) et n’arrivent pas à appliquer facilement les exigences de la règlementation (essais de migrations, autocontrôles etc.).
L’absence et la non-transmission de la documentation de la part des fabricants mènent à de nombreux mésusages chez les clients et utilisateurs.
Les plus fréquentes anomalies d’étiquetage et d’allégations trompeuses sont relevées au stade de la distribution. Susceptibles d’induire le consommateur en erreur, ces allégations mettent souvent en avant des vertus environnementales non justifiées.
Les contrôles ont donné lieu à 387 avertissements, 99 mesures de police administrative, 32 procès-verbaux et 1 arrêté de suspension de mise sur le marché portant sur des ustensiles de cuisine en aluminium en provenance de fonderies artisanales de Madagascar.
Les professionnels ayant fait l’objet de précédents contrôles sont bien plus au fait de la réglementation relative aux matériaux au contact et se mettent rapidement en conformité.
Toutefois, au vu du nombre de non-conformités constatées, de la diversité des produits présents tout au long du cycle de vie des aliments et des enjeux sur la santé des consommateurs, la vérification de la bonne application de la réglementation relative aux matériaux destinés à entrer en contact avec des denrées alimentaires demeure essentielle, notamment avec l’émergence de produits alternatifs aux matières plastiques.
[1]Rapid Alert System for Food and Feed, ou RASFF