Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes

Les contrats complémentaires santé passés au scanner

Prendre en charge une partie des frais de santé non remboursés par l’assurance maladie : voilà le rôle des organismes complémentaires santé. Des contrats particulièrement répandus, individuels ou collectifs, sur lesquels la DGCCRF a porté son attention et mis en évidence des clauses abusives pour un peu plus d’un opérateur sur deux, lors de son enquête menée en 2019.

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Celle-ci s’inscrivait dans le prolongement d’une recommandation de la Commission des clauses abusives signalant plusieurs irrégularités dans ces contrats.

Lors de cette enquête, les services de la DGCCRF ont contrôlé trente opérateurs (assureurs, mutuelles, institutions de prévoyance…), qui sont des acteurs de premier plan, afin de couvrir une part significative du secteur[1]. L’enquête a permis d’établir des manquements relatifs à la présence de clauses abusives dans les contrats chez 16 d’entre eux, soit une proportion de plus de 53 % d’opérateurs en anomalie, ce qui a donné lieu à sept injonctions et quinze avertissements.

Des contrats complexes et qui ne répondent pas tous aux mêmes règles, en fonction du type d’organisme auprès duquel la complémentaire santé est souscrite 

Les contrats d’assurance complémentaire santé sont de ceux que les assureurs, mutuelles et institutions de prévoyance rédigent intégralement avant de les proposer aux consommateurs. Le professionnel qui rédige ces contrats est tenu de respecter strictement les dispositions qui s’imposent à lui. En effet,  tous les contrats des organismes complémentaires santé ne sont pas soumis au même code. Selon les contrats, c’est le Code de la mutualité, le Code de la Sécurité sociale ou le Code des assurances qui s’applique[2]. Les règles à respecter ne sont donc pas toujours les mêmes d’un contrat à l’autre. Cependant tous ces contrats sont soumis au respect des dispositions de l’article L 212-1 du Code de la consommation, lequel dispose : « dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat (…) ».

Pour que les intérêts des souscripteurs soient préservés, il est essentiel d’analyser et de contrôler ces clauses, souvent complexes à décrypter par les particuliers. Tel était l’objet de cette enquête.

Un vaste panel de clauses abusives        

Vérifier les contrats d’assurance complémentaire santé signifie rechercher si chaque clause est licite et si aucune d’elle n’est susceptible de désavantager de manière anormale le consommateur[3]. En passant au crible les contrats proposés par une trentaine d’opérateurs, les enquêteurs de la DGCCRF ont mis en lumière de nombreuses anomalies, qui peuvent être classées en trois catégories :

  • les clauses systématiquement interdites. L’enquête a permis d’en découvrir plusieurs (10 établissements concernés). Parmi elles, il y avait notamment des clauses laissant croire que les conditions légales qui s’imposent au professionnel pour résilier un contrat ne s’appliquent plus en cas de fausse déclaration, d’omission ou d’inexactitude. Ont également été relevées des clauses donnant au souscripteur de la complémentaire santé une information imprécise et incomplète sur les modes de règlement amiable et contentieux des litiges.
  • les clauses présumées abusives de manière irréfragable, en référence à l’article R. 212-1 du Code de la consommation. En l’occurrence, les enquêteurs en ont identifié dans des contrats soumis au Code de la mutualité. Il s’agissait de clauses autorisant le professionnel à modifier unilatéralement le tarif déterminant les cotisations, indépendamment de toute demande de modification des garanties émanant du consommateur et hors l’échéance annuelle de reconduction du contrat. On trouvait également une clause permettant au professionnel de se dispenser de la notification préalable à l’adhérent de la modification d’éléments essentiels du contrat.
  • les clauses abusives, parce que susceptibles de créer un déséquilibre significatif au détriment du consommateur. Là encore, l’enquête a permis d’en mettre à jour un nombre important (11 en l’occurrence). Les enquêteurs ont ainsi relevé dans cette catégorie la clause par laquelle l’assureur se laisse un délai indéterminé pour faire parvenir au consommateur le remboursement qui lui est dû. Il y a également la clause imposant le prélèvement automatique comme unique mode de paiement. Ou encore d’autres prévoyant une procédure « d’expertise médicale » par le médecin-conseil de l’assureur ou tout praticien désigné par ce dernier, mais n’informant pas le consommateur de sa faculté de se faire assister du médecin de son choix ou d’opposer les conclusions de son médecin traitant.

A noter que plusieurs clauses abusives ont pu être découvertes au sein du même contrat, les rendant particulièrement dommageables pour les souscripteurs.

Après avoir été identifiées, les différentes anomalies présentes dans les contrats contrôlés ont donné lieu à des injonctions et des avertissements.

Sept injonctions ont été adressées par les enquêteurs de la DGCCRF, visant notamment à mettre fin à la présence des clauses les plus dommageables pour les souscripteurs (clauses illicites et/ou clauses abusives de manière irréfragable) dans de nombreux contrats. Les opérateurs visés étaient ici un important groupe d’opérateurs soumis au Code des assurances, cinq opérateurs soumis au Code de la mutualité et un opérateur soumis au Code de la Sécurité sociale.

Quinze avertissements ont par ailleurs été adressés aux opérateurs dont les contrats comportaient une ou plusieurs clauses susceptibles de créer un déséquilibre significatif ou certaines autres clauses illicites. Les opérateurs concernés étaient ici six opérateurs soumis au Code des assurances, six opérateurs soumis au Code la mutualité et trois opérateurs soumis au Code de la Sécurité sociale.

Une mise en conformité progressive des opérateurs

En novembre 2017, dans sa recommandation n°2017-01, la Commission des clauses abusives (CCA) avait recensé trente-huit clauses abusives dans des contrats d’assurance complémentaire santé qu’elle avait été amenée à examiner. Lors de son enquête, la DGCCRF a noté que certaines clauses auparavant pointées par la Commission des clauses abusives ne figuraient pas ou plus dans les contrats des trente opérateurs ici contrôlés. Vingt-deux des clauses abusives identifiées par la CCA restaient toutefois présentes, mais en voie d’être supprimées à la suite des actions menées par la DGCCRF.

Avec un taux constaté lors de l’enquête de plus de 53 % d’opérateurs en anomalie, la vigilance reste toutefois de mise dans ce domaine complexe où les contrats sont rédigés par les professionnels et proposés à la signature, sans négociation, à un consommateur pouvant difficilement saisir la portée et la validité des clauses qu’il signe. En conséquence, la DGCCRF poursuit ses contrôles dans le secteur.


[1] Les contrôles ont porté sur 12 opérateurs qui sont soumis au Code des assurances, 13 qui sont soumis au Code de la mutualité et 5 qui sont soumis au Code de la sécurité sociale. Des acteurs de premier plan ont à chaque fois été ciblés. Il s'agissait des opérateurs dont les contrats avaient été contrôlés par la Commission des clauses abusives afin de vérifier que les contrats avaient bien été modifiés (sachant qu’au total, une centaine de contrats avaient été passés en revue par la Commission des clauses abusives).

[2] Les contrats relèvent du Code des assurances s’ils sont proposés par un assureur lui-même soumis au Code des assurances (ex AXA.  « OSALYS SENIOR »). De même, les contrats relèvent du Code de la mutualité s'ils sont proposés par un opérateur relevant du Code de la mutualité (par exemple : Harmonie mutuelle, « le contrat complémentaire santé étudiant »). Le consommateur peut connaître la nature du contrat en lisant la notice d’assurance qui mentionne le code applicable. A noter que s’agissant des clauses abusives, tous les opérateurs relèvent du Code de la consommation.

[3] Notion juridique de « déséquilibre significatif » en défaveur du consommateur.