Les produits reconditionnés sont aujourd’hui familiers pour le consommateur, surtout lorsqu’il est question de téléphones mobiles et de tablettes occupant une place prédominante sur ce marché. Le terme de reconditionné lui-même est d’ailleurs devenu un véritable outil marketing et recouvre des réalités assez diverses malgré une acception en apparence partagée par les professionnels.
Produits reconditionnés : quels engagements vis-à-vis du consommateur ? - PDF, 290 Ko
Pour ces raisons et au regard des enjeux liés au développement de l'économie circulaire et à la lutte contre le gaspillage[1], la DGCCRF suit de près la filière des produits reconditionnés. Des investigations menées en 2018 avaient fait état d’un taux important d’anomalies. Une nouvelle enquête a suivi entre 2020 et 2021. Décryptage et nouveau bilan.
A l’issue de ses investigations de 2018, la DGCCRF avait constaté que de nombreux professionnels n’étaient pas en mesure de justifier les allégations sur la qualité des produits reconditionnés et la réalité des tests annoncés. Son enquête menée entre 2020 et 2021 a ciblé les smartphones et les tablettes eu égard à leur place prépondérante sur ce marché du reconditionné. L’objectif était à nouveau de vérifier la loyauté des allégations mises en avant dans les offres commerciales. La persistance de pratiques contraires au Code de la consommation et des plaintes justifiait en effet de reconduire les contrôles. Les vérifications ont été cette fois particulièrement centrées sur les tests annoncés et leur réalité au regard des allégations qualitatives mises en avant lors de la commercialisation.
Le périmètre spécifique du marché à contrôler
Les contrôles ont été mis en œuvre dans 30 départements, répartis dans 15 régions. L’enquête a donné lieu au contrôle de 84 établissements, qu’il s’agisse de magasins physiques ou de sites vendant exclusivement en ligne. Les différents types d’opérateurs identifiés dans cette filière des téléphones et des tablettes reconditionnés ont fait l’objet de contrôles, à savoir :
- les professionnels « historiques » : ce sont les commerces qui intervenaient déjà dans la distribution des produits neufs et qui ont investi le marché des produits reconditionnés ;
- les nouveaux professionnels spécialisés dans la vente de produits reconditionnés : ce sont ceux qui façonnent en grande partie ce secteur et qui peuvent avoir divers statuts comme celui de plateformes de vente en ligne ou d’opérateurs vendant directement aux consommateurs les produits qu’ils reconditionnent ou font reconditionner ;
- les entreprises non spécialisées sur le segment et qui ont à la base une activité de réparation : certaines ont fait le choix de s’investir sur le marché des appareils électroniques grand public reconditionnés ;
- les fournisseurs importants de produits reconditionnés : à savoir ceux qui reconditionnent ces produits avant de les proposer à des distributeurs.
Les investigations ont ici été menées pour vérifier notamment :
- l’absence de pratiques commerciales trompeuses (articles L. 121-2 et suivants du Code de la consommation), notamment sur la teneur des tests et les contrôles allégués permettant de justifier de l’utilisation du terme reconditionné et des mentions valorisantes ;
- les conditions de l’emploi du terme « certifié » pour les produits reconditionnés comportant cette mention (voir ci-dessous) ;
- le respect de l’information précontractuelle délivrée au consommateur, dont celle relative aux garanties légales, concernant les produits reconditionnés (articles L. 111-1 et R. 111-1 du Code de la consommation, art. L. 221-5 concernant les contrats conclus à distance et art. L. 211-2 concernant les conditions générales de ventes) ;
- l’absence de clauses abusives (L. 212-1 à 3 et L. 241-1 et 2 du Code de la consommation) ;
- l’emploi de la langue française (loi du 4 août 1994).
Qu’est-ce qu’un produit reconditionné ?
Les termes « reconditionné » et « produit reconditionné » ne peuvent s’appliquer qu’à des produits d’occasion ayant fait l’objet d’une vérification complète permettant de s’assurer de leur sécurité et de leur bon fonctionnement, avec le cas échéant une intervention technique visant à leur remise en état (réparation, remplacement de pièces, de petits composants, etc.).
Ces conditions dans lesquelles ces termes peuvent être utilisés sont désormais celles énoncées par le décret n°2022-190 du 17 février 2022.
Une amélioration nécessaire de l’information aux consommateurs
Lors de leurs investigations, les enquêteurs ont pu constater que la majorité des opérateurs contrôlés achètent leurs produits auprès de fournisseurs, sans réellement vérifier l’état de ces produits. Certains opérateurs mentionnent la réalisation de tests mais très peu d’entre eux ont pu en justifier la nature et aucun n’a pu fournir de résultats précis de nature à étayer les allégations qualitatives relayées lors de la vente des produits.
Les professionnels ayant fait état d’interventions autres que des tests ont mentionné le changement de la batterie, de l’écran, de petits composants, l’effacement de données. Le remballage est lui aussi mentionné, sans que les professionnels contrôlés aient pu préciser dans quelle proportion c’est la seule intervention réalisée.
Un certain manque de transparence a par ailleurs été constaté quant à la traçabilité des téléphones et tablettes reconditionnés. En l’occurrence, 62 % des professionnels contrôlés étaient dans l’incapacité de fournir les informations relatives à la provenance des produits. Lorsque la provenance était connue (dans 38 % des cas), il a souvent été indiqué que les appareils étaient issus de rachats de produits auprès des consommateurs (11 %) ou de parcs d’entreprises (12 %) ; 5 % des produits ont été identifiés comme provenant de retours aux services après-vente et 4 % de retours après rétractation des acheteurs.
Une variété de manquements constatés
A l’issue de l’enquête, 52 établissements sur 84 visités se sont révélés être en anomalie, soit 62 % des établissements contrôlés. Ces anomalies concernaient essentiellement l’information précontractuelle devant être délivrée au consommateur, pour laquelle il a notamment été constaté l’absence de justification de l’usage du terme « reconditionné » par rapport au terme « occasion » et de façon générale, l’absence, l’insuffisance, voire le caractère déloyal des informations sur les caractéristiques des produits proposés à la vente.
La crise sanitaire n’était que rarement la cause des manquements dont certains avaient déjà été rencontrés lors de la précédente enquête de 2018. Sur ce marché en pleine expansion, le panel des manquements constatés s’est donc confirmé particulièrement varié et a concerné principalement :
- L’insuffisance des informations sur l’état des produits présentés comme reconditionnés
Les conditions d’emploi du terme « reconditionné » rapportées par les enquêteurs ont fait ressortir de façon générale une insuffisance, si ce n’est une absence, de justifications. La description de l’état des produits était toujours principalement axée sur leurs caractéristiques esthétiques. En guise de descriptif, sont souvent fournis des classements selon 4 états du produit, avec un état générique relatif au produit neuf, sans description réelle de l’état de fonctionnement du produit proposé. Le descriptif du produit se borne ainsi à des indications sommaires et généralistes telles que « très bon état », « premium », « bon état » ou « parfait état » sans autres précisions. Des termes laconiques tels que « défauts mineurs », « fonctionnel », « défauts d’aspect apparents », « défauts d’aspect manifestes », « micro rayures »… sont régulièrement utilisés et ne permettent pas au consommateur d’appréhender l’état réel du produit avant l’achat. Par ailleurs, les mentions valorisantes sur la fonctionnalité des produits, telles que la mention « 100 % » complétée, le cas échéant, par un adjectif tel que « fonctionnel », peuvent rarement être justifiées.
- L’absence de justifications de l’emploi du terme « reconditionné »
Les professionnels contrôlés, majoritairement des distributeurs, n’ont en général pas été en mesure de fournir une information sur les vérifications alléguées, et encore moins des informations permettant d’étayer des allégations de qualité et de justifier du descriptif fourni aux consommateurs dans les offres commerciales.
Dans les quelques cas où des informations sur ces opérations de vérifications étaient fournies, elles n’étaient pour la plupart, pas de nature à justifier les allégations trouvées, ni les fiches descriptives des produits. L’analyse des documents obtenus, portant sur les tests ou la mise en œuvre de cahiers des charges visant à attester la réalité des vérifications mentionnées, a révélé que les tests et cahiers des charges étaient insuffisants pour justifier les allégations qualitatives et caractéristiques mises en avant.
D’une manière générale, les éléments fournis aux consommateurs ne leur permettent pas de prendre connaissance du degré de perte ou diminution de qualité d’usage, voire de fonctionnalité, notamment pour les caractéristiques mentionnées sur la fiche du produit, et donc d’être en mesure de comparer les produits reconditionnés entre eux (et à plus forte raison de comparer le produit reconditionné à un produit neuf). A défaut d’information sur l’état réel des produits, les consommateurs n’ont donc pas réellement la possibilité d’effectuer un choix éclairé.
- Les anomalies relatives aux obligations légales en matière de certification
Un produit reconditionné peut bénéficier d’une certification lorsqu’un organisme distinct du fabricant, de l'importateur, du vendeur, du prestataire ou du client, atteste que ce produit est conforme à des caractéristiques décrites dans un référentiel de certification (article L. 433-3 du Code de la consommation). La possibilité de procéder à la certification d’un produit est réservée à des organismes accrédités par un organisme d'accréditation.
Lors de l’enquête, il a été relevé que plusieurs opérateurs, censés être bien informés sur leurs obligations professionnelles, méconnaissaient la notion de certification et faisaient certifier les produits mis en vente par des prestataires qu’ils évaluent eux-mêmes ou en faisant appel à des experts internes à la société.
- Les informations trompeuses sur les garanties légales
Sur cet aspect, les enquêteurs ont constaté que l’information précontractuelle en matière de garanties légales pour les produits d’occasion était souvent inexacte, absente dans les lieux de vente et sur les sites internet ou parfois même trompeuse. Les professionnels qui commercialisent les produits reconditionnés méconnaissent de façon générale les règles sur la durée de garantie applicable.
Le caractère neuf ou d’occasion du bien ne conditionne pas la durée de garantie légale de conformité de deux ans, laquelle s’applique indistinctement aux biens neufs et aux biens d’occasion. En revanche, à date de l’enquête, la présomption d’antériorité du défaut (selon laquelle un éventuel défaut présenté par le produit est présumé antérieur à la vente) était valable pendant une durée de deux ans pour les biens neufs et de six mois pour les biens d’occasion. Il existe souvent une confusion entre délai de garantie et délai de la présomption. Ainsi, une garantie légale de six mois correspondant en réalité à la durée de présomption d’antériorité applicable aux produits d’occasion se trouve ainsi fréquemment annoncée.
Par ailleurs, l’information fournie était souvent de nature à créer une confusion entre la garantie légale et la garantie commerciale (comme dans le cas de la vente de produits neufs). Les garanties annoncée ne sont que rarement décrites ou tout au moins pas de manière satisfaisante. Il a été notamment relevé que des opérateurs importants annonçaient une garantie d’un à deux ans sans préciser s’il s’agissait de la garantie légale ou de la garantie commerciale. Certaines mentions mises en avant comme un avantage commercial à l’instar de la mention « satisfait ou remboursé pendant 14 jours », sans mention de la garantie légale de conformité, peuvent tromper le consommateur sur l’étendue de ses droits.
Il a en outre été constaté qu’une majorité des vendeurs tendaient à exclure les accessoires (dont les batteries) des garanties, y compris des garanties légales. Or, les accessoires dont les batteries, y compris d’occasion, ne peuvent pas être exclus de la garantie légale de conformité.
Un marché à maintenir sous surveillance
A de rares exceptions près, cette enquête a permis de constater un manque général d’information sur l’état des produits reconditionnés commercialisés par les opérateurs. Les enquêteurs ont établi que l’absence de respect des obligations légales en matière d’information des consommateurs par les vendeurs va de pair avec des pratiques déloyales relatives aux allégations qualitatives mises en avant. Ces pratiques découlent notamment d’une opacité en amont de la filière. Lors des contrôles, il a par ailleurs été noté que les personnels en charge des interventions sur les appareils ne disposaient généralement pas de qualifications reconnues.
Afin d’accompagner le développement du secteur, le cadre règlementaire existant a récemment été renforcé. Le décret n° 2022-190 du 17 février 2022 encadre désormais les conditions d’emploi des mentions « reconditionné » ou « produit reconditionné » (voir aussi l’encadré ci-dessus). Il est expressément réservé aux produits d'occasion respectant des conditions quant à la réalisation de tests, voire d'une ou de plusieurs interventions techniques permettant de s'assurer de la sécurité et des fonctionnalités du produit.
Bien que le secteur des produits reconditionnés, notamment des téléphones mobiles, ne semble pas avoir souffert durant la période de la crise sanitaire, le contexte général a néanmoins conduit les enquêteurs à privilégier des mesures correctives ou pédagogiques. Cette enquête a ainsi donné lieu à 27 injonctions de mise en conformité avec la réglementation et 26 avertissements portant essentiellement sur l’absence d’information précontractuelle ou de documentation technique permettant de justifier des allégations relatives aux produits reconditionnés.
Les pratiques de certains opérateurs dans ce domaine créent toutefois une situation de concurrence déloyale par rapport à d’autres plus vertueux. Les pratiques constatées et l’évolution du secteur justifient dès lors la poursuite d’investigations dans ce domaine.
[1] Notamment avec la loi n°2020-105 anti-gaspillage et économie circulaire du 10 février 2020 dite loi AGEC.
Pour en savoir plus
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