En 2021, la DGCCRF a mené une enquête afin de mieux connaître le secteur de la vente de cosmétiques en vrac. Sur les 132 opérateurs contrôlés, 57 présentaient des anomalies en matière d’information du consommateur ou d’hygiène des produits. Six des vingt prélèvements effectués ont été déclarés non conformes aux normes microbiologiques, dont un présentant un danger pour la santé.

Les difficultés relevées vont permettre de réfléchir à de nouvelles règles pour mieux accompagner ce mode de vente appelé à se développer afin de satisfaire aux objectifs de réduction des emballages.
Promue par les pouvoirs publics par la loi AGEC (loi anti-gaspillage et économie circulaire) de 2020 et portée par les consommateurs cherchant à réduire les emballages et l’empreinte de la consommation sur l’environnement, la vente en vrac connaît un véritable essor. Toutefois, son développement doit être accompagné afin de maintenir la protection et la bonne information des consommateurs.
L’enquête réalisée en 2021 par la DGCCRF avait donc pour objectif d’explorer les modalités de vente développées par les professionnels, de dresser un état des lieux et d’en tirer des enseignements pour améliorer les pratiques des fabricants et distributeurs. Au total, 47 avertissements et 10 injonctions de mise en conformité ont été rédigés.
De nouvelles contraintes pour les professionnels
Les professionnels font donc face à des problématiques et contraintes nouvelles induites par ce nouveau mode de consommation dans lequel le pré-emballage a disparu. Ils doivent donc mettre en œuvre les moyens de s’assurer que les produits présentés en vrac sont commercialisés dans les mêmes conditions de sécurité et d’information que les produits pré-emballés et assurer aux consommateurs le même niveau de protection qu’avec des produits déjà pré-emballés.
En effet, l’emballage garantit la sécurité physico-chimique et microbiologique des produits en les protégeant d’éventuelles contaminations. L’emballage constitue également le support principal de l’information du consommateur : composition du produit, fonction, allergènes, date limite d’utilisation, fabricant, contenance, allégations, labels… La vente en vrac, appelle donc de nombreuses interrogations :
- les produits sont-ils compatibles avec la vente en vrac (questions du risque de contamination microbiologique, ou de la stabilité du produit par exemple) ?
- quelle information fournir au consommateur pour éviter les mésusages et permettre de tracer le produit en cas de problème ?
- comment prévenir les risques de contamination, lors des transferts du produit dans différents contenants jusqu’à son achat par le consommateur ?
- quelles responsabilités respectives des fabricants et des distributeurs ?
Des pratiques de distribution très hétérogènes
Les produits cosmétiques commercialisés en vrac peuvent être solides (savons, shampoings, dentifrices secs…) ou liquides (gels douches, shampoings, lotions, savons, eaux de parfums…). L’enquête a permis de constater des pratiques disparates selon les opérateurs contrôlés :
- Les produits sont présentés soit dans des contenants d’origine fournis par le fabricant munis par exemple d’un robinet, soit dans des réservoirs du détaillant après avoir été transvasés.
- Dans de nombreux cas, les consommateurs peuvent apporter leurs propres contenants ; dans d’autres cas, les consommateurs doivent utiliser le contenant, sous consigne, fourni par le distributeur.
- Il est parfois nécessaire d’acheter une première fois le produit préemballé puis de réutiliser le contenant pour la recharge.
- Enfin soit les consommateurs se servent seuls (libre-service), soit ils sont servis par le détaillant (service assisté).
Toutes ces modalités de vente sont a priori possibles, mais doivent être accompagnées de précautions adaptées.
Des magasins proposent des équipements particuliers : une vidéo pour expliquer comment se servir, des étiquettes à coller sur le récipient. Une marque a mis au point des systèmes doseurs délivrant les produits dans des contenants dédiés et consignés pour nettoyage. Une autre dispose d’un système permettant la stérilisation des contenants avant leur utilisation.
Des procédures à intégrer par les professionnels
Les établissements contrôlés, y compris les établissements en réseau ou ceux adhérents à une association professionnelle, sont rarement déclarés auprès de l’Agence nationale de la sécurité du médicament (ANSM), alors qu’il s’agit d’une formalité obligatoire pour la vente de cosmétiques. Des avertissements et des injonctions ont été adressés aux professionnels.
Non obligatoire mais vivement conseillée pour cadrer les responsabilités respectives des distributeurs et des fabricants, la signature d’un contrat relatif aux modalités de distribution est rare, et lorsqu’un contrat existe, il peut être très lacunaire. Par exemple, certaines pharmacies ont signé un contrat tripartite engageant un fabricant de cosmétiques fournissant le matériel nécessaire à la vente en vrac de ses produits, un prestataire installant les machines et récupérant les flacons usagés en vue de leur nettoyage, et la pharmacie chargée d’assister les consommateurs.
D’autres opérateurs disposent de protocoles émanant du fournisseur ou du franchiseur, détaillant des mesures telles que les modalités de chargement et de changement des contenants fournis au distributeur, le nettoyage et la désinfection des installations et déterminant le « parcours client » (choix des contenants à différencier des emballages alimentaires, pesée, panneaux d’information, remise d’étiquettes, etc.). Un réseau de franchises a mis au point un « Guide qualité », annexé au contrat de franchise, qui rappelle la réglementation et les conditions de mise en vente des produits et offre l’accès à des formations.
Former les personnels grâce à des guides mis à leur disposition
Deux tiers des établissements visités ont formé leur personnel. Les modalités choisies sont diverses. À titre d’exemple, le responsable d’un établissement franchisé a suivi une formation théorique d’une semaine, recouvrant divers aspects des procédures et bonnes pratiques d’hygiène ; de même, le gérant d’une épicerie indépendante spécialisée dans la vente en vrac de produits cosmétiques et de détergents a bénéficié, via une coopérative, d’une formation sur l’hygiène et la sécurité de la vente en vrac, incluant le risque microbiologique et l’information du consommateur notamment sur la question des allergènes. D’autres établissements s’appuient sur une association professionnelle pour former leur personnel.
Une enseigne nationale propose des guides d'utilisation (dispensant au personnel les conseils relatifs à la mise en service, la recharge, le nettoyage journalier…). Un fabricant a mis au point un guide et une affiche utiles à la fois pour les personnels et les consommateurs (types de contenants à utiliser, consignes de nettoyage, mise en garde du distributeur sur les contenants apportés par les consommateurs).
Ces initiatives doivent être encouragées.
Deux poids, deux mesures : payer le bon prix pour la bonne quantité
Dans la vente en vrac, le remplissage se fait de manière volumétrique ou au poids. Dans la plupart des établissements, les mesures se font par pesée en caisse, avec tarage du récipient. Les enquêteurs ont toutefois ponctuellement constaté lors de leurs investigations l’absence d’une balance vérifiée et étalonnée. Ces constats ont donné lieu à des avertissements.
Dans une pharmacie, les contrôles ont révélé que la machine doseuse délivrait 11,5 % de volume en moins que celui annoncé. Les suites ont toutefois été données auprès de la personne responsable, qui avait fourni le système de délivrance. Par ailleurs, deux établissements contrôlés imposaient aux consommateurs d’acheter par 1 litre alors que la vente en vrac implique que le consommateur puisse faire un choix sur la quantité vendue. Ces pratiques ont donné lieu à des avertissements.
Dans le cas de la vente au volume, des pratiques telles que le remplissage de contenants non gradués, le remplissage à vue de flacons gradués à 100 et 200 ml, ou le remplissage du flacon de recharge sans pesée ont été constatées.
Une traçabilité et une information complète sur les produits à améliorer
En matière de traçabilité, des bonnes pratiques ont été observées, telles que le report du numéro de lot sur les étiquettes remises au consommateur, ou la tenue d’un cahier relatif aux lots mis en rayon ou sortis des rayons, avec un classement par fournisseur ou par référence. Néanmoins, ces règles élémentaires de traçabilité restent trop peu appliquées.
D’autres anomalies ont également été observées :
- le mélange de différents lots dans un même contenant mis à la vente,
- le non-respect des périodes après ouverture (PAO) ou des dates de durabilité minimale.
Les enquêteurs ont également relevé de nombreux manquements, en particulier concernant l’information des consommateurs. Dans une enseigne, la liste des ingrédients et les numéros de lots étaient par exemple manquants.
S’il est possible au consommateur d’obtenir une étiquette à emporter dans plus de 80 % des établissements contrôlés, les modalités d’étiquetage sont variables selon les opérateurs, depuis l’absence totale d’étiquette jusqu’à un étiquetage complet fourni et collé systématiquement sur l’emballage.
Des avertissements ont été adressés aux professionnels, et des injonctions notamment à ceux qui n’avaient pas une traçabilité suffisante des produits. Plusieurs injonctions portaient également sur l’absence de dossier d’information sur les produits.
Risques de contaminations : attention à l’hygiène !
Globalement, de nombreux professionnels méconnaissent les risques microbiologiques liés à la vente en vrac, notamment des produits liquides, et ignorent les responsabilités et obligations leur incombant. Ainsi, des manquements concernant l’hygiène ont été constatés (absence de désinfection des pompes distributrices réutilisables ou de procédures de nettoyage).
Les modalités de remplissage des contenants et de nettoyage des matériels varient d’un magasin à l’autre, selon que les contenants sont à usage unique ou réutilisables. Certains établissements effectuent le nettoyage des contenants et des pelles servant à distribuer, d’autres utilisent des contenants et buses à usage unique, ce qui évite le nettoyage.
Les protocoles d’auto-contrôle sont plus ou moins détaillés ; par exemple, une bonne pratique a été identifiée dans une enseigne de cosmétiques biologiques et naturels qui prévoit que son personnel effectue chaque mois des prélèvements microbiologiques systématiques et un prélèvement aléatoire sur un flacon à recharger apporté par un consommateur.
Parmi les 20 prélèvements analysés par le service commun des laboratoires, 6 se sont révélés non conformes, pour des raisons microbiologiques (présence de bactéries, levures et moisissures principalement sur des savons liquides), dont un non conforme et dangereux en raison de la présence d’un micro-organisme pathogène (Pluralibacter Gergoviae). L’opérateur a mis en place une procédure volontaire de retrait-destruction.
Grâce notamment à l’enquête réalisée, un travail de mise au point de lignes directrices à l’attention des fabricants et des distributeurs sera engagé en complément, permettant d’harmoniser les pratiques de ce mode de vente, dans le respect de la réglementation et en veillant à la sécurité des consommateurs.
Et après ?Perspectives d’évolutions réglementaires de la vente en vracUn projet de décret résultant de la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire liste les produits dont la vente en vrac n’est permise que sous conditions ou interdite pour des raisons de sécurité ou de santé. Dans sa note d’appui scientifique et technique du 15 novembre 2021, l’ANSES précise que « La vente en vrac doit apporter au consommateur les mêmes conditions de sécurité sanitaire que la vente en conditionnement préemballé. » Afin de favoriser les bonnes pratiques notamment en matière d’hygiène, de traçabilité et d’information des consommateurs, elle préconise de renforcer le rôle des distributeurs et des consommateurs dans la maîtrise des risques sanitaires. S’agissant des cosmétiques, doit être davantage encadrée la vente en vrac de produits « fragiles » au plan microbiologique et plus difficiles à conserver (émulsions, savons liquides contenant de l’eau…). La règlementation devrait prochainement évoluer pour imposer des dispositifs de distribution adaptés aux risques microbiologiques que présentent certains produits. Par ailleurs, un projet de décret relatif à l’information des consommateurs est actuellement en préparation en lien avec le ministère chargé de la santé, qui permettra d’appliquer aux produits en vrac les mêmes obligations d’information des consommateurs que pour les autres modes de vente. |
Cible
132 établissements visités
Résultats
Taux d’établissements présentant au moins une anomalie : 43 %
47 avertissements
10 injonctions
Liens utiles
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Pour en savoir plus
Le guide " Je lance mon entreprise de cosmétiques " - PDF, 2.20 Mo