Honoraires, émoluments, débours, frais pour provisions… Chez les notaires comme chez les huissiers de justice, difficile souvent de s’y retrouver parmi les tarifs d’autant que les taxes peuvent varier. Or le consommateur doit pouvoir connaitre à l’avance le prix dont il devra s’acquitter quand il recourt à leurs services.

Tarifs des notaires et des huissiers : êtes-vous bien informés ? - PDF, 355 Ko
En 2021, la DGCCRF a consacré une enquête exploratoire sur le sujet. Ces investigations ont donné lieu au contrôle de 430 établissements et de 261 sites internet pour un total de 1 370 visites et actions de contrôle. Bilan de cette enquête.
L’objectif était de vérifier le respect, par les huissiers de justice et les notaires, de leur obligation d’informer le consommateur sur les tarifs de leurs prestations. Les contrôles ont également porté sur la manière dont ces professionnels font usage des remises. En tout, ce sont 172 notaires et 183 huissiers de justice qui ont été contrôlés, dans un contexte où certains ont parfois exprimé des réserves, considérant que seule leur chambre pouvait les contrôler.
L’enquête a mis en évidence des pratiques très variables selon les études. Pour les notaires comme pour les huissiers de justice, l’information relative aux tarifs est, de façon générale, très rarement exhaustive. Et dans le cas des honoraires libres, ce manque d’information compromet les comparaisons de prix.
Le périmètre de l’obligation d’information tarifaire
Lorsqu’on fait appel à un notaire, il n’est pas rare d’employer l’expression « frais de notaire » pour désigner ce que l’on va lui verser. Elle englobe en réalité plusieurs sommes, qui ne sont pas seulement des frais, mais qui recouvrent aussi la rémunération du notaire et des taxes. D’une manière générale en effet, recourir aux services d’un notaire ou d’un huissier suppose de payer un montant qui est en réalité l’addition de plusieurs sommes. Ce montant comporte la rémunération de l’officier public. La rémunération du notaire ou de l’huissier peut être, selon le type de prestation, libre ou réglementée, c’est-à-dire librement négociée ou au contraire fixée par la réglementation (voir l’encadré). Puis s’ajoutent à ce montant diverses autres sommes, notamment des taxes ou encore des frais avancés ou engagés par le professionnel lors de l’accomplissement de sa prestation, appelés également débours (voir l’encadré).
Petit lexique des tarifs
Débours : les sommes avancées par le professionnel dans le cadre du traitement du dossier.
Emoluments : la rétribution que prévoit le tarif réglementé pour l’officier ministériel établissant des actes de procédure (pour l’anecdote, ce terme vient du latin emolumentum qui désignait la somme versée au meunier pour moudre le grain). Les émoluments s’appliquent sur des prestations monopolistiques.
Frais : les dépenses engagées par le professionnel.
Honoraires : manière traditionnelle de désigner la rémunération fixée de gré à gré ou tarifée du professionnel libéral (pour l’anecdote, ce terme est hérité de l’époque où ces professionnels n’avaient pas la possibilité d’agir en justice pour le recouvrement de leur rétribution, laquelle était supposée honorer les services rendus).
Tarif réglementé : pour certains actes d’officiers publics, le tarif est réglementé, c’est-à-dire fixé par la réglementation ; ce tarif n’est dans ce cas pas négociable (à l’inverse, lorsque la réglementation n’impose pas de tarif on parle dans le langage courant d’acte soumis à « honoraires libres »).
Afin que le consommateur soit correctement informé lorsqu’il fait appel à un notaire ou à un huissier, plusieurs textes encadrent l’obligation d’information de ces officiers publics sur leurs tarifs. Pour en vérifier le respect, les enquêteurs ont ici principalement examiné :
- l’information tarifaire sur le prix des prestations des huissiers de justice et des notaires, que le tarif soit réglementé ou libre : il était question de vérifier l’application de l’arrêté du 3 décembre 1987 relatif à l’information du consommateur sur les prix (de portée générale) et de sa circulaire (du 19 juillet 1988) ;
- le respect de l’arrêté du 10 janvier 2017 dans le cadre de l’activité d’entremise immobilière, cette activité étant en concurrence avec celle des agences immobilières ;
- l’usage des remises tel que prévu par le Code de commerce (articles L.444-2 et R.444-10).
Le contrôle de la conformité de l’information tarifaire suppose d’analyser la manière dont elle est fournie (par voie d’affichage, par la remise d’un document écrit, d’un devis, par oral…), mais aussi de vérifier que le prix est indiqué toutes taxes comprises (TTC) et non hors-taxes (HT). Pour les tarifs liés à l’activité de transaction immobilière cela suppose aussi de contrôler que le prix de vente est indiqué en précisant le montant des honoraires lorsque ceux-ci sont à la charge de l’acquéreur (les honoraires devant, là encore, être indiqués TTC).
L’information précontractuelle sur les frais et les débours (voir ces termes dans le lexique en encadré) est certes difficile à afficher en raison du caractère variable de ces montants (propre à chaque dossier: urgence, intervention le soir ou le week-end, temps passé, survenance de difficultés ou d’imprévus, photocopies, demande de documents auprès d’autres professionnels …). Néanmoins, le Code de commerce (dernier alinéa de l’article L.444-1) prévoit que la convention d’honoraires doit préciser les frais et débours envisagés pour la prestation demandée. Par voie de conséquence, cette information préalable à l’intervention des professionnels doit être indiquée à minima.
Lorsqu’elles sont pratiquées, les remises doivent faire l’objet d’une information, notamment sur le type d’opération concernée et le taux des remises accordées. En l’occurrence, il s’est avéré que la quasi-totalité des professionnels contrôlés ne pratiquaient pas de remise sur les tarifs réglementés.
Des notaires ont toutefois indiqué pratiquer, plusieurs fois par an, des remises à des proches ou des collaborateurs, sans s’appuyer sur un pourcentage ou des critères d’octroi. Ils accordent donc des baisses de prix au cas par cas, ce qui est contraire à la loi (dernier alinéa de l’article L.444-2 du Code de commerce) qui prévoit un taux de remise identique pour tous les clients.
Au-delà de cette constatation sur les remises, les enquêteurs ont noté de très nombreuses pratiques différentes, tant chez les notaires que chez les huissiers de justice, ces pratiques ne répondant pas toujours aux exigences en matière d’information tarifaire.
Tarifs incomplets, affichages non-conformes, HT au lieu de TTC…
Tous les moyens d’informer sur les tarifs ont été examinés lors des contrôles : l’information sur les tarifs via un affichage dans l’étude, l’information écrite ou orale mais aussi celle fournie sur le site internet de l’étude. Plusieurs types de manquements ont alors été constatés.
- L’information affichée sur les lieux d’accueil de la clientèle
La réglementation impose que le prix de toute prestation de services fasse l'objet d'un affichage sur les lieux où la prestation est proposée au public (arrêté du 3 décembre 1987).
Ici encore, les pratiques sont diverses selon les études d’huissiers de justice et de notaires. Le constat général est toutefois que les professionnels n’affichent pas le détail des tarifs réglementés. Que ce soit à l’intérieur ou à l’extérieur de l’établissement, ils jugent que cela serait trop long et trop complexe. Les tarifs des actes des professionnels sont nombreux (près de 150 pour les huissiers et plus de 200 pour les notaires), certains actes étant rémunérés selon des coefficients multiplicateurs qui varient selon le prix et d’autres à taux variable selon des tranches d’assiette. Un affichage supposerait donc des tableaux longs et une surface importante.
Huissiers comme notaires utilisent donc divers procédés pour fournir des informations sur leurs tarifs réglementés sans pour autant livrer la liste exhaustive des émoluments applicables. Certains recourent par exemple à l’affichage des textes de référence du Code de commerce, ou encore à l’affichage, sous la forme d’un tableau à l’accueil, des tarifs réglementés les plus couramment pratiqués. D’autres affichent une explication sur l’existence d’un tarif réglementé applicable aux « activités résultant du monopole ». Certains notaires ont émis les pistes d’amélioration suivantes : une information sur les lieux de réception de la clientèle, indiquant que les tarifs sont consultables à l’accueil mais aussi en ligne, en renvoyant par exemple sous la forme d’un QR Code, aux tarifs réglementés ; la mise en place d’un simulateur en ligne en partenariat avec les ordres professionnels.
Concernant les honoraires libres, les huissiers de justice font valoir qu’ils ne sont pas toujours en mesure de donner un prix global à l’avance car chaque dossier est différent, en termes de complexité, de temps passé, de caractère d'urgence, d'éventuels frais et débours engagés. Dans ce cas, la pratique couramment constatée est que si des frais viennent à s'ajouter, le consommateur est prévenu par courriel ou téléphone. Les enquêteurs ont par ailleurs constaté que si certains notaires affichent leurs honoraires libres, ils n’y sont dans l’ensemble pas favorables. En effet, ils déclarent que leurs confrères ou consœurs consultent leurs honoraires affichés dans le but de s’aligner sur leurs prix.
En matière d’honoraires libres les pratiques sont donc variables chez les notaires comme chez les huissiers de justice. Certains affichent les principales prestations libres qu’ils pratiquent régulièrement, ou encore précisent que les prix sont donnés « à titre indicatif » ou qu'un devis sera réalisé. A plusieurs reprises, une présentation des honoraires libres sans aucun détail de prix a été constatée ou parfois aussi un affichage des actes à honoraires libres et des actes réglementés, sans qu’il soit possible de les distinguer. Dans d’autres cas, un rappel à la clientèle est affiché pour préciser que les activités ne relevant pas de leur monopole font l’objet d’honoraires librement déterminés dans les conditions prévues par l’article L.444-1 du Code de commerce et que ceux-ci tiennent compte de la difficulté de l’affaire, de son enjeu, de la situation de fortune du client, de la diligence, de la pratique de l’étude et qu’un devis personnalisé peut être adressé sur demande.
Chez les huissiers comme chez les notaires, les enquêteurs ont par ailleurs constaté que contrairement à ce que prévoit la réglementation (article 1er de l’arrêté du 3 décembre 1987) l’information tarifaire est souvent indiquée HT alors qu’elle doit être fournie TTC. Lors des contrôles, les professionnels ont justifié leurs pratiques par une impossibilité de déterminer précisément à l’avance le montant TTC de certaines prestations. En effet, aux prix HT figurant dans le Code de commerce s’ajoutent des prestations évolutives en fonction de la situation à laquelle ils sont confrontés (transport, application de coefficients variables en fonction du montant de l’opération).
- L’information complémentaire à l’affichage sur les lieux d’accueil de la clientèle
Les enquêteurs ont également relevé plusieurs pratiques mises en œuvre pour pallier le caractère parfois incomplet de l’affichage des tarifs réglementés. Les notaires mettent par exemple fréquemment un (ou plusieurs) livret(s) à disposition des consommateurs à l’accueil de l’office, leur permettant ainsi de consulter les tarifs réglementés et les honoraires. De même, un affichage indique souvent que les prix sont mis à disposition à l’accueil sur demande. Les notaires soulignent que l’information est délivrée aussi de manière orale pour annoncer aux consommateurs, notamment, la part des « frais de notaires » qui revient à chaque acteur. Certains notaires incitent leurs clients à consulter le site internet notaires.fr voire font des captures d’écran de logiciels qu’ils envoient par mail aux clients et/ou qu’ils annexent au dossier. D’autres communiquent systématiquement un graphique qui reprend, de manière simplifiée, les trois composantes des frais de notaires : la rémunération du notaire, les débours et la fiscalité.
S’agissant des huissiers de justice, certains proposent d’établir des devis à la demande. Ces devis tiennent compte de plusieurs critères : le déplacement, le temps passé, le lieu, l’urgence, la technicité du dossier et l’intérêt du litige. Il existe par ailleurs un livret intitulé « Guide de la taxe », fourni par un prestataire privé (et donc payant) que certains huissiers mettent à disposition en salle d’attente tout comme la copie intégrale, sous classeur, des dispositions du Code de commerce applicables ou des versions allégées (cette technique d’information apparait relativement fréquente). Les enquêteurs ont cependant parfois constaté que les barèmes des tarifs réglementés mis à disposition dans les études de certains huissiers renvoyaient à des textes tarifaires abrogés.
- L’information sur internet
L’information sur le tarif réglementé des notaires est absente de la quasi-totalité des sites internet. Certains professionnels contrôlés font simplement référence à l’existence de ce tarif réglementé, sans plus de détails ; d’autres n’indiquent que les honoraires libres, en avançant la complexité et la diversité des émoluments, lesquelles empêcheraient, selon eux, toute information claire sur le sujet.
Concernant les honoraires libres, les notaires justifient souvent l’absence d’information par la libre négociation entre eux et leurs clients en fonction de chaque affaire. Ils se réfèrent à l’article L.444-1 du Code de commerce permettant de tenir compte « de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par les professionnels concernés, de leur notoriété et des diligences de ceux-ci » et ils proposent parfois au client de lui fournir sur demande un devis en ligne.
Sur les sites des huissiers de justice contrôlés, les enquêteurs ont également constaté une absence fréquente d’affichage des tarifs, qu’il s’agisse d’émoluments ou d’honoraires libres. Parfois, les honoraires sont affichés de façon plus ou moins détaillée. L’affichage des tarifs réglementés renvoie, dans certains cas, à l’arrêté officiel sur le site Légifrance, mais pas systématiquement et l’affichage n’est alors pas toujours à jour.
Lisibilité, accessibilité et simplicité : les trois principaux axes d’amélioration
Comme il s’agissait d’une enquête exploratoire, l’objectif était surtout de dresser un état des lieux et de sensibiliser les professionnels à leurs obligations en matière d’information sur les prix. Les contrôles ont ainsi permis de constater notamment que :
- s’agissant de la prestation d’entremise immobilière, l’application de l’arrêté du 10 janvier 2017 relatif aux transactions immobilières ne posait pas de difficulté majeure ;
- en matière de remises en revanche, l’enquête a établi que, dans les rares cas où elles sont utilisées, leur application n’était pas en conformité avec la règlementation applicable ;
- Quant aux disparités constatées en matière d’information sur les tarifs, elles ont révélé la difficulté qu’éprouvent les professionnels à déterminer, de manière pertinente, les informations qu’il convient de fournir à la clientèle.
Les manquements relevés n’ont pas donné lieu à des suites répressives étant donné la nature exploratoire des contrôles et l’absence de manquement grave. Pour autant, certaines suites pédagogiques ont parfois été nécessaires :
- Des avertissements pour manquements à l’information sur les tarifs réglementés et les honoraires libres sur les lieux de réception de la clientèle et sur internet : adressés à 58 notaires et 11 huissiers de justice ;
- Un avertissement adressé à un notaire dans le cadre de son activité d’entremise immobilière pour absence de précision, dans les annonces de vente, de la partie devant s’acquitter des honoraires, et pour des anomalies s’agissant du barème (non appliqué, absence d’affichage extérieur, absence d’indication des honoraires de location) ;
- Deux avertissements adressés à deux notaires pour pratiques commerciales trompeuses relatives à des discordances entre les annonces immobilières parues sur les sites internet et les annonces affichées à l’extérieur de leur étude ;
- Un avertissement envoyé à un huissier pour méconnaissance de la réglementation applicable aux remises.
D’une manière générale, cette enquête a été l’occasion de rappeler fermement aux huissiers de justice et des notaires leurs obligations en matière d’information sur les prix. Les observations formulées ont conduit certains professionnels à adopter les mesures nécessaires pour mettre un terme aux manquements constatés. Mais ces investigations ont aussi été l’occasion de mettre en perspective toutes ces constatations en vue de faire évoluer la réglementation pour l’amélioration de la compréhension des prix pour le consommateur.