Abus de dépendance économique

L’abus de dépendance économique s’observe généralement dans les relations clients-fournisseurs. Il se caractérise par une situation où une entreprise profite abusivement de l’état de dépendance dans lequel se trouve un partenaire commercial. Mais comment définir cette pratique ? Et quelles sont les sanctions prévues ? Réponse à suivre.

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Qu’est-ce que l’abus de dépendance économique ?

L’abus de dépendance économique, comme l’abus de position dominante, est une pratique anticoncurrentielle prohibée par l'article L. 420-2 du Code de commerce.

Pour qu'il y ait abus de dépendance économique, trois conditions doivent être réunies :

  • l’existence d’une situation de dépendance économique ;
  • une exploitation abusive de cette situation ;
  • une affectation, réelle ou potentielle, du fonctionnement ou de la structure de la concurrence sur le marché.

Ces critères doivent être simultanément présents pour entraîner la qualification. En outre, si une entreprise s'est placée délibérément en situation de dépendance économique, elle ne pourra revendiquer l'application de l'article L. 420-2. Tel serait le cas, par exemple, d'un commerçant qui aurait choisi de distribuer ses produits dans le cadre d'une franchise, d'une entreprise de transport qui, s'étant créée pour répondre aux besoins d'une entreprise donnée, aurait par la suite omis de diversifier sa clientèle.

Important :
L'abus de dépendance économique n'a pas d'équivalent en droit communautaire de la concurrence.

Comment caractériser une situation de dépendance économique ?

L’article L 420-2, par modifié par l'article 40 de la loi n°2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises, ne définit plus l'état de dépendance économique, comme le faisait l'ancien texte, à savoir une relation commerciale dans laquelle l'un des partenaires, entreprise cliente ou fournisseur, " ne dispose pas de solution équivalente ". DGCCRF-JUIN 2017 2.

Pour autant, même si cette disposition relative à l’absence de solution équivalente a disparu de notre droit, il s’agit d’un critère fondamental de l’état de dépendance économique, que continuent à utiliser l’Autorité de la concurrence et la Cour d’appel de Paris dans leur jurisprudence[1].

Quels sont les critères retenus par la jurisprudence ?

  • la part de l’entreprise dans le chiffre d’affaires de son ou ses partenaires ;
  • la notoriété de de la marque (ou de l'enseigne) ;
  • l'importance de la part de marché de ce ou ces partenaires ;
  • l'existence ou non de solutions alternatives ;
  • les facteurs ayant conduit à la situation de dépendance (choix stratégique ou "obligé" de la victime du comportement dénoncé).

Exploitation abusive d’une situation de dépendance : dans quels cas ?

Pour qualifier une situation de dépendance économique comme abusive, on peut se référer au deuxième alinéa de l’article L. 420-2 qui énumère les pratiques anticoncurrentielles susceptibles de constituer un abus de dépendance économique. En voici une liste non limitative :

  • le refus de vente ;
  • les ventes liées ;
  • les pratiques discriminatoires (article L 442-6 du Code de commerce) ;
  • les accords de gamme.

Outre les pratiques précitées, peut être constitutif d'un abus de dépendance économique tout comportement qu'un opérateur économique ne pourrait mettre en oeuvre s'il ne tenait précisément son partenaire sous sa dépendance.

A noter que, comme en matière de position dominante, il ne peut y avoir d’abus que si le comportement incriminé présente un caractère " anormal "[2] de la concurrence, ne présentait pas de caractère anormal, au sens où il n'excédait pas les " limites de la libre négociation "[3] (arrêt du 17 juin 1992, BOCCRF n° 13/92).

Affectation du fonctionnement ou de la structure de la concurrence : à quelle condition ?

Aux termes de la nouvelle rédaction de l'article L 420-2, il suffit que cette affectation soit potentielle. Comme l'a rappelé la Cour de cassation, seule une atteinte sensible à la concurrence peut caractériser une pratique anticoncurrentielle3.

Ainsi, ne peuvent être sanctionnés que les abus de dépendance économique dont les effets, actuels ou potentiels, sont suffisamment tangibles. En outre, l'infraction ne peut être constituée que s'il y a un lien de causalité entre la situation de dépendance économique et la pratique incriminée. En d'autres termes, l'exploitation abusive doit être réalisée par l'utilisation de l'état de dépendance.

L’Autorité de la concurrence considère que les situations de dépendance économique doivent être évaluées au cas par cas. En effet, celles-ci s’inscrivent dans le cadre de relations bilatérales entre deux entreprises et ne valent pas pour toute la profession.

Quelles sont les sanctions prévues ?

Aux termes de l'article L. 464-2 du Code de commerce, l'Autorité de la concurrence peut prononcer des injonctions et infliger des sanctions aux auteurs des pratiques incriminées.

Celles-ci sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie, à la situation de l'organisme ou de l'entreprise sanctionné ou du groupe auquel l'entreprise appartient et à l'éventuelle réitération de pratiques. DGCCRF-JUIN 2017 3.

Ces sanctions sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction.

Le montant maximum de la sanction correspond, pour une entreprise, à 10 % du montant du chiffre d'affaires mondial hors taxes le plus élevé réalisé au cours d'un des exercices clos depuis l'exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en oeuvre.

Si les comptes de l'entreprise concernée ont été consolidés ou combinés en vertu des textes applicables à sa forme sociale, le chiffre d'affaires pris en compte est celui figurant dans les comptes consolidés ou combinés de l'entreprise « consolidante » ou « combinante ».

Le Conseil de la concurrence (désormais Autorité de la concurrence) a déjà fait application de l'article L. 420-2. Par décision n° 96-D-51 du 3 septembre 1996 relative à des pratiques de la SARL Héli-Inter

Assistance, il a ainsi condamné une entreprise pour avoir abusé de sa position dominante et de la situation de dépendance dans laquelle son concurrent se trouvait à son égard en lui imposant une tarification forfaitaire injustifiée et discriminatoire.

Cette décision a été confirmée par un arrêt de la Cour d'appel de Paris du 30 juin 1998, lui-même confirmé le 25 janvier 2000 par la Cour de cassation (cf. aussi décision n° 93-D-59 et 96-D-44).

L'abus de dépendance économique peut également être condamné par :

  • les juridictions de droit commun (par exemple, suite à une action en concurrence déloyale) ;
  • une juridiction pénale (en vertu de l'article L. 420-6 du Code de commerce), peut être saisie par constitution de partie civile et condamner toute personne physique qui aura pris une part personnelle et déterminante dans la conception, l'organisation ou la mise en oeuvre des pratiques relevant de l'article L. 420-2.

Dans les faits, les conditions de l'article L. 420-2 sont rarement remplies, ne serait-ce que parce que l'état de dépendance ou l'atteinte au marché n'ont pu être caractérisés. En effet, à moins que les entreprises se soient placées volontairement dans une telle situation, auquel cas les dispositions de cet article ne sont pas applicables, il est rare qu'elles réalisent l'essentiel de leur activité avec un partenaire déterminé et qu'elles soient privées de toute alternative lorsque les relations avec ce partenaire viennent à se rompre.

Les exceptions qui confirment la règle

Ne sont pas soumises aux dispositions de l'article L. 420-2 :

  • les pratiques qui résultent de l'application d'un texte législatif ou d'un texte réglementaire pris pour mettre en oeuvre une loi ;
  • les pratiques dont les auteurs peuvent justifier qu'elles ont pour effet d'assurer un progrès économique et qu'elles réservent aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte, sans donner aux entreprises intéressées la possibilité d'éliminer la concurrence pour une partie substantielle des produits en cause. Par ailleurs, ces pratiques ne doivent pas imposer de restrictions de la concurrence autres que celles qui sont strictement indispensables pour atteindre cet objectif.

[1] Cass. com 6 février 2007, SARL Les Oliviers (arrêt n°179 F-D

[2] La Cour d'appel de Paris a jugé que le prix proposé par un diffuseur de télévision par câble à un éditeur de programme pour la diffusion d'une chaîne thématique, estimé abusif par le Conseil

[3] Cass. com 15 juillet 1992, BOCCRF n° 15/92, Cass com 4 mai 1993, BOCCRF n° 15/93

Les éléments ci-dessus sont donnés à titre d'information. Ils ne sont pas forcément exhaustifs et ne sauraient se substituer aux textes officiels. 


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Textes de référence

Lien utile

Autres ressources

Glossaire

Refus de vente : fait pour un professionnel de refuser de vendre un produit ou un service auprès d'un autre professionnel ou d'un particulier.

Ventes liées : proposer ou vendre plusieurs produits dans un même lot sans proposer ces produits séparément au même prix.

Pratiques discriminatoires : pratiquer à l’égard d’un partenaire économique ou obtenir de lui des prix, des délais de paiement, des conditions de vente ou des modalités de vente ou d’achat discriminatoires et non justifiés par des contreparties réelles en créant, de ce fait, pour ce partenaire, un désavantage ou un avantage dans la concurrence.

Accords de gamme : accord proposé par une grande marque à un distributeur dans le cadre duquel, en échange d’une remise sur un produit vedette, la marque obtient le référencement d’autres produits de la gamme ou de la famille de produits. Un accord de gamme peut permettre à la grande marque « d’imposer » plusieurs de ses produits auprès d’une enseigne. DGCCRF-JUIN 2017 4

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