Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes

La commande publique : une veille pour favoriser la loyauté de la concurrence entre les entreprises

Dans le cadre de sa mission de régulation de l'ordre public économique et particulièrement pour garantir la loyauté de la concurrence lors de la passation des contrats, la DGCCRF conduit une stratégie de surveillance des marchés pour détecter et faire sanctionner les pratiques anticoncurrentielles mises en œuvre par les entreprises à l'occasion de la mise en concurrence des contrats publics.

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L’essentiel

  • La commande publique correspond à l’ensemble des contrats conclus à titre onéreux par un acheteur public ou une autorité concédante ayant une mission de service public
  • L’ensemble de la réglementation est codifié dans le Code de la commande publique
  • La DGCCRF développe avec les élus locaux des relations d'intérêt partagé en termes de détection des pratiques anticoncurrentielles, de connaissance du marché et d'assistance.

La commande publique correspond à l’ensemble des contrats conclus à titre onéreux par un acheteur public ou une autorité concédante ayant une mission de service public (pouvoirs adjudicateurs ou entités adjudicatrices), pour répondre à ses besoins en matière de travaux, de fournitures ou de services, avec un ou plusieurs opérateurs économiques. Les contrats peuvent prendre la forme de marchés publics (l’ensemble de la prestation est financée par le pouvoir public) ou de concession (délégation d’une activité de service public où le gestionnaire se rémunère en partie par l’activité du service).

Les marchés publics recouvrent plusieurs formes. On trouve les marchés publics de fournitures conclus avec des fournisseurs ayant pour objet l'achat de produits ; les marchés publics de services conclus avec des prestataires ayant pour objet la réalisation de prestations de services ; et les marchés de travaux conclus avec des entrepreneurs ayant pour objet soit l'exécution, soit conjointement la conception et l'exécution d'un ouvrage ou de travaux de bâtiment ou de génie civil.

Il existe également des marchés publics d’un type particulier, les marchés globaux qui regroupent les marchés visés à l'article L. 2171-1 du Code de la commande publique ainsi que les marchés de partenariat, anciennement appelé « PPP » (Partenariat Public Privé1) . En 2020, le montant des marchés publics atteint plus de 111 milliards d’euros : soit. 34 % pour les marchés de fournitures, 29 % pour ceux de travaux, et 37 % pour les marchés de services. Côté donneurs d’ordres, l’Etat et le secteur hospitalier pèsent pour 32 % de ces marchés, les collectivités territoriales 37 % et les autres acheteurs (entreprises publiques, entité adjudicatrices, etc.) pour 31 %2 .

La seconde catégorie de contrats soumis au droit de la commande publique, est constituée des contrats de concessions. Cette modalité permet à la collectivité publique de confier l’exécution de travaux ou la gestion d’un service à un ou plusieurs opérateurs économiques, qui se voit transféré le risque lié à l’exploitation de l’ouvrage ou du service. En contrepartie, le délégataire peut disposer soit du droit d’exploiter l’ouvrage ou le service objet du contrat, soit de la possibilité de percevoir une rémunération. On retrouve au sein de ces contrats de concessions la notion française de délégation de service public (loi Sapin de 1993), qui couvre tous les contrats de délégation de service public antérieurement définis par la jurisprudence administrative, ainsi que l'affermage et la régie intéressée. Il s'agit notamment des contrats concernant la gestion des services publics de l'eau, de l'assainissement, des parcs publics de stationnement ou de la collecte et du traitement des ordures ménagères. Dans le cadre des contrats de concession, contrairement aux marchés publics, le risque économique est supporté principalement par le cocontractant.

Enfin, il existe le cas spécifique des sociétés concessionnaires d’autoroutes, qui sont également soumises au régime général de la commande publique dans la passation de leurs contrats (encadré par la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite « loi Macron »).

Le Code de la commande publique considère que «  les acheteurs et les autorités concédantes soumis au présent code sont les pouvoirs adjudicateurs et les entités adjudicatrices.3 » . L’acheteur public est soit pouvoir adjudicateur, soit entité adjudicatrice. Dans le cas de marché de travaux, on parle de « maître d’ouvrage ».

Les pouvoirs adjudicateurs correspondent aux entités qui engagent des deniers publics ; l’Etat, les collectivités territoriales et l’ensemble des autorités publiques ou privées dans leur rôle d’acheteur sur un marché public ou un contrat de concession (on y retrouve donc notamment les AAI, les EPIC, les OPH, les SEM ou encore les établissements publics de sécurité sociale).

Les entités adjudicatrices sont les pouvoirs adjudicateurs, ou les entreprises publiques, ou les organismes de droit privé qui exercent une activité d’opérateur de réseaux dans les secteurs de l’énergie (gaz, chaleur, électricité, etc.), de l’eau, des transports et des services postaux.

Le droit de la commande publique définit les modalités d’élaboration, de mise en concurrence et d’exécution de ces contrats publics, dans le respect des principes de liberté d’accès à la commande publique, d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures.

Les textes qui régissent ces différents types de contrats découlent en partie du droit de l’Union : directive n° 2014/23/UE relative aux concessions, n°2014/24/UE portant sur les marchés publics et n°2014/25/UE sur les activités de réseaux.

L’ensemble de la réglementation est désormais codifié dans le Code de la commande publique (ordonnance n° 2018-1074 du 26 novembre 2018 et décret n° 2018-1075 du 3 décembre 2018). Le code est entré en vigueur le 1er avril 2019.

Les grandes thématiques socio-économiques irriguent également la commande publique.

Comme dans de nombreux pans de la société, la prise en compte des enjeux environnementaux s’invite naturellement dans l’achat public.

En outre, les conséquences économiques de la pandémie et les nouveaux choix macro-économiques ont également des implications sur la commande publique. Une partie du plan de relance s’appuie ainsi sur la commande publique.

Les dernières évolutions de la réglementation ont eu pour objectif de :

  • simplifier les procédures et stimuler l’activité économique ;
  • garantir une meilleure performance de l'achat public dans ses enjeux, techniques, économiques et sociétaux.

Cela passe par l'élargissement des conditions de la négociation avec les opérateurs soumissionnaires, et l'allègement des conditions formelles d'accès au marché, telles que par exemple la mise en place du DUME (document unique de marché européen), du Marché Public Simplifié4, de la dématérialisation des procédures. Plus récemment, la loi ASAP (loi d’accélération et de simplification de l’action publique, publié en décembre 2020) est venue alléger les contraintes pesant sur les acheteurs publics, avec notamment le relèvement du seuil de dispense de procédure de publicité et de mise en concurrence pour les marchés de travaux inférieurs à 100 000€ HT, et la possibilité de dispenser les acheteurs de procédures de consultation pour un motif d’intérêt général, faculté qui devra néanmoins être précisée par décret.

  • Accroître la part des PME dans la commande publique.

Si les PME représentent 99 % du tissu économique, et obtiennent 58 % des marchés publics en volume, elles ne représentent que 30 % seulement en valeur5 . À l’inverse, les grandes entreprises, qui ne représentent que 20 % du nombre de contrats, obtiennent 44 % de la valeur. La simplification des procédures doit contribuer à corriger ce déséquilibre, également via les obligations de sous-traitance dans les marchés de partenariat ou les contrats de concession6 , l'allotissement obligatoire des marchés, et les nouveaux critères d'attribution liés notamment à la garantie de la rémunération équitable des producteurs, aux performances en matière de protection de l’environnement, au développement des approvisionnements directs de produits de l’agriculture ou à l'insertion professionnelle des publics en difficulté.

  • Encourager la transition écologique

La réglementation encourage plus fortement la prise en compte de critères environnementaux dans le processus de sélection, avec notamment le critère de coût de cycle de vie pouvant se substituer à celui du prix. Cette exigence écologique se retrouve également dans la rédaction des cahiers des charges. C’est l’objet notamment de la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire qui vient renforcer le « verdissement de la commande publique », en imposant aux acheteurs, notamment dans leurs marchés de fournitures, d’acquérir des biens issus du réemploi ou de la réutilisation ou comportant des matières recyclées.

La loi n° 2021-1104 « climat et résilience » du 22 août 2021 vient élargir davantage la prise en compte du développement durable, en renforçant la panoplie opérationnelle à disposition des acheteurs. Ils devront à l’avenir (2026 au plus tard) notamment prendre en compte obligatoirement des caractéristiques environnementales au niveau des spécifications techniques, des critères d’attribution et dans les conditions d’exécution du marché7.

Enfin, à partir du 1er octobre 2021, une nouvelle version des Cahiers des Clauses Administratives Générales (CCAG) est entrée en vigueur.

Ces recueils de clauses types ne sont pas obligatoires, mais constituent une référence utile pour les acheteurs, en prenant mieux en compte les impératifs environnementaux et en rééquilibrant les relations contractuelles avec les entreprises. Il existe désormais 6 CCAG : le CCAG Fournitures courantes et services (FCS), le CCAG Travaux, le CCAG Prestations intellectuelles (PI), le CCAG Techniques de l'information et de la communication (TIC), le CCAG Marchés industriels et le dernier venu, le CCAG Maitrise d’œuvre.

Les acheteurs doivent viser la performance économique de l'achat, du fait de budgets de plus en plus contraints, et la satisfaction des besoins d'intérêt général, par la réalisation des investissements publics ; faire preuve de vigilance s'agissant du respect des règles de mise en concurrence participe à la réalisation de ces objectifs.

La DGCCRF développe avec les élus locaux des relations d'intérêt partagé en termes de détection des pratiques anticoncurrentielles, de connaissance du marché et d'assistance (pour la définition du besoin et son adéquation avec l'offre de marché, et pour les démarches en réparation des dommages subis par les acheteurs du fait des pratiques délictueuses relevées).

Le rôle principal de la DGCCRF est de garantir la loyauté de la concurrence lors de la passation des contrats.

Cela consiste, d'abord, en la détection des pratiques anticoncurrentielles dans la commande publique. Pour ce faire, la DGCCRF bénéficie d’un réseau d’enquêteurs, présents à l’échelon départemental ou régional8 qui participent à la surveillance du marché. Les enquêteurs effectuent de la veille concurrentielle dans la commande publique et sont en mesure de détecter des anomalies dès le stade de la formulation de l'offre. Une stratégie de ciblage des secteurs d'activité présentant un risque concurrentiel est élaborée, pour réserver la participation des enquêteurs aux commissions d'appel d'offres les plus susceptibles de révéler des dysfonctionnements de concurrence.

La DGCCRF développe, également, des relations d'intérêt partagé avec les collectivités locales et leurs services, pour disposer de renseignements précis lui permettant d'assurer au mieux sa mission de surveillance du marché. L’expérience des acheteurs publics les conduit à identifier de manière efficace les offreurs potentiels sur un marché donné. Ils sont donc en mesure de fournir des informations précieuses sur des soupçons de pratiques anticoncurrentielles.

Les enquêteurs peuvent enfin fournir à l'acheteur des recommandations pour orienter le choix de la meilleure procédure à mettre en œuvre, pour renforcer le libre jeu de la concurrence. Ils peuvent également signaler à l'acheteur public les éventuels freins à la concurrence sur le marché concerné. Ils les informent sur la pratique décisionnelle des autorités de concurrence européenne et nationale dans le secteur économique considéré. Cette relation d'intérêt partagé entre la DGCCRF et les acheteurs publics concourt à une meilleure efficacité économique de l'achat.

Pour assurer cette mission, qui s'étend de la détection d'indices de pratiques anticoncurrentielles à la réalisation de l'enquête, la DGCCRF met en œuvre des pouvoirs coercitifs de recherches de preuves. Les résultats conclusifs de ses investigations seront transmis à l’Autorité de la concurrence, à même de prononcer des sanctions pécuniaires contre des entreprises s’étant entendues, à l’Autorité judiciaire, ou pourront faire l’objet d’un dispositif d’injonction et/ou de transaction par la DGCCRF avec les sociétés en cause.

Lorsque l'acheteur public est victime de pratiques anticoncurrentielles, bien souvent cela conduit la collectivité à devoir s’acquitter d’un prix artificiellement surévalué. Ce sont alors les finances publiques, et l’argent du contribuable qui sont directement affectées. La DGCCRF a également un rôle d'information sur les suites que l'acheteur peut mettre en œuvre dans ce cas. Il s'agit concrètement d'engager une action en réparation visant les auteurs des pratiques, pour obtenir des dommages-intérêts. La DGCCRF a élaboré un dépliant informatif dans le but de sensibiliser les acheteurs aux pratiques d’ententes, et notamment à l’utilité des signalements pouvant permettre des sanctions et réparations9 . Sur cette question de la réparation, la DGCCRF a également produit un guide à destination des acheteurs pour les aider à faire valoir leurs droits10 .

Par trois décisions récentes, le Conseil d’État11  a confirmé des compensations indemnitaires non négligeables (plusieurs millions d’euros), pour des pratiques anti-concurrentielles subies par des conseils départementaux victimes de plusieurs sociétés de signalisation routière précédemment sanctionnées par l’Autorité de la concurrence.

Une récente décision de la Cour de justice de l’Union12  a conduit l’Autorité de la concurrence à modifier sa pratique décisionnelle en matière d’entente sur les marchés publics, lorsque des sociétés remettent des offres distinctes tout en étant liées entre elles de façon à former une « unité économique ».

Ainsi, l’Autorité, dans sa décision n° 20-D-19 dite « AgriMer » du 25 novembre 2020, indique que le droit de la concurrence ne s’applique plus qu’aux seules entités économiques autonomes même dans le cadre de marchés publics. Dès lors, les candidatures similaires de deux sociétés, appartenant à un même groupe et formant une unité économique, ne peuvent plus se voir appliquer l’article L420-1 du Code de commerce prohibant les ententes, quand bien même auraient-elles procédé à une concertation illicite.

La seule appartenance à un même groupe n’écarte pas en elle-même le droit de la concurrence. Il faut pour cela que les entités concernées forment une unité économique au sens du droit de la concurrence, ce en application du critère de l’influence déterminante d’une ou plusieurs sociétés sur une ou plusieurs autres.

En outre, comme l’évoque l’Autorité, le droit de la commande publique trouve toujours à s’appliquer. Le comportement caractéristique de pratiques d’ententes « reste susceptible d’être appréhendé par le droit des marchés publics, dans la mesure où il peut induire en erreur l’acheteur public et fausser les résultats du processus de commande publique »13

L’arrêt du Conseil d’État du 8 décembre 2020 14  confirme cette application du droit de la commande publique en rappelant que deux entreprises sans autonomie commerciale ne peuvent pas soumissionner au même lot : « deux personnes morales différentes constituent en principe des opérateurs économiques distincts, elles doivent néanmoins être regardées comme un seul et même soumissionnaire lorsque le pouvoir adjudicateur constate leur absence d'autonomie commerciale, résultant notamment des liens étroits entre leurs actionnaires ou leurs dirigeants, qui peut se manifester par l'absence totale ou partielle de moyens distincts ou la similarité de leurs offres pour un même lot. »

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Ce que dit la loi :
-
Code du commerce- article L.420-1 et suivants
- Ordonnance n° 2018-1074 du 26 novembre 2018 portant partie législative du code de la commande publique
- Décret n° 2018-1075 du 3 décembre 2018 portant partie réglementaire du code de la commande publique
-
Directive n° 2014/24/UE du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics et Directive n° 2014/25/UE du 26 février 2014 relative à la passation de marchés par des entités opérant dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des services postaux
- Directive n° 2014/23/UE du 26 février 2014 sur l’attribution de contrats de concession

Pour en savoir plus :
-
Le guide "Réussir l'achat public : 10 conseils" publié en juin 2015
- Dossier Marchés publics 

1Cf. https://www.economie.gouv.fr/daj/marches-globaux-2019

2 Chiffres 2020 issus du recensement économique de la commande publique réalisé par l’OECP et la DAJ, publié en octobre 2021.

3 L1210-1 du Code de la commande publique.

4 Cela permet aux entreprises de répondre à un marché public avec leur seul numéro SIRET dès lors que l’acheteur public a identifié ce marché comme éligible au dispositif. Ces marchés sont signalés par le logo « MPS ».

5 Chiffres 2020 : source https://www.economie.gouv.fr/files/files/directions_services/daj/marches_publics/oecp/recensement/recensement_chiffres2020_20211012.pdf

6 Décret n° 2016-360 article 163 et décret n° 2016-86 article 35.

7 Voir la fiche de la DAJ sur la loi « climat et résilience » : https://www.economie.gouv.fr/files/files/directions_services/daj/actualites/Fiche_explicative_loi_Climat.pdf

8 Au niveau régional au sein des directions régionales de l’Économie de l’Emploi du Travail et des Solidarités (DREETS) et au niveau départemental au sein des directions départementales de l’Emploi du Travail et des Solidarités (DDETS) ou des directions départementales de l’Emploi du Travail et des Solidarités et de la protection des populations (DDETS-PP).

9 https://www.economie.gouv.fr/files/files/directions_services/dgccrf/commande-publique-sanction-reparation-ententes.pdf

10 Guide à destination des élus locaux sur le thème de l'action civile en réparation des victimes de pratiques anticoncurrentielles

11 N° 420491, 421758 et 421833 rendues le 27 mars 2020.

12 CJUE 17 mai 2018 Ecoservice projektai UAB C-531/16.

13 https://www.autoritedelaconcurrence.fr/fr/communiques-de-presse/reponses-aux-appels-doffres-par-des-filiales-dun-meme-groupe-lautorite

14 https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000042659658?tab_selection=all&searchField=ALL&query=436532&page=1&init=true

 

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