Le marché de la bière a vu apparaître ces dernières années bon nombre de petits opérateurs aux profils[1] très divers. Ces microbrasseurs doivent respecter certaines obligations légales. La DGCCRF, garante de la loyauté et de la conformité des informations fournies aux consommateurs, intervient auprès d’eux afin de leur rappeler les règles à suivre notamment en matière d’étiquetage et d’autocontrôles.
Le marché de la bière
La France est le 3ème pays européen en nombre de brasseries (près de 1 100 brasseries offriraient plus de
2 000 marques de bières) et le 27ème pays européen en terme de volume de consommation. Près de 70 % des bières consommées en France y sont produites (Source : Brasseurs de France).
Même si l’activité de ce secteur est fortement concentrée autour de deux grands producteurs de bière, de nombreuses petites brasseries produisant de très faibles volumes se sont développées. Ces établissements de moins de 10 salariés représentent environ 94 % des entreprises du secteur.
Pour évaluer la conformité des bières produites au regard de la réglementation, la DGCCRF a enquêté en 2017 auprès d’un certain nombre de brasseurs, en majorité ceux produisant de faibles volumes et/ou nouvellement installés, afin de vérifier s’ils respectaient bien leurs obligations.
Des axes à améliorer
Au stade de la production, les contrôles ont porté sur les conditions de stockage des matières premières, la composition du produit, la propreté des bâtiments et des matériels, les procédures et les produits de nettoyage, la mise en œuvre d’une procédure basée sur les principes HACCP[2] et adaptée à la taille de l’entreprise, l’identification des points de surveillance et des points critiques, et enfin la traçabilité des ingrédients et des produits finis en cas de non-conformité.
Des exigences d’hygiène respectées mais la maîtrise des risques n’est pas toujours formalisée
Dans la plupart des cas, l’hygiène des locaux est correcte : pas de matière première stockée au sol, mise en place d’un système de lutte contre les nuisibles, cuves et matériels au contact alimentaire nettoyés et rangés. En revanche, le guide des bonnes pratiques d’hygiène en brasserie est assez méconnu des nouveaux brasseurs.
Des autocontrôles à développer pour mieux détecter les contaminations possibles
Très peu de micro-brasseurs réalisent des autocontrôles[3] sur les matières premières en cours de production ou sur les produits finis. Or, ce processus permet de déceler la présence de mycotoxines, de résidus de pesticides, de contaminants et de contrôler le TAV[4] de leurs bières.
Une traçabilité à améliorer pour un meilleur suivi de la production
La situation au regard de la traçabilité est variable. Certains brasseurs renseignent leurs fiches de production de manière à pouvoir réaliser une traçabilité en amont des matières premières utilisées mais dans la plupart des cas, elle est incomplète.
Les additifs doivent obligatoirement être renseignés sur l’étiquetage
Les additifs autorisés pour les bières doivent être conformes aux critères de pureté et aux spécifications réglementaires. Il a été constaté quelques anomalies : une bière contenait un additif interdit et deux autres colorants présents dans les produits étaient pourtant absents de la liste des ingrédients.
Une obligation de déclaration si les drêches[5] sont cédées à des tiers
Les brasseries donnent habituellement leurs drêches à des éleveurs d’animaux de rente[6] mais ne sont pas toutes enregistrées en tant qu’opérateur de l’alimentation animale alors que cette déclaration est obligatoire sur le plan réglementaire.
L’absence des mentions obligatoires conduit à présenter des produits non conformes
Les bières sont soumises à des mentions obligatoires sur les étiquetages[7] (présence, exactitude, visibilité et lisibilité) et quant à leurs dénominations[8]. Les enquêteurs ont pu constater que les « jeunes entrants[9] » sur le marché ne détiennent pas la connaissance nécessaire pour être en conformité avec les règles relatives à l’étiquetage et aux différentes dénominations autorisées.
Des étiquetages incomplets et des dénominations imprécises
- Sur les étiquetages
Plusieurs manquements ont été relevés : absence d’indication ou de mise en évidence des allergènes, de dénomination légale, de l’adresse de l’exploitation alimentaire, des mentions dans le cadre de la vente à distance, des TAV au-delà de la tolérance réglementaire, manque de lisibilité sur l’étiquetage, etc. D’autres mentions étaient absentes sur certaines étiquettes comme le numéro du lot ou le message d’alerte sanitaire (phrase type ou logo « femme enceinte »).
- Sur les dénominations
Les dénominations légales des bières sont encadrées par le décret n°92-307 modifié. Les bières qui n’entrent pas dans les catégories listées par ce décret doivent être commercialisées sous un nom descriptif. Une bière était dénommée « bière aux cerises » alors que les fruits avaient été incorporés au-delà du seuil[10] prévu par le décret.
La dénomination « bière » admet la présence d’épices naturelles et d’herbes aromatiques. Néanmoins, les ingrédients ajoutés ne doivent pas conférer au produit final leurs caractéristiques aromatiques et doivent obligatoirement figurer sur l’étiquetage du produit.
En revanche, lorsque l’ajout de matière végétale apporte une saveur perceptible à la boisson, la dénomination du produit devient « bière à ». Si la bière contient un ajout d’arôme, la dénomination « bière aromatisée à » doit être utilisée. Une bière contenait un arôme de framboise sous la dénomination « bière framboise».
S’agissant de la « bière de garde », pour être commercialisée sous cette dénomination, une période minimale de garde d'une durée de 21 jours doit être respectée. Deux brasseurs utilisaient ce terme à tort.
L’utilisation abusive de mentions valorisantes
- L’artisan brasseur doit se conformer à certaines obligations
Le terme « artisan » est une mention valorisante très appréciée des consommateurs. Certains producteurs nouveaux sur le marché peuvent être enclins à l’utiliser du fait de leurs méthodes de production ou des faibles volumes produits. Pour être qualifié d’artisan, le professionnel doit obligatoirement répondre aux critères imposés par la réglementation[11], comme être immatriculé au répertoire des métiers et répondre aux exigences de qualification ou d’expérience professionnelle[12].
- Des bières sont présentées à tort comme locales
Les qualificatifs se rapportant à un département ou une région sans autre précision de type « Bière normande » peuvent prêter à confusion sur l’origine des matières premières employées et laisser entendre que les ingrédients proviennent de Normandie. Certaines expressions sont ambiguës dans le contexte, par exemple la référence à la figure emblématique d’une ville alors que la bière est brassée dans un autre département.
Bilan chiffré des contrôles réalisés par la DGCCRF en 2017/2018
347 établissements visités.
160 avertissements, 39 injonctions et 4 procès-verbaux.
Les contrôles ont été réalisés en priorité à la production. Ils ont concerné majoritairement des brasseurs produisant moins de 1 000 hl/an, et adhérents ou non d’une organisation professionnelle.
Les anomalies détectées concernent principalement le non-respect des règles d’étiquetage, l’hygiène des établissements, la traçabilité et les autocontrôles et quelques cas de pratiques commerciales trompeuses.
Au total, sur les 175 analyses réalisées par le Service commun des laboratoires de Bordeaux, 63 étaient « conformes », 71 « à surveiller » et 41 « non conformes ».
Les motifs principaux des anomalies concernaient un TAV erroné et un défaut de mise en avant des allergènes présents dans les céréales. Parmi les autres manquements relevés : la présence d’un résidu de pesticide dans des bières bio mais à des teneurs faibles, de gluten dans une bière alléguant « sans gluten » et d’additif non mentionné ou interdit.
- Le cas particulier des bières biologiques
Les bières dites biologiques[13] peuvent faire référence à l’agriculture biologique dans leur dénomination de vente, la liste des ingrédients, la publicité, etc. Toutefois, la difficulté éprouvée par les brasseurs pour obtenir du houblon « bio » sur le marché conduit le plus souvent ces opérateurs à utiliser du houblon « conventionnel ». Cette pratique est autorisée[14] sous réserve que le brasseur ait obtenu une dérogation d’une durée d’un an de la part du ministère de l’Agriculture[15]. À noter qu’à compter du 1er janvier 2021, l’entrée en vigueur d’une nouvelle réglementation[16] réduira la durée de validité de cette dérogation à six mois renouvelable deux fois. Par ailleurs, les autres États membres auront la possibilité d’objecter à la dérogation nationale si le houblon est disponible sur un autre marché.
Pour l’essentiel, les anomalies constatées résultent d’une méconnaissance ou d’une connaissance imparfaite de la réglementation par des opérateurs nouvellement installés ou sans formation spécifique. Les suites pédagogiques, préventives ou correctives ont été privilégiées lors de cette enquête.
La mise à jour d’informations dédiées sur le site internet de la DGCCRF (Tout savoir sur l’étiquetage des bières) et le dialogue entrepris entre la DGCCRF avec les syndicats de brasseurs nationaux, permettront de continuer à sensibiliser les opérateurs sur leurs obligations, notamment en matière d’autocontrôles.
[1] Microbrasseries parfois sans salarié, reconversion professionnelle, diversification d’activité, pas ou peu d’expérience en brasserie ou dans l’agroalimentaire.
[2] Méthode de maîtrise de la sécurité sanitaire des denrées alimentaires.
[3] Les autocontrôles réalisés par les brasseurs contrôlés sont le plus souvent des contrôles organoleptiques et de densité afin de suivre l’évolution de la fermentation.
[4] Titre alcoométrique volumique.
[5] Résidus du brassage des céréales, généralement utilisés pour l'alimentation animale.
[6] Bovins, ovins et porcs.
[7] Règlement n°1169/2011 dit « INCO ».
[8] Décret n°92-307.
[9] Brasseurs depuis moins de 3-4 ans.
[10] Ces ingrédients ne doivent pas excéder 10 % du volume du produit fini.
[11] Loi n°96-603 du 5 juillet 1996 relative au développement du commerce et de l’artisanat.
[13] Ces bières doivent avoir au moins 95% en poids des ingrédients agricoles issus de l’agriculture biologique.
[14] Conformément à la réglementation communautaire.
[15] Direction générale de la performance économique.
[16] Règlement (UE) 2018/848 relatif à la production biologique et à l’étiquetage des produits biologiques.