Rapport de la Cour des comptes sur le financement des collectivités territoriales

La Cour des comptes a publié, le 12 octobre 2022, un rapport relatif au financement des collectivités territoriales, dans un contexte de suppression de la taxe d’habilitation sur les résidences principales et de baisse des impôts de production. La Cour a examiné plusieurs options qui pourraient permettre un meilleur financement pour chaque niveau de collectivité en fonction de ses spécificités.

Bercy côté Seine
©BercyPhoto/Patrick Védrune

La Cour des comptes a publié le 12 octobre 2022 un rapport relatif au financement des collectivités territoriales (1). Ce rapport fait suite à la demande de la commission des finances du Sénat d’examiner le financement des collectivités dans un contexte de suppression de la taxe d’habilitation sur les résidences principales et de baisse des impôts de production.

La Cour des comptes juge le système de financement des collectivités "à bout de souffle" : en effet, il apparaît que les ressources financières des collectivités territoriales sont issues de diverses ressources constituées au fil du temps. Ainsi, à l’heure actuelle, le financement des collectivités est peu lisible tant pour les contribuables que pour les élus locaux.

Le Conseil constitutionnel a reconnu, lors de la révision constitutionnelle de 2003, que les collectivités territoriales bénéficiaient d’une autonomie financière, composante du principe de libre administration des collectivités territoriales. Cette autonomie est basée sur deux piliers selon l’article 72-2 de la Constitution : d’une part, la loi peut autoriser les collectivités territoriales à recevoir tout au partie du produit d’impositions de toute nature, ainsi qu’à en fixer l’assiette et le taux dans la limite qu’elle détermine ; d’autre part, les recettes fiscales et autres ressources propres doivent représenter, pour chaque catégorie de collectivités territoriales, une part déterminante de l’ensemble de leurs ressources. Le niveau de ressources propres par niveau de collectivités territoriales a été déterminé par la loi organique du 29 juillet 2004 (2) et fixée au niveau de cette année-là. Si ces ratios définis en 2004 progressent à l’heure actuelle, ils ne rendent en revanche pas compte du sentiment de perte de marge de manœuvre par les élus locaux en raison de la part croissante de la fiscalité nationale au sein des ressources propres.

La Cour des comptes estime que si le consensus sur la situation actuelle du financement des collectivités territoriales est clair, les propositions de réformes du système sont en revanche plus délicates en raison des diverses attentes des acteurs concernés. En s’inspirant de modèles existants à l’étranger, la Cour a examiné plusieurs options en poussant au maximum le financement des collectivités territoriales via un renforcement des ressources locales, un renforcement des impôts nationaux partagés ou un renforcement des dotations de l’Etat.

Renforcement des ressources locales

Les ressources locales représentent aujourd’hui environ la moitié des recettes des collectivités territoriales soit près de 129 milliards d’euros (répartis en 96,9 milliards d’euros de recettes fiscales, 19,7 milliards d’euros de redevances et 6 milliards d’euros de recettes propres d’investissements et recettes exceptionnelles). Néanmoins, cette répartition est très inégalitaire entre les niveaux des collectivités territoriales : si elles représentent 65,8 % du bloc communal, les ressources locales des départements ne représentent que 34,3 % de leurs recettes et 17,2 % de celles des régions.  Le choix d’un renforcement des ressources locales apparaît, selon la Cour des comptes, plus adapté au bloc communal, en raison de la clause générale de compétences justifiant de renforcer le lien avec le territoire.

La Cour des comptes estime que si le choix était fait de transférer au bloc communal l’intégralité du produit des impôts locaux, 85 % des recettes des communes (ou 80 % en cas de réforme de la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises – CVAE) pourraient provenir des impôts locaux. Pour cela, le bloc communal devrait se voir affecter la part des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) des départements, la part départementale de la CVAE, la taxe sur les certificats d’immatriculation et les impositions forfaitaires des entreprises de réseaux (IFER) des départements et régions.

Renforcement de la fiscalité nationale partagée

La fiscalité nationale partagée représente actuellement environ 21 % des recettes des collectivités territoriales grâce à trois impôts : la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) pour 37,4 milliards d’euros, la taxe intérieure de consommation des produits énergétiques (TICPE) pour 11 milliards d’euros et la taxe spéciale sur les conventions d’assurance (TSCA) pour 8,2 milliards d’euros. La part de la fiscalité nationale partagée est en revanche très inégalitaire selon les niveaux de collectivités territoriales : si elle représente 70 % des recettes de fonctionnement du niveau régional, elle ne représente que 40 % de celles du niveau départemental et même 6 % de celles du bloc communal.La Cour des comptes estime que pour faire progresser de 20 points la part des impôts partagés, ce qui permettrait d’atteindre un peu plus de 40 % du financement des collectivités territoriales, il conviendrait d’affecter un tiers de la TVA aux collectivités, la totalité de la TIPCE et une fraction de l’impôt sur les sociétés (IS). Les DMTO devraient être quant à eux transformés en impôt national partagé entre les niveaux de collectivités territoriales.

Renforcement des dotations et subventions

Les dotations et subventions représentent aujourd’hui 26 % des ressources des collectivités territoriales. Un renforcement des dotations et subventions présente l’avantage de sécuriser les recettes mais accroît la dépendance des collectivités territoriales vis-à-vis de l’Etat.

Sans aller jusqu’aux limites fixées par la loi organique de 2004, l’augmentation des dotations pourrait permettre, selon la Cour des comptes, de renforcer la solidarité du système et la convergence des stratégies d’investissement.

Après avoir examiné ces trois options, la Cour des comptes explique qu’une réforme du financement des collectivités territoriales doit en réalité combiner les différents types de ressources (fiscalité locale, fiscalité nationale partagée, dotations et subventions) en tenant compte de l’autonomie des collectivités territoriales et de leurs missions.

Selon la Cour des comptes, il conviendrait dans ce cadre de recentrer la fiscalité locale sur le seul bloc communal, de parvenir à un financement plus solidaire pour les départements qui détiennent des compétences sociales et de renforcer le financement des régions au travers de la fiscalité nationale économique. La fiscalité nationale partagée serait renforcée via une augmentation de la part de TVA redistribuée aux départements et régions (24 % contre 20 % actuellement), un partage d’une fraction d’impôt sur les sociétés de 12 % pour les régions et 10 % d’impôt sur le revenu pour les départements. La fiscalité de l’énergie serait quant à elle affectée à l’Etat seulement afin de lui permettre de piloter les évolutions nécessaires pour promouvoir la transition énergétique. Les dotations de l’Etat seraient, selon le scénario étudié par la Cour des comptes, rationnalisées afin de servir trois objectifs uniquement (assurer la transition vers le nouveau modèle de financement pour les régions, financer l’action sociale pour les départements et assurer l’équilibre financier des communes).

La Cour des comptes insiste sur le fait que cette réforme doit étroitement associer les élus locaux en amont de la préparation de la loi de finances et de la loi de programmation des finances publiques. Il conviendrait donc selon la Cour de créer une autorité indépendante chargée d’organiser le dialogue entre l’Etat et les collectivités territoriales.