De l’agriculteur au jardinier amateur, l’utilisation de produits pour la croissance des végétaux est très répandue. Ces produits, appelés MFSC (matières fertilisantes et supports de culture), apportent des éléments nutritifs aux végétaux et améliorent les sols. Les contrôles concernant ces produits sont essentiels pour assurer tant la sécurité du consommateur que la protection de l’environnement.

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Fertilisants : enquête en terreau connu - PDF, 330 Ko
Plusieurs anomalies ont été mises en évidence au cours de l’enquête de la DGCCRF menée en 2019. Celle-ci a permis de constater des manquements aux règles de mise sur le marché mais aussi des défaillances dans l’information de l’acheteur sur la composition et les propriétés des produits. Plus de cinq cents établissements ont été contrôlés dans 17 régions, et 199 prélèvements ont été effectués. Décryptage de cette investigation sur le vaste territoire des MFSC.
Un secteur aux enjeux foisonnants
Les matières fertilisantes et supports de culture sont destinés à améliorer la croissance des plantes. Elles apportent une plus-value agronomique en contribuant aux rendements agricoles et à la qualité de la production. Elles relèvent de la réglementation européenne pour les engrais portant la mention « engrais CE » et de la réglementation nationale pour les autres produits. Elles doivent, sauf exception, obtenir une autorisation de mise sur le marché (voir l’inventaire dans l’encadré), respecter des règles d’étiquetage avec des dénominations et mentions obligatoires et l’usage des allégations permettant de valoriser les propriétés agronomiques et environnementales des produits doit respecter les règles de loyauté.
Les enjeux du contrôle des MFSC sont multiples. Utilisés en amont de la chaine alimentaire, ils se trouvent à la source de la sécurité alimentaire. Ils sont susceptibles de véhiculer toutes sortes de contaminants dans la chaine alimentaire et dans l’environnement, comme des micro-organismes, des métaux lourds tels que le cadmium, ou même des plastiques. Le sujet est d’autant plus important que la France est le plus gros consommateur d’engrais azoté et phosphaté d’Europe. Elle est également le 3e pays producteur d’engrais et de produits azotés de l’Union européenne, les industries de la fertilisation présentant un chiffre d’affaires annuel de l’ordre de 3 milliards d’euros[1].
Ce secteur est en pleine évolution avec le développement de la vente par internet, de la vente en vrac mais aussi en raison de l’engouement pour le bio et le recyclage des matières organiques dans le cadre de l’économie circulaire. De plus en plus de plateformes traitent des déchets et fabriquent des produits normés (notamment du compost) et un tel essor mérite une attention particulière. De plus, la surveillance s’impose en raison de la dangerosité de certains engrais. Cela justifie un contrôle tant de la fabrication, que du stockage, de la composition, du conditionnement, à chaque stade de la commercialisation et de la traçabilité de ces produits. Et d’une manière plus générale, les MFSC sont soumis à des critères d’efficacité. Pour que les utilisateurs choisissent les produits adaptés à leur besoin en connaissance de cause, il est donc important de garantir la loyauté des informations délivrées (type de produits, effets agronomiques, caractéristiques des produits telles que les teneurs en éléments fertilisants).
Inventaire des MFSC
Dans la catégorie des MFSC se retrouvent :
- les engrais, qui apportent des éléments nutritifs aux plantes ;
- les amendements, qui améliorent les propriétés physiques, chimiques et biologiques des sols, tout en apportant des éléments fertilisants ;
- les biostimulants, adjuvants et additifs agronomiques destinés à améliorer l’absorption des éléments nutritifs, la résistance aux stress abiotiques (sécheresse, gel…) ou éventuellement les caractéristiques des végétaux (réduction des taches brunes, tenue du fruit…) ;
- les supports de culture, destinés à servir de milieu de culture permettant aux plantes de s’ancrer (terreau, billes d’argile, tourbe…).
A noter Les MFSC sont à distinguer des biocides mais aussi des produits phytopharmaceutiques qui visent à lutter contre les attaques d’organismes vivants sur les plantes (maladies, insectes, champignons…).
Les contrôles de la DGCCRF portent sur le respect de la composition des produits et de la réglementation autorisant leur mise sur le marché, ainsi que sur l’information fournie au consommateur, notamment sa loyauté et particulièrement le bien-fondé des allégations valorisantes (agronomiques et environnementales). D’autres aspects de l’information du consommateur sont de la même manière contrôlés comme l’information sur le prix ou encore l’emploi de la langue française. Le respect des règles d’étiquetage est aussi vérifié, notamment en cas de substances dangereuses nécessitant la présence de mentions, d’avertissement et/ou de symboles. L’enquête s’est attachée à prendre particulièrement en compte les antécédents de contrôles de produits ciblés à la suite d’une analyse de risques. Ont ainsi été ciblés de façon prioritaire :
- les engrais CE relevant du règlement (CE) 2003/2003 dont les ammonitrates ;
- les fertilisants destinés aux amateurs ainsi que les supports de culture ;
- les fertilisants présentant des revendications environnementales, dont l’usage en agriculture biologique ;
- les fertilisants innovants : les biostimulants et les additifs agronomiques ;
- les fertilisants à base de déchets (composts).
Le champ étendu des anomalies
L’enquête de la DGCCRF a permis de mettre en lumière plusieurs types d’anomalies. Elles concernent principalement les règles d’étiquetage, les mentions valorisantes et les règles de mise sur le marché des produits.
La mise sur le marché s’est dans certains cas avérée illégale pour défaut pur et simple d’autorisation de mise sur le marché.
En matière d’allégations abusives, les anomalies concernaient ici par exemple :
- des valorisations trompeuses, comme l’usage abusif des termes « biostimulant » ou « naturel »
- l’usage non autorisé des termes « bio » et « biologique» alors que les MFSC ne sont pas considérés comme produits issus d’un mode de production biologique et ne doivent pas être valorisés comme tels.
La vérification des mentions obligatoires d’étiquetage prévues par la réglementation spécifique relative aux MFSC a permis quant à elle de relever plusieurs types d’anomalies. Lors des contrôles notamment à la distribution, il a été constaté que certaines mentions d’étiquetage étaient absentes, telles que la référence à la réglementation sur laquelle se fonde la commercialisation du produit, ou encore les formes et solubilités des éléments fertilisants (par exemple les formes et solubilités de l’azote). Dans le cas précis de la vente en vrac, une absence totale de document d’accompagnement comportant les mentions d’étiquetage obligatoires a parfois été constatée. Certains distributeurs joignent une simple facture où seul le nom commercial du produit figure. Dans d’autres cas, c’est un document d’accompagnement incomplet qui est fourni à l’acheteur. Cela ne lui permet pas de connaitre les caractéristiques agronomiques du produit vendu en vrac, ainsi que ses conditions d’utilisation. Ce type d’anomalies, fréquemment observé lors de l’enquête réalisée en 2018, persiste. Il est comparable à un autre manquement constaté pour des MFSC introduits ou importés : l’absence d’emploi de la langue française. Il est fréquent que les étiquetages soient dans la langue du pays d’origine ce qui prive à nouveau l’acheteur de l’information sur les caractéristiques et l’utilisation du produit.
Au cours de ces investigations, les enquêteurs ont par ailleurs constaté d’autres anomalies comme des défauts de composition. C’est parfois la qualité agronomique des produits qui était en cause, mais dans des cas autrement plus graves, c’est leur sécurité qui l’était (dépassement des limites en contaminants et présence d’agents pathogènes). Ce type d’anomalies a été constaté autant sur les produits minéraux que les produits organiques. L’enquête a enfin identifié de nombreuses défaillances en matière d’autocontrôle. En effet, avant de mettre sur le marché un produit, le fabricant a l’obligation de s’assurer de sa conformité. Pour cela, il doit mettre en œuvre des autocontrôles par le biais d’analyses des produits afin de vérifier leur composition (paramètres agronomiques) et leur innocuité (contaminants chimiques et biologiques). Les contrôles effectués au stade de la fabrication ont mis en évidence des manquements relatifs à ces autocontrôles. Certains fabricants n’effectuent aucun autocontrôle. D’autres ne l’effectuent que partiellement en choisissant uniquement certains paramètres à analyser. Il a également été constaté que les fréquences d’analyses imposées par la réglementation n’étaient pas toujours respectées. Cette non-conformité touche particulièrement les produits organiques à base de déchets, notamment les composts.
Prendre les manquements à la racine
Par rapport à l’enquête précédente, une amélioration de l’information relative à la composition des produits est à noter. En effet, cette enquête a également permis de vérifier les actions prises par les opérateurs pour remédier aux non-conformités relevées en 2018. Dans la très grande majorité des cas, les enquêteurs ont constaté la remise en conformité des produits ou l’arrêt de la production ou de la commercialisation de certains produits, parfois volontairement par les opérateurs. Les anomalies révélées dans le cadre de cette enquête montrent toutefois que la réglementation actuelle n’est pas bien comprise par l’ensemble des professionnels. Le taux de non-conformité de 23 % pour les établissements est stable depuis 2017.
Les contrôles effectués dans le cadre de cette enquête ont donné lieu à 87 avertissements, 30 injonctions, 2 arrêtés de suspension, 7 procès-verbaux pénaux ainsi que 2 procès-verbaux administratifs.
Des procédures contentieuses ont été engagées pour des anomalies relatives à la sécurité des produits mais aussi pour des allégations indues notamment en cas de pratique récurrente. Ces anomalies graves ou répétées ont fait l’objet de sanctions sévères telles que des procès-verbaux pénaux ou des arrêtés de suspension permettant l’arrêt de la commercialisation du produit jusqu’à sa remise en conformité ou parfois même à sa destruction. Des procès-verbaux pénaux ont été rédigés pour des étiquetages non conformes mettant en danger l’utilisateur du produit, mais aussi pour des manquements aux règles de mise sur le marché et pour des défauts d’autocontrôles, en particulier en cas de récidive. Un arrêté de suspension a été pris notamment pour mettre fin à la commercialisation et détruire un compost présentant des teneurs en plomb excessives. Quatre conclusions « non conforme et dangereux » ont été émises pour des analyses de composts et de terreaux, en raison notamment de la présence d’œufs d’helminthes ou de micro-organismes pathogènes. La présence de listéria, d’Escherichia coli et d’entérocoques a par exemple été identifiée dans l’un de ces composts à base de boues de stations d’épuration. Les produits analysés non conformes et dangereux, font l’objet de destruction suivant la procédure adaptée. Des sanctions administratives ont par ailleurs été prononcées à la suite de prélèvements non conformes démontrant un déficit en éléments fertilisants, mais aussi pour les anomalies relatives à l’affichage des prix. En cas de non-conformités relevées lors d’un premier contrôle ou d’anomalies « mineures », ce sont plus souvent des avertissements ou des injonctions qui ont été adressés.
Le taux d’anomalie des prélèvements marque il est vrai une amélioration comparativement à 2018 car il s’élevait à 52 % et il est passé à 43 % lors de la présente enquête. Pour autant, la poursuite des contrôles dans ce domaine s’avère nécessaire, particulièrement au regard de l’évolution de ce marché à la croisée de questions aussi diverses que l’environnement, la santé, la sécurité et les nouveaux modes de consommation.
Quand faut-il une autorisation de mise sur le marché pour les MFSC ?
Pour vendre des MFSC en France, il est nécessaire d’obtenir une autorisation de mise sur le marché (AMM ; articles L.255-1 à L.255-18 du Code rural et de la pêche maritime). Cette AMM est délivrée après l’évaluation de la sécurité et de l’efficacité du produit menée par l’ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail).
Une exemption d’AMM est parfois prévue en cas :
- de produits conformes à une norme d’application obligatoire inscrite à l’arrêté du 2 août 2018,
- d’« engrais CE » conformes au règlement (CE) n° 2003/2003,
- de produits conformes à un cahier des charges (un seul à ce jour : un cahier des charges relatif aux digestats de méthanisation approuvé par l’arrêté du 13 juin 2017),
- de substances naturelles à usage biostimulant autorisées selon une procédure fixée par voie réglementaire inscrite dans l’arrêté du 27 avril 2016 (l’arrêté vise uniquement les plantes médicinales de la pharmacopée inscrites à l’article D. 4211-11 du Code de la santé publique),
- d’inscription dans le plan d’épandage,
- de cession directe de matières organiques brutes ou supports de culture d'origine naturelle, obtenus à partir de matières naturelles sans traitement chimique et constituant des sous-produits d'une exploitation agricole ou d'un établissement non agricole d'élevage ou d'entretien des animaux.
Quoi qu’il en soit, les produits ayant un double effet, à la fois phytopharmaceutique (insecticide, herbicide, fongicide…) et fertilisant sont toujours soumis à l’obtention d’une autorisation de mise sur le marché.
[1] Etude Xerfi La fabrication d’engrais et de produits azotes 2020