Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes

Information du consommateur : trop d’anomalies de la part des entreprises d’aide et d’accompagnement à domicile

Si la protection du consommateur est essentielle, elle l’est d’autant plus lorsqu’il est question de l’aide et de l’accompagnement à domicile des personnes âgées et vulnérables. Des contrôles d’ampleur sont donc régulièrement menés par la DGCCRF auprès des opérateurs proposant des services d’aide et d’accompagnement à domicile (SAAD). Les résultats de l’enquête conduite entre mai 2023 et avril 2024 mettent en lumière un nombre important d’anomalies : 73 % des structures contrôlées en présentaient au moins une. Ces anomalies sont de gravités variables et ont fait l’objet, pour certaines, d’une remise en conformité immédiate par les opérateurs contrôlés. Bilan.

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Lors de cette enquête, 360 opérateurs d’aide à domicile ont été contrôlés dans 86 départements de 16 régions. Seules les entreprises proposant des services d’aide et d’accompagnement à domicile « en mode prestataire » étaient ciblées. Dans ce mode d’intervention, l’entreprise avec laquelle le consommateur contracte propose un service « tout compris », où elle est notamment l’employeur des personnes intervenant à domicile (par opposition au mode mandataire où c’est le consommateur qui est l’employeur de l’intervenant). Les sièges des grandes enseignes ont été contrôlés mais aussi leurs succursales ou franchisés et des opérateurs indépendants et publics.

L’objectif était de vérifier le respect de l’information des consommateurs, la loyauté des pratiques commerciales et l’absence de pratiques commerciales trompeuses. 

Les manquements relevés ont été nombreux : pratiques commerciales trompeuses concernant la présentation des prix ou la qualification des intervenants, surfacturations diverses, information précontractuelle défaillante, absence de devis ou présence de clauses abusives… L’importance du taux d’anomalies relevé lors de cette enquête est toutefois à relativiser car certaines d’entre elles restent mineures. Pour autant, les enquêteurs ont aussi été amenés à constater des pratiques gravement irrégulières justifiant des suites répressives.

Pratiques commerciales : de nombreux correctifs à apporter

Parmi les pratiques déloyales constatées, certaines portaient notamment sur les prix. Des défauts de concordance des prix ont en effet été constatés entre les différents supports d’information utilisés (publicité, grille tarifaire, site internet…). Les horaires d’intervention affichés étaient parfois différents des prix facturés.

D’autres pratiques déloyales pointées étaient relatives à la qualification des intervenants et au contenu des services. Certains sites internet présentaient par exemple la qualification professionnelle des intervenants avec des mentions valorisantes non justifiées ou non vérifiables. De même, les critères de recrutement des salariés ne correspondaient pas toujours à la réalité. Autre exemple : des opérateurs mettaient en avant la présence d’un intervenant unique auprès du bénéficiaire alors que cela n’était pas le cas. D’autres mentionnaient une permanence téléphonique 24h/24h et 7j/7 pourtant inexistante. Des enquêtes de satisfaction présentes sur les supports publicitaires s’avéraient parfois trompeuses et le calcul des statistiques était faussé afin d’attirer les consommateurs. Des logos de certification, a priori gage de qualité pour les consommateurs, étaient parfois apposés alors qu’ils étaient obsolètes ou que la procédure de certification n’avait pas été réalisée. Enfin, des allégations environnementales valorisantes étaient dans certains cas mises en avant alors qu’elles n’étaient pas vérifiables.

Plusieurs pratiques déloyales ont également été constatées sur la durée des prestations. Depuis le décret dit « transparence » du 28 avril 2022, le temps de prestation de service est strictement encadré. Ainsi, les professionnels ne peuvent intégrer dans le temps de prestation que le temps de service effectif passé au domicile du bénéficiaire. Les « autres temps » qui ne correspondent pas au service effectué auprès du bénéficiaire ne peuvent plus être comptabilisés, comme par exemple le temps de trajet des intervenants pour se rendre au domicile du consommateur.

Or, certains professionnels facturaient des temps de prestation d’une heure alors qu’en réalité le service au domicile ne durait qu’entre 30 et 45 minutes. Un opérateur incluait, par exemple, le temps de déplacement de l’intervenant dans le temps de prestation effective. Une autre structure établissait des factures sur la base du nombre d’heures prévu dans les plannings des intervenants mais ne correspondant pas aux heures réellement télébadgées par les intervenants au domicile. Cette pratique donnait donc lieu à des surfacturations.

Aux professionnels ayant évoqué leurs difficultés financières et le manque à gagner représenté par le fait de ne pas pouvoir facturer de frais annexes, les enquêteurs ont rappelé que le décret n’a pas vocation à interdire de facturer ces coûts : il les oblige à les intégrer directement dans le prix horaire du service afin de permettre aux consommateurs d’avoir une meilleure visibilité sur les prix et de pouvoir réellement comparer les offres de service.

Information, devis et clauses : beaucoup de manquements épinglés

Comme tous les professionnels, les opérateurs de SAAD doivent respecter un certain nombre d’obligations quant à l’information précontractuelle et à l’information sur les prix. Les professionnels respectent globalement leurs obligations mais les services d’enquête ont constaté un certain nombre de manquements comme, par exemple, un affichage incomplet des prix sur les grilles tarifaires, l’absence des prix hors taxes, l’absence d’indication du montant des majorations des prix les week-end et jours fériés ou encore l’absence de la mention obligatoire relative à la gratuité du devis.

Il a été constaté qu’un devis n’est pas toujours remis aux consommateurs bénéficiaires d’un plan d’aide (allocation personnalisée d’autonomie ou prestation de compensation du handicap), alors même qu’il est obligatoire à partir de 100 euros. Et lorsque le devis est délivré, les enquêteurs ont parfois constaté l’absence de certaines informations obligatoires telles que le lieu d’intervention, le numéro de déclaration et d’autorisation de la structure ou encore la durée de validité de l’offre.

En plus des devis, les contrats ont également été passés au crible par les enquêteurs. Dans l’ensemble, la réglementation relative à la forme et à la durée des contrats est relativement bien respectée. Sur le fond, en revanche, des clauses abusives ont été pointées. Parmi elles, les enquêteurs ont notamment épinglé une clause abusive imposant des conditions plus strictes pour le consommateur que pour le professionnel pour l’annulation des prestations : le professionnel s’engageait à proposer un remplacement mais à des conditions qu’il fixait (jours, horaires, intervenant) et, si le consommateur refusait, aucun remboursement n’était prévu. En revanche, si le consommateur annulait, il devait respecter un délai de prévenance de 3 jours, à défaut, la facturation était maintenue pendant 3 jours.

Le respect d’une spécificité des contrats de SAAD a également été vérifié et il a été constaté que des insuffisances étaient là encore à corriger. En effet, les contrats de SAAD doivent être accompagnés de l’annexe tarifaire obligatoire, du livret d’accueil ou encore de la charte des droits et des libertés. De plus, depuis la parution du décret dit « transparence », certaines mentions sont désormais obligatoires. Or, les opérateurs contrôlés ne respectaient pas toujours toutes ces dispositions.

Des suites à la mesure des anomalies constatées

A l’issue de cette enquête, il a été établi que 73 % des structures contrôlées présentaient au moins une anomalie. Si certaines anomalies étaient minimes et/ou ont pu faire l’objet d’une remise en conformité immédiate par les opérateurs contrôlés, les enquêteurs ont aussi constaté des pratiques gravement irrégulières, lesquelles appelaient donc des suites répressives.

Au total, de nombreuses suites ont été engagées :

  • 141 avertissements,
  • 191 injonctions,
  • 10 procès-verbaux administratifs,
  • 13 procès-verbaux pénaux.

Les procès-verbaux administratifs ont principalement concerné des défauts d’informations sur les prix, des défauts d’établissement de devis ou le non-respect des taux d’évolution des prix. Dans un cas, un professionnel a fait l’objet d’un procès-verbal administratif ayant abouti à une amende de 8 000 euros pour une absence d’affichage des prix dans son local et pour un défaut d’informations précontractuelles.

Plusieurs procès-verbaux pénaux ont par ailleurs été établis pour des surfacturations d’heures de prestation et ont parfois donné lieu à des signalements au Parquet pour escroquerie aux aides publiques. Certains de ces procès-verbaux ont notamment concerné la surfacturation d’heures alors que le bénéficiaire était décédé ou encore des interventions « inventées » s’étalant sur un certain nombre d’années, ou même la facturation de services non réalisées auprès des bénéficiaires.

Cette enquête visait principalement à vérifier la bonne application du décret « transparence ». Les nouvelles dispositions issues de ce décret n’étaient encore pas très connues des opérateurs au moment des contrôles ; les services d’enquête ont donc fait preuve de pédagogie à l’égard des professionnels. Les opérateurs concernés se sont, globalement, rapidement remis en conformité. Ces contrôles ont donc pu être aussi l’occasion d’accompagner la mise en place de ce texte récent.

D’un point de vue global, il apparaît nécessaire de maintenir une vigilance forte sur ce secteur, eu égard notamment aux constats réalisés, à la particulière vulnérabilité des personnes bénéficiaires des SAAD et à l’appropriation encore très partielle des nouvelles dispositions issues du décret « transparence ». Reconduire cette enquête sur le secteur pourra d’ailleurs, comme pour la présente enquête, donner lieu à un ciblage des opérateurs en prenant notamment en compte ceux ayant fait l’objet de plaintes ou de signalements, dont ceux réalisés via SignalConso.