La Lettre de la DAJ n°352 est parue !

Le cadre juridique de la statistique publique, par Jean-Luc Tavernier, directeur général de l’Insee.

Portrait de Jean-Luc Tavernier
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Jean-Luc Tavernier, directeur général de l’Insee, évoque le cadre juridique des activités de production de statistiques ou de tenue de répertoires régaliens. Pour la production statistique, ce cadre est, pour les deux tiers, de source européenne, notamment pour les statistiques d'entreprises, les statistiques sociales et d'emploi, les statistiques démographiques ou les comptes nationaux.

Les activités de l'Insee répondent à un cadre juridique qui s'est étoffé au fil du temps, qu'il s'agisse de la production de statistiques ou de l'activité régalienne de tenue de répertoires, comme le RNIPP qui attribue le « numéro de sécurité sociale », le répertoire SIRENE des entreprises ou, dernièrement, le répertoire électoral unique.

En ce qui concerne la production statistique, c'est de l'ordre des deux tiers de l'activité qui est régie par des règlements européens. Le système statistique européen, composé d'Eurostat, des instituts nationaux de statistique et des autres autorités qui les accompagnent dans la production de statistiques européennes, achève du reste le regroupement des dispositions législatives applicables dans des règlements cadres, notamment sur les statistiques d'entreprises, les statistiques sociales et d'emploi, les statistiques démographiques ou les comptes nationaux.

La question de l'utilisation de données détenues par des entreprises à des fins de production statistique a reçu un début de réponse en France, avec la loi pour une République numérique de 2016, mais elle est toujours en mal de dispositions supra-nationales, qui devraient être prochainement proposées par la Commission.

Le cadre européen s'est aussi densifié, au fil du temps, pour mieux affirmer l'indépendance de la statistique publique et pour conforter le code de bonnes pratiques qui définit les principes de qualité et de déontologie qui s'imposent désormais. En France, c'est l'Autorité de la statistique publique (ASP), créée en 2008, qui a pour mission de veiller au respect de ces principes. Avec l'argument, justifié, que la réputation et la crédibilité de l'Insee et des services statistiques ministériels ne s'arrêtent pas au périmètre de la statistique européenne, le collège de l'ASP a étendu le champ de sa vigilance aux statistiques nationales ou aux exercices de prévision conjoncturelle que mène l'Insee.

La mission de mise à disposition des données a certainement pris une importance croissante au cours des vingt dernières années, qu’elles soient librement accessibles en open data ou de façon sécurisée à des fins de recherche. La statistique publique vise à être aussi transparente que possible sur ses méthodes et ses productions, tout en veillant farouchement à la protection du secret statistique ou des données personnelles, pour garder la confiance des enquêtés et des personnes physiques ou morales concernées, quant à l’utilisation faite de leurs données. Du reste, la tension entre partage des données et protection, garantie par exemple par les multiples dispositions du RGPD, est loin d’être spécifique à la statistique publique et concerne également la stratégie européenne des données.

On pourrait citer aussi, entre autres, la jurisprudence du Conseil constitutionnel en ce qui concerne les statistiques ethniques, qui permet la production de telles statistiques de façon très encadrée, ou encore les sanctions prévues en cas de non-réponse à des enquêtes obligatoires.

Enfin, on ne peut pas terminer ce panorama sans signaler qu'il est des cas, très inconfortables pour le statisticien, où un choix de nomenclature a des conséquences financières ou réglementaires, le recours au code d’activité APE pour une entreprise par exemple. Il faut répéter que cela n'est en général pas conforme aux textes, et n'est pas souhaitable si on a l'exigence de statistiques non biaisées.