Le nouveau règlement européen relatif à la sécurité générale des produits (RSGP) entre en vigueur le 13 décembre 2024. C’est un texte auquel la DGCCRF a largement contribué. Que va-t-il changer pour les professionnels ? Quel impact aura-t-il sur les contrôles effectués par la DGCCRF ? Juliette Savaton, cheffe du pôle « sécurité générale des produits et e-commerce » au sein du bureau des produits industriels de la DGCCRF, a répondu à ces deux interrogations.
Lorsqu’on parle sécurité générale des produits, de quoi parle-t-on ?
Pour être vendu ou mis à la disposition du consommateur, un produit doit être « sûr ». C’est-à-dire que, dans des conditions d’utilisation normales ou raisonnablement prévisibles, celui-ci ne doit présenter aucun risque ou seulement des risques minimaux compatibles avec l’utilisation du produit et considérés comme acceptables dans le respect d’un niveau élevé de la protection du consommateur. Préalablement à sa commercialisation, chaque produit doit avoir fait l’objet, par son fabricant, son importateur ou son vendeur, d’une évaluation des risques et de la sécurité. Elle doit conclure soit à son absence de dangerosité, soit à la nécessité de mettre en place des mesures d’atténuation des risques, par exemple dans une notice d’utilisation ou sous forme d’avertissement.
On parle d’ « obligation générale de sécurité » lorsqu’un produit ou une catégorie de produit n’est pas déjà visé par une réglementation sectorielle détaillant les normes spécifiques s’y appliquant. Le nouveau règlement consolide ce cadre général de la sécurité des produits afin de s’assurer que tous les produits soient au moins couverts par un socle commun, ce qui permet de tendre vers des obligations plus homogènes entre produits.
Pourquoi a-t-il fallu mettre à jour le cadre réglementaire en matière de sécurité des produits ?
Ce nouveau règlement européen (règlement (UE) 2023/988 adopté le 10 mai 2023) vise avant tout à adapter le cadre réglementaire européen en matière de sécurité générale des produits aux évolutions du marché, tels que l’essor du commerce en ligne ou le développement de nouvelles technologies (intelligence artificielle, objets connectés, etc.). – La dernière directive datait de 2001.
Cette mise à jour répond à l’intérêt premier des consommateurs européens afin de garantir un niveau élevé de sécurité des produits. Elle s’adresse également aux acteurs économiques. En effet, ce règlement vise à mettre sur un pied d’égalité l’ensemble des acteurs de la chaîne d’approvisionnement, qu’ils soient nationaux et internationaux, dont certains étaient jusqu’alors peu concernés par la réglementation, notamment les places de marché (marketplaces). Il impose notamment à ces dernières des mesures contraignantes, en les appelant à notifier les produits dangereux dont ils auraient connaissance aux autorités, à l’aide des outils existants mis à disposition par la Commission européenne, dont le Safety Business Gateway. Certains grands opérateurs en ligne s’étaient par ailleurs déjà engagés dans ce type de démarche au travers des « Product Safety Pledge », engagements volontaires en matière de sécurité des produits de consommation non alimentaires vendus en ligne.
Plus largement, ce règlement s’inscrit dans la volonté de la Commission de garantir une concurrence loyale entre les différents acteurs proposant des produits sur le marché européen afin que les mêmes obligations légales s’appliquent à tous. C’est la raison pour laquelle le RSGP impose, dans la lignée du règlement sur la surveillance du marché et la conformité des produits adopté en 2019, aux exportateurs de pays tiers de déterminer une « personne responsable dans l’UE » qui sera le point de contact des autorités de surveillance en cas de signalement de produits illicites ou dangereux.
Enfin, les nouvelles technologies, telles que l’intelligence artificielle et les objets connectés, appelaient à prendre en compte de nouveaux risques pour la sécurité des produits, liés aux transformations ou modifications « à distance » après commercialisation (mises à jour, fonctions évolutives, cyber-attaque, etc.). Ces éléments devront ainsi être pleinement intégrés dans les analyses de risque réalisées par les fabricants.
Concrètement, quels seront les changements pour les professionnels ?
Si le règlement s’inscrit dans la continuité des principes et règles posés par la précédente directive sur la sécurité générale des produits (DSGP), il réhausse certaines exigences à destination des opérateurs économiques en plus d’en créer pour les fournisseurs de place de marché en ligne.
Les professionnels ont ainsi des obligations renforcées en matière d’évaluation des risques, requise pour chaque type de produits, ainsi que d’informations à renseigner permettant la traçabilité des produits (numéro de type, lot ou série ; nom ou raison sociale du fabricant, etc.). Des processus internes doivent également être formalisés, notamment afin de s’assurer de l’existence de procédures adéquates en cas de rappel de produits.
Evidemment, ces exigences demeurent non seulement proportionnées à la complexité des produits et aux éventuels risques identifiés, mais également adaptées à la position de chaque acteur dans la chaîne d’approvisionnement. Ainsi, la responsabilité de premier ressort d’un fabricant vis-à-vis de la conformité ou dangerosité de ses produits n’est pas la même que celle d’un distributeur qui doit, lui, assurer une surveillance des produits qu’il met à disposition du marché.
Dans la lignée du mécanisme de « notification & action » établi par le règlement sur les services numériques (DSA), les fournisseurs de place de marché en ligne seront notamment soumis à un délai de deux jours ouvrables à réception de l’injonction pour retirer une offre de produit, en rendre l’accès impossible ou afficher un avertissement explicite.
Quels seront les changements pour la DGCCRF en tant qu’autorité de contrôle ?
Le nouveau règlement prévoit la mise en place d’un réseau entre les autorités des États membres afin d’assurer une coordination et une coopération structurées pour faciliter l’échange d’informations, promouvoir l’échange d’expertises et de bonnes pratiques, améliorer la traçabilité, le retrait et le rappel des produits. Le règlement instaure également un rôle d’arbitrage de la Commission européenne dans les situations où il existerait des divergences dans l’évaluation des risques d’un produit entre autorités européennes de surveillance du marché.
Plus généralement, les différentes interfaces du portail européen « Safety Gate », avec des points d’accès pour les autorités de surveillance du marché, pour les consommateurs et pour les professionnels, doivent permettre à chaque acteur d’informer et d’être informé des produits dangereux ou non-conformes. Enfin, les sanctions ont été renforcées en application de ce règlement dans le cadre de la loi du 22 avril 2024 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne (DDADUE). Le non-respect par les acteurs économiques de leurs obligations en matière de rappel de produit est désormais passible d’une peine de cinq ans d’emprisonnement et d’une amende de 600 000 euros, montant pouvant être porté à 10% du chiffre d’affaires moyen annuel de l’opérateur en cause.
Ce que dit la loi :
Ces contenus DGCCRF peuvent aussi vous intéresser :