Rapport de la Cour des comptes : bilan du télétravail dans la fonction publique après la crise sanitaire

Dans un rapport du 22 novembre 2022, la Cour des comptes procède à un bilan de la mise en place du télétravail dans la fonction publique : elle souligne les défis que pose sa mise en place pour les employeurs publics et estime qu’il s’agit d’une chance à saisir pour rénover l’offre publique de services aux usagers des services publics.

Bercy côté Seine
©BercyPhoto/Patrick Védrune

Le rapport de la Cour des comptes du mois de novembre 2022 décrit et explique dans un premier temps les grandes tendances observables dans l’évolution du recours au télétravail (I). Il analyse ensuite, les défis que pose la mise en place du télétravail pour les employeurs publics (II). Il propose enfin des pistes pour faire du télétravail un outil d’amélioration du service public (III).

I - Une accélération très volontariste de la mise en place du télétravail

Alors que le télétravail était demeuré à la marge des modes d’organisation du travail dans la fonction publique, la crise sanitaire a obligé les employeurs publics à reconsidérer son usage dans l’urgence. Le nouveau cadre réglementaire issu du décret du 5 mai 2020 et l’accord collectif sur le télétravail du 13 juillet 2021 ont facilité le développement rapide du télétravail dans la fonction publique.

Pour autant, ce dernier demeure largement concentré dans les services de taille importante et cantonné aux activités administratives n’impliquant pas une rencontre physique avec les usagers, c’est-à-dire les fonctions administratives des grands employeurs publics. À terme, le télétravail pourrait concerner de l’ordre de 30 % des agents publics et représenter environ 10 % des jours de travail dans l’administration.

À titre d’exemple, les taux de télétravailleurs parmi les agents des catégories A, B et C de l’administration centrale du ministère de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique (MEFSIN) sont respectivement de     65,4 %, 57,8 % et 29 %.

Selon le rapport, le MEFSIN a acquis 76 400 ordinateurs portables, ultraportables et tablettes et 8 000 ordinateurs avec minitours pour un montant de 46 M€. Le fonds de transformation ministérielle (FTM 51) du MEFSIN a permis d’accompagner les directions en leur allouant 14,7 M€ en 2020 et 2021 pour financer le surcoût de l’acquisition d’un matériel nomade par rapport à un matériel fixe. L’administration centrale, comprenant 7 800 agents en 2020, a accéléré l’achat en 2020 et 2021 de 2 854 ordinateurs ultraportables pour un montant total de 2,6 M€ et de 543 smartphones pour la somme de 75 324 €.

D’après une première estimation du ministère, pour la seule direction générale des Finances publiques (DGFiP), les coûts d’équipement engendrés par le télétravail au titre de 2020-2021 s’élèvent à plus de 57 M€ se décomposant en 54,2 M€ pour l’achat d’ordinateurs et d’accessoires et près de 3 M€ pour la téléphonie.

II - Les défis que pose la mise en place du télétravail pour les employeurs publics

La place nouvelle du télétravail constitue un défi stratégique et opérationnel pour les employeurs publics, tant sur un plan matériel que d’un point de vue managérial. Si l’effort d’équipement individuel des agents paraît achevé, il reste à améliorer le fonctionnement technique des visioconférences, intrinsèquement liées à la pratique du télétravail et sujet de crispation, compte tenu des difficultés d’usages rencontrées.

Par ailleurs, la pratique accrue du télétravail pose la question de l’utilisation de l’immobilier et de son coût. La Cour considère que les employeurs publics devraient, à partir d’un certain seuil d’agent durablement en télétravail, enclencher une dynamique de réduction de surfaces des bureaux et se poser la question de l’utilisation de l’immobilier et de son coût. Enfin, les employeurs publics devront s’assurer de la productivité du télétravail et de l’efficacité des modalités de contrôle des agents en télétravail.

Selon le rapport, le secrétariat général du MESFIN prévoit de lancer une démarche expérimentale de réaménagement d’espaces d’une direction ou d’un service d’administration centrale. Le MEFSIN considère que ces projets pilotes devraient permettre de réaliser, fin 2022, un retour d’expériences sur les gains possibles de surfaces mais aussi les modalités de prise en compte des nouveaux modes de travail.

III - Le télétravail : une chance à saisir pour améliorer et rénover l’offre publique de services aux usagers

La Cour constate qu’une part significative des employeurs publics note que la mise en place du télétravail n’a pas nui au fonctionnement des services. La Cour souligne que cette attitude doit être dépassée car le télétravail est une source d’amélioration du service public.

Tout d’abord le télétravail est de nature à favoriser l’essor de modalités de réalisation du service public distinctes mais assez proches du télétravail, tels que le téléenseignement ou la téléconsultation médicale.

Le télétravail permet de mieux mobiliser les agents et de les faire participer au service public dans les cas où les déplacements physiques sont difficiles. Il peut aussi être utilisé à titre pérenne pour renforcer l’attractivité de fonctions délaissées par les agents, à titre transitoire quand il s’agit de déménagements de services ou de mutations géographiques.

Surtout, la Cour identifie deux voies permettant au télétravail de contribuer directement à améliorer le service à l’usager :

  • il serait profitable de l’utiliser comme levier pour élargir les plages de contact des usagers avec l’administration ;
  • il constitue aussi une opportunité pour développer une offre de contact par visioconférence, qui deviendrait alors un quatrième canal de contact avec l’usager, limitant alors les effets parfois dénoncés de la dématérialisation des procédures.

Tous ces avantages militent selon la Cour pour que les employeurs s’emparent de ces chantiers afin que le télétravail s’impose comme un axe majeur de la modernisation des services publics au bénéfice des agents et des usagers.