Depuis 2019, le secteur de la rénovation fait l’objet d’un plan de surveillance renforcé. La DGCCRF a ciblé 1 637 établissements en 2022 et 2023. Plus de la moitié manquaient à leurs obligations à l’égard des consommateurs. 250 injonctions et 373 procès-verbaux ont été établis et 29 signalements ont été adressés au Parquet. Plusieurs jugements ont condamné les fraudeurs à de lourdes amendes voire de la prison.
Pompes à chaleur, panneaux solaires, isolation de la toiture, installations de chauffage… : l’amélioration énergétique des logements, enjeu capital de la transition écologique et de la réduction de la facture énergétique des ménages, recoupe une grande diversité de prestations. Les entreprises traditionnelles connues sur la place n’arrivent pas à faire face à la demande, notamment en zone rurale où sont venus s’installer beaucoup de nouveaux foyers.
Le secteur attire donc des opérateurs opportunistes, peu scrupuleux. Il représente un volume important de plaintes de consommateurs (27 633 sur 273 000 en 2023) : démarchage agressif par téléphone ou à domicile, pratiques commerciales et promesses d’économies d’énergie trompeuses, usurpation du label RGE (Reconnu Garant de l'Environnement), escrocs se présentant comme mandatés par l’État ou une collectivité…. C’est souvent le fait d’entreprises éphémères et de petite taille comptant de nombreux commerciaux. Ces entreprises s’appuient sur des sociétés satellites spécialisées (centres d’appel, apporteurs d’affaires, sous-traitants…) ou parfois sur un réseau d’agences territoriales ou des entités distinctes (démarchage, gestion des dossiers, travaux…) pour diluer les responsabilités ou rendre difficile leur identification. Les pratiques les plus agressives sont rarement le fait de professionnels locaux mais d’opérateurs installés dans d’autres départements qui multiplient les chantiers sur un temps court et encaissent les aides publiques avant de disparaitre.
Depuis 2019, le secteur de la rénovation fait l’objet d’un plan de surveillance renforcé. 1 637 établissements ont été ainsi contrôlés en 2022 et 2023 dans le cadre d’un ciblage réalisé d’après des plaintes de consommateurs ou d’associations ou grâce à des informations transmises par d’autres administrations. Des contrôles ont également été menés dans les foires et salons. Entre 2017 et 2022, les contrôles ont plus que doublé pour atteindre un millier de visites par an.
En 2023, 50 % des établissements contrôlés présentaient des irrégularités contre 54 % en 2022. C’est dans l’isolation et l’installation de pompes à chaleur que les anomalies sont les plus nombreuses. La pose de panneaux solaires représente encore 8 % des problèmes en 2023 contre 11 % en 2022.
Démarchage illégal, discours trompeur voire agressif, contrats illisibles, fausse identité, clauses abusives...
L’interdiction du démarchage téléphonique en matière de rénovation énergétique est encore souvent ignorée et la récupération des données personnelles via des sites trompeurs de tests d’éligibilité aux aides publiques ou de demandes de devis est fréquente.
Les pratiques de vente sont déloyales : le « professionnel » masque son but commercial en se présentant comme lié à une collectivité, un organisme public ou une association pour réaliser des audits de conformité et prescrire de nouveaux travaux. Les travaux sont présentés comme obligatoires sous peine de taxes. Il peut aussi usurper l’identité ou se prévaloir de partenariats avec d’autres entreprises et utiliser leur logo, se cacher sous le nom d’une entreprise fictive ou radiée. L’utilisation abusive des mentions RGE ou artisan est fréquente. Les sites internet font état de faux avis et références.
Les arguments pour convaincre que l’amortissement rapide des équipements va permettre de les autofinancer sont souvent trompeurs. Certains opérateurs mentionnent des aides publiques qui n’existent plus ou ne concernent pas les travaux vendus, ou pressent le client de signer pour en bénéficier. Le coût restant à charge est minimisé.
Certaines pratiques sont mêmes agressives (pressions psychologiques, multiples visites…) ou relèvent de l’abus de faiblesse sur personnes vulnérables. Les employés de ces acteurs peuvent d’ailleurs eux-mêmes faire l’objet de menaces et il n’est pas rare de recevoir des signalements de leur part.
En 2022, dans les 24 foires et salons où les agents de la DGCCRF se sont fait passer pour des clients, ils ont relevé de nombreuses irrégularités : vente de pompes à chaleur ou de panneaux photovoltaïques sans visite technique préalable, discours commerciaux trompeurs quant aux aides publiques, à la qualité des professionnels, au coût réel de la prestation…
Les fraudeurs font signer des contrats flous et incomplets ou des bons de commande illisibles. Les prix sont « réduits » pour faire croire à une bonne affaire. Les caractéristiques et les prix des équipements ne sont pas détaillés ou se révèlent plus intéressants que ceux des produits qui seront au final livrés. La date de livraison est approximative. Certains opérateurs s’arrangent aussi pour que le consommateur ne se rende pas compte qu’il est en train de signer un contrat qui l’engage.
Les contrats ne font pas toujours cas de la garantie décennale pour les travaux ou de la garantie légale de conformité de deux ans pour les équipements. Ils peuvent comporter des clauses illicites et abusives : transfert de risque sur le client, renoncement au droit de rétractation, attribution de compétence juridictionnelle, délais de livraison ou réalisation, pénalités de retard de paiement. Une part importante des entreprises contrôlées ne sont par ailleurs pas affiliées à un médiateur de la consommation ou ne fournissent pas ses coordonnées.
Le délai de rétractation de 14 jours n’est pas respecté par les démarcheurs ou dans les salons et les travaux sont même parfois engagés avant. Certains professionnels exigent un chèque d’acompte ou un mandat de prélèvement signé avant la fin du délai de 7 jours suivant la conclusion du contrat.
Factures incomplètes et fraudes sur l'octroi de crédits
Les factures sont incomplètes (absence de date et de lieu, description succincte des services et produits, suppléments non prévus) et ne permettent pas de faire jouer la garantie décennale. Plusieurs constats ont donné lieu à des procédures pénales pour tromperies : quantités livrées moindres que facturées, surestimations de certaine prestations…
D’autres pratiques frauduleuses portent sur les règles applicables au crédit affecté au financement des travaux ou biens vendus : absence d’offre préalable ou de contrat, contrats souscrits à l’insu du client et fonds directement versés au vendeur, dissimulation des engagements financiers, falsification de la solvabilité du client pour faciliter l’octroi du crédit, violation du droit de rétractation… Les pratiques trompeuses ne sont pas seulement le fait des opérateurs de travaux mais peuvent aussi concerner certains établissements de crédit.
373 procès-verbaux
Les manquements relevés en 2022 et 2023 ont donné lieu à 319 avertissements, 250 injonctions de mise en conformité sous peine d’astreinte et 373 amendes administratives ou procès-verbaux pénaux pour les manquements les plus graves et les fraudes. Certains dossiers ont été requalifiés en escroquerie ou abus de biens sociaux par les procureurs et donné lieu à des enquêtes de gendarmerie ou de police. Plusieurs enquêtes ont nécessité l’intervention des forces de l’ordre.
En octobre 2022, à la suite de plusieurs plaintes déposées auprès de la police judiciaire et examinées par les services CCRF de la DDPP, une perquisition a été menée dans le Nord. Plusieurs suspects d’escroquerie en bande organisée ont été placés en garde à vue. 74 victimes ont été identifiées. Le préjudice subit est évalué à 1,4 millions d’euros. Deux personnes ont été écrouées et des biens d’une valeur totale de 560 000 euros ont été saisis.
Dans une autre enquête menée en Charente Maritime en 2022, plus de 2 millions d’euros ont été saisis à titre conservatoire sur le compte d’une société pour blanchiment, escroquerie, pratique commerciale trompeuse et opposition à fonction.
Dans le Nord de la France, une enquête menée par la DDPP et la police judiciaire, à la suite des plaintes de plus de 70 personnes, a donné lieu à la mise en examen de plusieurs suspects par un juge d’instruction et à la saisie à titre conservatoire de quatre immeubles, un terrain et des articles de luxe.
Sanctions lourdes
Les procédures engagées ont donné lieu à des sanctions lourdes prononcées par les préfets ou la justice : amendes administratives, transactions pénales, saisies pénales, interdictions d’exercer, emprisonnement. Des tribunaux ont en outre exigé l’indemnisation des victimes, ordonnant lors des enquêtes des saisies conservatoires pour éviter que les suspects ne fassent disparaitre le bénéfice de leurs escroqueries.
Une société ayant fait souscrire 439 contrats de crédits a dû s’acquitter d’une amende de 100 000 € et verser 311 000 € pour indemniser ses victimes.
En septembre 2023, à la suite d’une enquête menée par la DDPP des Hauts-de-Seine, une amende administrative de 385 200 € a été prononcée à l’encontre d’une société pour manquements à l’interdiction de démarchage téléphonique dans la rénovation énergétique.
En novembre 2023, la cour d’appel de Bordeaux a condamné trois gérants à des peines d’emprisonnement ferme ou avec sursis, assorties d’interdiction de gérer une entreprise. Ils devront en outre indemniser les clients qu’ils ont escroqué dans des foires et salons.
Début 2024, le tribunal de Limoges a condamné 16 personnes à des peines d’emprisonnement fermes ou avec sursis assorties pour 3 d’entre eux, d’interdiction de gérer etc., pour escroquerie en bande organisée, pratiques commerciales trompeuses et agressives. Ils devront aussi indemniser les 200 parties civiles. L’enquête menée par les agents de la répression des fraudes de la Haute-Vienne avec le concours de collègues de 14 autres départements et du groupe de recherche de la gendarmerie de Limoges, à la suite du témoignage d’un ancien employé, a mis au jour un vaste réseau de fraudes. Sous couvert de rénovation énergétique et de travaux de bâtiment, le réseau a escroqué de nombreux foyers, souvent des personnes très âgées. Cinq agences et un centre d’appel implanté à l’étranger permettaient à la bande, menée par un gérant déjà condamné dans plusieurs autres affaires, de sévir dans une trentaine de départements représentant trois régions. La Fédération française du bâtiment s’est également portée partie civile.
Etant donné les enjeux en matière de politique publique, le contrôle du secteur de la rénovation énergétique va demeurer une priorité de la DGCCRF qui va accroître la pression de contrôle en doublant le nombre d’agents spécialisés sur ce secteur d’activité.
Mobilisation interministérielle contre la fraude à la rénovation énergétique
L’action de la DGCCRF pour combattre la fraude dans le secteur de la rénovation énergétique s’inscrit dans le cadre d’un plan d’action ministériel. Elle participe ainsi chaque semaine à un groupe de travail qui réunit plusieurs directions et opérateurs du ministère de la Transition écologique et de la cohésion des territoires, dont l’Agence nationale d’amélioration de l’habitat qui pilote France Rénov’, la mission interministérielle de coordination anti-fraude, la police judiciaire et la gendarmerie nationale.
Ce groupe de veille, d’analyse et de coopération facilite la compréhension de schémas de fraude de plus en plus complexes et l’échange d’information. Il permet de mieux cibler les contrôles et les enquêtes, d’accélérer la mise en œuvre de réponses opérationnelles aux signalements et de renforcer la coordination et l’efficacité les différents dispositifs de lutte contre la fraude.
La DGCCRF a également signé une convention avec le pôle national des certificats d’économies d’énergie (PNCEE), qui gère ce dispositif permettant de faire payer une partie de ses travaux par son fournisseur d’énergie. Elle permet de mieux suivre les signalements et de mieux lutter contre les pratiques de certains énergéticiens qui grossissent artificiellement la liste des travaux sur les devis afin d’atteindre les quotas de travaux à financer qui leur sont assignés.
Au 1er juillet 2024, 50 demandes d’informations/fiches de liaison ou signalements ont été transmis au PNCEE par les services des DD-ETS-PP sur l’ensemble du territoire national.
En 2023, 39 signalements d’opérateurs à risques ont été transmis par le PNCEE/DGEC aux services de la DGCCRF. 44% des signalements reçus par la DGCCRF du PNCEE ont déjà fait l’objet d’un contrôle.
Cible
1 637 établissements contrôlés
Résultats
319 avertissements
250 injonctions
373 amendes administratives ou procès-verbaux pénaux
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Ce que dit la loi :
- Loi n°2020-901 du 24/07/2020
- Code de la consommation - article L.223-1 alinéa 3