Les places de marché ou marketplace mettent en relation des vendeurs et des acheteurs, particuliers ou professionnels sans être contraintes de contrôler la conformité des produits commercialisés sur leur site. Or, certains vendeurs n’ont pas la capacité ou la volonté de maîtriser les réglementations applicables aux produits commercialisés pour garantir à l’acheteur potentiel un produit sûr.
Places de marché, trop de produits non-conformes et dangereux - PDF, 425 Ko
En cas de signalement d’un produit dangereux (contenu illicite), les plateformes doivent mettre en œuvre rapidement les mesures nécessaires pour retirer de la vente ce produit. Cinq grandes places de marché se sont engagées en signant le code de conduite proposé par la Commission européenne en juin 2018 pour améliorer la sécurité des produits. Toutefois, leur degré de mobilisation reste variable en cas de rappel de produits dangereux.
La DGCCRF, qui veille à la sécurité des produits quel que soit le canal utilisé pour leur commercialisation, invite toutes les places de marché actives en France à rejoindre cette initiative pour garantir aux internautes des offres de produits sûrs et pour prendre en charge directement les rappels de produits. Elle appelle en outre les marketplaces à accroître leurs efforts pour limiter la mise en ligne de produits susceptibles d’être non-conformes et dangereux.
La DGCCRF a enquêté en 2018 sur huit places de marché parmi les plus populaires, afin d’évaluer le niveau de sécurité et de conformité des produits proposés à la vente aux consommateurs français par des vendeurs, le plus souvent établis dans des pays non européens. Le ciblage de l’enquête s’est porté sur les articles à bas coût et ayant présenté des niveaux de dangerosité et/ou de non-conformité importants lors des contrôles précédents : bijoux fantaisie, cosmétiques, briquets fantaisie, jouets en latex pour bébé, guirlandes électriques, peluches et déguisements pour enfant.
Le Centre de surveillance du commerce électronique (CSCE) du Service national d’enquête de la DGCCRF a procédé à l’achat de ces produits[1] sur les places de marché Internet Amazon, Ebay, Cdiscount, Aliexpress, Rueducommerce, Priceminister-Rakuten, Wish et Fnac.com.
Le Service commun[2] des laboratoires a ensuite procédé à différentes analyses afin de détecter la présence éventuelle de métaux[3] lourds dans les bijoux ou de substances interdites dans les cosmétiques, ou le risque de choc électrique causé par les guirlandes électriques. Les petits éléments facilement détachables, l'accès au rembourrage des peluches ou les déguisements susceptibles de provoquer un risque de suffocation pour de jeunes enfants et le risque de libération de produits chimiques[4] par les jouets en caoutchouc ont aussi été recherchés. Sur les briquets fantaisie, le principe retenu a été de repérer les offres en ligne de produits susceptibles d’être attirants pour les enfants (forme et couleur).
Les places de marché
En 2018, la croissance régulière du commerce électronique en France lui a permis d’atteindre un chiffre d’affaires de 93 milliards d’euros. Cette croissance s’est accompagnée de l’émergence d’acteurs d’importance nationale ou internationale, rassemblant des offres de produits couvrant tous les secteurs, et proposées par une multitude de vendeurs. Le leader mondial Amazon propose ainsi près de 140 millions d’articles à la vente.
L’essor de ces places de marché virtuelles ne cesse de croître. En France, elles représentaient 29 % du commerce électronique en 2018. Plus d’un internaute sur trois a réalisé un achat sur une place de marché lors des six derniers mois.
Une multitude de produits sans contrôle préalable de la part des places de marché…
Grâce à l’afflux de vendeurs sur leur portail, les places de marché sont en mesure de fournir un grand nombre de produits dans de nombreux secteurs. Toutefois, certains opérateurs non européens, séduits par la possibilité d’élargir leur zone de chalandise grâce aux places de marché n’ont pas la capacité ou la volonté de maîtriser les réglementations et les normes applicables dans tous les pays dans lesquels ils vendent leurs produits.
En effet, juridiquement indépendants du site internet qui les héberge, ces opérateurs trouvent, par ce biais, un moyen de proposer leurs produits à la vente en bénéficiant d’une structure « clé en mains », de la notoriété du portail web qui les accueille et parfois d’une compatibilité avec le commerce sur téléphone mobile (M-commerce[5]).
Le faible risque de sanctions pour des vendeurs indélicats vient accentuer le risque de négligence pouvant dégrader le niveau de sécurité des produits.
Des alertes de sécurité concernent régulièrement des produits non conformes et/ou dangereux commercialisés sur les places de marché qui n’auraient pas dû être proposés à la vente en Europe. Les mécanismes de prévention de la mise en ligne d’annonces concernant ces produits suspects sont plus ou moins performants selon les places de marché ou peuvent être contournés par des vendeurs peu scrupuleux.
La sécurité des produits sur les places de marché au cœur du dernier Consumer Safety network (CSN)
La sécurité des produits proposés sur les places de marché de commerce en ligne a fait l’objet d’une attention particulière lors de la dernière session du Consumer Safety Network (CSN - réseau sur la sécurité des produit instance regroupant, sous le pilotage de la Commission Européenne, l’ensemble des autorités de surveillances de marché des produits non alimentaires européennes). Cette session a été organisée pour la première fois dans un Etat membre, dans les locaux de la DGCCRF à Paris, les 28 et 29 novembre derniers.
Cette réunion a permis à la DGCCRF de présenter à la Commission et à ses homologues européens la méthodologie et les résultats de l’enquête menée en 2018 sur les places de marché, ainsi que les premiers résultats de l’enquête menée sur ce même sujet en 2019.
La Commission a également organisé à cette occasion un atelier spécifique (auquel ont pris part également des représentants de plusieurs associations européennes de protection des consommateurs ainsi que des représentants de différentes places de marché) ayant pour but de partager les bonnes pratiques en la matière afin d’intensifier la coopération entre les autorités de surveillance et les places de marché en ligne.
… se sont souvent révélés non-conformes voire dangereux pour le consommateur
Sur les 152 produits analysés, 65 se sont révélés dangereux (43%), et 51 (24 %), bien que sans danger, ne répondaient pas aux critères de conformité imposés par la réglementation. Le pourcentage total de ces manquements (77 %) est supérieur à ce qui est habituellement constaté dans le domaine des produits non alimentaires distribués par d’autres canaux de commercialisation.
Sur les cinq places de marché concernées par plus de 20 échantillons, la part des produits en anomalie dépasse 50 % et peut atteindre jusqu’à 80 % dans certains cas. La proportion des produits dangereux, quant à elle, va de 22 % à 58 %.
Les bijoux
Sur les 46 échantillons analysés, 34 ont été déclarés « non conformes[6] et dangereux », soit un taux de 74%, très supérieur au taux constaté dans les enquêtes précédentes sur les bijoux vendus en boutique.
Dans certains cas, les manquements concernaient la détection ou le dépassement de valeurs limites pour plusieurs métaux lourds tels que le plomb, le cadmium et le nickel[7]. Un quart des prélèvements présentait des teneurs supérieures aux seuils réglementaires.
Les cosmétiques
Sur les 45 produits concernés, 14 ont été déclarés non conformes, dont 7 dangereux, soit un taux de de près de 16 %.
Les produits de blanchiment dentaire présentent souvent des dépassements en peroxyde d’hydrogène. Des défauts d’information liés à la présence d’allergènes odoriférants ou à la présence de conservateurs ont également été observés.
Les briquets
Les offres de 13 vendeurs sur 4 places de marché ont été vérifiées. Trente références de briquets non conformes et dangereux, car présentant des caractéristiques attirantes pour les enfants, ont ainsi pu être identifiées.
Les jouets et les déguisements
Sur les 45 jouets analysés, 71 % se sont révélés non conformes, dont 29 % dangereux.
Des jouets en latex et des panoplies de déguisement présentaient des teneurs supérieures aux seuils réglementaires en phtalates (perturbateurs endocriniens). Sur d’autres déguisements, des risques de suffocation dus à de petits éléments détachables ont été constatés.
Sur les jouets achetés sur deux des places de marchés et analysés (7 et 5 respectivement), aucun n’était conforme.
Pour les peluches, jugées pour certaines dangereuses, les problèmes étaient liés à l’accès trop facile au rembourrage ou à de petits éléments trop aisément détachables.
Les guirlandes électriques
Aucun des produits contrôlés n’aurait dû se trouver sur le marché. Sur les 15 guirlandes analysées, toutes se sont révélées non conformes et 10 dangereuses pour des défauts de construction conduisant à des risques de choc électrique ou d’incendie, soit un taux de 66 %.
Les engagements du code de conduite de la Commission européenne
- Réagir dans un délai de 2 jours ouvrables aux notifications faites par les autorités.
- Fournir un moyen clair aux clients de notifier les produits dangereux proposés en ligne.
- Consulter les informations sur les produits dangereux ou rappelés disponibles sur le site du système d’alerte rapide de l’UE.
- Fournir des points de contact spécifiques aux autorités des États membres de l’UE pour les notifications relatives à des produits dangereux et pour faciliter la communication sur les questions relatives à la sécurité des produits.
- Prendre des mesures visant à prévenir la réapparition des produits dangereux.
- Informer et/ou former les vendeurs sur le respect de la législation.
Source : Communiqué de presse de la Commission européenne du 25 juin 2018
La sécurité des produits doit obligatoirement passer par un engagement volontaire à mieux communiquer sur leur dangerosité en cas de mesure de rappel
Les places de marché concernées par des produits analysés comme non conformes et dangereux ont été systématiquement sollicitées par la DGCCRF pour retirer les annonces relatives à ces produits.
A une seule exception près, les plateformes ciblées ont réagi avec célérité pour retirer toutes les annonces de produits non conformes et/ou dangereux de leur site Internet. En revanche, leur degré d’investissement a été plus contrasté pour les opérations de rappel. Certaines se sont limitées à informer les vendeurs concernés, d’autres plateformes ont préféré informer directement les acheteurs en leur proposant des modalités de retour ou de remboursement du produit.
Dans le cas où un doute subsistait sur l’effectivité de la mise en œuvre de ces mesures, la DGCCRF a communiqué au public les informations relatives aux produits dangereux, via le site d’alerte Rapex[8] et/ou sur le site de la DGCCRF.
Cette enquête a révélé que beaucoup de vendeurs tiers, utilisant les places de marché Internet prisées par les internautes en France, proposent des produits non conformes voire dangereux pour les consommateurs. Par conséquent, les places de marché doivent garantir un bon niveau de réactivité pour traiter les situations de produits non conformes et dangereux, tant dans le retrait des annonces que pour la gestion des suites relatives aux articles dangereux déjà vendus.
La DGCCRF encourage toutes les places de marché qui ne l’auraient pas encore fait à souscrire a minima aux 12 engagements volontaires[9] proposés par la Commission européenne afin d’intensifier leurs actions en faveur du renforcement de la sécurité des produits proposés en ligne et les invite à agir préventivement pour limiter la mise en ligne de produits susceptibles d’être non-conformes et dangereux.
[1] La majorité des produits provenait d’Asie.
[2] Service commun à la DGCCRF et à la Douane.
[3] Plomb, nickel et/ou cadmium.
[4] Phtalates et nitrosamines.
[5] Utilisation de technologies sans fil, et plus particulièrement de la téléphonie mobile, pour effectuer des achats.
[6] Règlement CE n° 1907/2006 du 18 décembre 2006 modifié dit « REACH » - annexe XVII entrées 23, 27 et 63 (cadmium, nickel et plomb).
[7] Teneurs en plomb allant de 0,15 à 74% (limite à 0,05 %), en cadmium allant de 0,035 à 97% (limite à 0,01%) et en nickel libéré allant de 1,09 à 39 µg/cm²/sem. (limite à 0,5 μg).
[8] Système d'échange rapide d'informations de l’Union européenne pour les produits dangereux.
Liens utiles
- Communiqué de presse : Sécurité des produits vendus en ligne - PDF, 150 Ko
- Guide de l’acheteur en ligne - PDF, 592 Ko
- Dépliant sur la sécurité des jouets - PDF, 445 Ko
Fiche pratique
Extraits de Concurrence et Consommation