Société européenne par transformation - Représentation des syndicats au sein du conseil de surveillance – CJUE, C-677/20, 18 octobre 2022

La transformation d’une société de droit national en société européenne (SE) ne doit pas réduire la participation, prévue par le droit national, des syndicats à la composition du conseil de surveillance

Bercy côté Seine
©BercyPhoto/Patrick Védrune

Dans le cadre d’une affaire portant sur la représentation des syndicats au sein du conseil de surveillance d’une société européenne par transformation, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), par un arrêt du 18 octobre 2022 (1), interprète les dispositions de la directive 2001/86/CE du Conseil du 8 octobre 2001 complétant le statut de la société européenne pour ce qui concerne l’implication des travailleurs (2).

L’article 4, paragraphe 4, de la directive 2001/86/CE dispose que dans le cas d’une société européenne (SE) constituée par transformation, l’accord sur les modalités relatives à l’implication des travailleurs au sein de la SE prévoit, pour tous les éléments de l’implication des travailleurs, un niveau au moins équivalent à celui qui existe dans la société qui doit être transformée en SE.

En l’espèce, à la suite de la transformation d’une société allemande en société européenne, des syndicats allemands ont contesté les nouvelles modalités de désignation des représentants des travailleurs au sein du conseil de surveillance, fixées dans le cadre d’un accord sur les modalités relatives à l’implication des travailleurs au sein de la SE et moins favorables que celles prévues par la loi allemande.

Ces nouvelles modalités supprimaient le scrutin distinct pour l’élection des candidats proposés par les syndicats qui existait auparavant pour la composition du conseil de surveillance de la société préexistante.

S’interrogeant sur le fait de savoir si la directive 2001/86/CE prévoyait ou non un niveau de protection uniforme différent et moins élevé que celui prévu en droit allemand et s’imposant à tous les Etats membres de l’Union européenne, la Cour fédérale allemande a saisi la CJUE d’une question préjudicielle.

Dans ce cadre, la CJUE relève qu’il ressort de la directive que le législateur de l’Union :

  • a considéré que la grande diversité des règles et des pratiques existant dans les États membres en ce qui concerne la manière dont les représentants des salariés sont impliqués dans le processus de prise de décision des sociétés rendait inopportune l’instauration d’un modèle européen unique d’implication des salariés applicable aux SE ;
  • et, a entendu écarter le risque que la constitution d’une SE, notamment par voie de transformation, conduise à un affaiblissement, voire même à une disparition, des droits d’implication dont les travailleurs de la société à transformer en SE bénéficiaient en vertu de la législation et/ou de la pratique nationales.

Ainsi, la garantie des droits acquis voulue par le législateur de l’Union implique non seulement le maintien des droits acquis des travailleurs dans la société à transformer en SE, mais aussi l’extension de ces droits à l’ensemble des travailleurs de la SE.

En l’état, la Cour considère que l’accord doit prévoir un scrutin distinct pour élire, en tant que représentants des travailleurs au sein du conseil de surveillance de la SE, une certaine proportion de candidats proposés par les syndicats, dès lors que le droit national applicable impose un tel scrutin distinct en ce qui concerne la composition du conseil de surveillance de la société devant être transformée en SE.

L’application d’un scrutin distinct renforce l’influence des représentants des travailleurs sur la prise de décision au sein d’une entreprise, en garantissant que, parmi ces représentants, figurent des personnes disposant d’un degré élevé de connaissance des conditions et des besoins de l’entreprise tout en disposant d’une expertise externe.

Enfin, la Cour souligne que le droit de proposer une certaine proportion des candidats aux élections des représentants des travailleurs au sein d’un conseil de surveillance d’une SE créée par transformation ne saurait être réservé aux seuls syndicats nationaux, mais doit être étendu à tous les syndicats représentés au sein de la SE, ses filiales et ses établissements, de manière à assurer l’égalité entre ces syndicats en ce qui concerne ce droit.