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La Lettre de la DAJ n°354 est parue !

Rapport public annuel 2023 de la Cour des comptes : la décentralisation, 40 ans après, par Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes.

Portrait de Pierre Moscovici
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Comme chaque année depuis 1946, la Cour des comptes a dévoilé, le 10 mars dernier, son rapport public annuel. Particulièrement attendu, il présente un bilan de quarante années de décentralisation et dresser un diagnostic de l’état de l’organisation territoriale. De manière globale mais aussi concrète, le rapport aborde, au travers de plusieurs thèmes, les principaux enjeux institutionnels et financiers que rencontrent les collectivités et l’État dans ce domaine.

Depuis le rapport annuel 2022 consacré à la réponse de l’Etat face à la crise sanitaire, cette publication n’est plus un assemblage de nos productions mais s’organise sous un format thématique. Cette orientation décidée dans le cadre de son projet stratégique de modernisation centre le rapport public annuel sur un enjeu majeur de l'action publique. Par ailleurs, comme depuis le 1er janvier 2023, nous publions tous nos travaux, il n’y aurait guère de sens à présenter un patchwork alors que vous pouvez tous consulter les quelque 200 rapports que la Cour des comptes publie chaque année.

Un chapitre introductif traite la situation d’ensemble des finances publiques. La présence de ce chapitre est essentielle, tant la situation des finances publiques conditionne la politique de la Nation et tant son actualité s’avère préoccupante. La dépense publique continue en effet de croître à un rythme soutenu. La sortie du « quoi qu’il en coûte », prévue pour 2022 a encore été ajournée du fait des mesures visant à atténuer la hausse des prix de l’énergie. La trajectoire de notre dette n’est dans ce contexte pas soutenable ; un pays endetté à l’excès ne disposant pas de marges de manœuvre suffisantes pour investir à long terme dans son avenir. Aujourd’hui, les priorités sont pour la Cour que notre pays se dote d’une loi de programmation des finances publiques réaliste mais ambitieuse pour 2023-2027, et la sortie progressive mais définitive du « quoi qu’il en coûte ».

Le chapitre premier du rapport analyse le degré de réalisation des trois objectifs des lois « Defferre » : renforcer la démocratie locale, rapprocher la décision politique et administrative du citoyen et améliorer l’efficacité et l’efficience de la gestion publique. Le lien de proximité et de confiance entre le citoyen et le décideur est au cœur des analyses de la Cour et des chambres régionales et territoriales des comptes.

Pour la Cour, ces objectifs ne sont pas atteints. Les réformes menées depuis 2010 n’ont pas permis de remédier aux défauts de l’organisation territoriale, faute de vision consensuelle entre les différents acteurs. Les modalités de financement des collectivités se sont complexifiées, entre dotations de l’Etat, part d’impôts nationaux, fiscalité et redevance locales. L’organisation des compétences territoriales s’est également traduite par une augmentation significative des dépenses locales.

Ces constats sont étayés par l’analyse de plusieurs politiques publiques partagées. Cette approche sectorielle permet d’aborder des sujets d’une importance particulière, par leur ampleur opérationnelle et les masses financières en jeu : le développement économique des collectivités, les politiques sociales décentralisées, la gestion des collèges, la politique du spectacle vivant, la gestion des déchets ménagers et de l’eau ou l’intervention enfin des services de premier secours.

Le Rapport public annuel 2023 est, enfin, l’occasion pour les juridictions financières de proposer de poser les bases d’une nouvelle étape de décentralisation afin de revoir la répartition des compétences entre l’Etat et les différents échelons de collectivités locales et pour doter chaque échelon des moyens lui permettant de les assumer dans les meilleurs objectifs d’efficacité. Nous proposons, pour le court et le moyen terme, plusieurs directions : simplifier le partage des compétences et responsabiliser les acteurs; approfondir la coopération intercommunale et mieux l’articuler avec le rôle des communes ; renforcer la position de chef de file en matière de politiques partagées, surtout quand le nombre d’échelons est important, et préciser les modalités de coopération en évitant les concurrences inutiles ; utiliser effectivement la différenciation territoriale et les expérimentations pour tester des organisations plus efficaces et mieux adaptées à la diversité des situations locales. L’horizon de ces propositions est le maintien des ambitions originelles et centrales de la décentralisation : un meilleur service public local et une plus grande qualité de dépense publique.  

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