L’article L. 2261-15 du code du travail prévoit que les stipulations d’une convention de branche ou d’un accord professionnel ou interprofessionnel rendues obligatoires par arrêté ministériel s’imposent aux candidats à l’octroi d’une délégation de service public, lorsqu’ils entrent dans le champ d’application de cette convention.
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Par un avis publié le 2 août 2016, la communauté de communes Granville Terre et Mer a engagé une consultation en vue de l'attribution d’une délégation de service public ayant pour objet l'exploitation de son centre aquatique. Quatre candidats, dont la société Action développement loisir, ont été admis à présenter une offre. La société Action développement loisir a vu son offre rejetée comme irrégulière, au motif qu’elle mentionnait une convention collective inapplicable. En effet, la société Action développement se prévalait de la convention collective nationale des espaces de loisirs, d'attractions et culturels, alors que s’appliquait à l’activité confiée à l’attributaire la convention collective nationale du sport.
La société Action développement loisir a demandé au tribunal administratif de Caen l'annulation du contrat de délégation de service public, demande qui a été rejetée par un jugement du 21 juillet 2020. Par un arrêt du 18 juin 2021, la Cour administrative d'appel de Nantes a rejeté son appel.
Saisi d’un pourvoi en cassation par la société Action développement loisir, le Conseil d’État(1) confirme l’arrêt de la cour administrative d’appel au terme d’un raisonnement en trois temps.
D’abord, après avoir rappelé les principes fondamentaux de la commande publique, le Conseil d’État a jugé qu’en application de l’article L. 2261-15 du code du travail, les stipulations d'une convention de branche ou d’un accord professionnel ou interprofessionnel rendues obligatoires par arrêté ministériel s’imposent aux candidats à l'octroi d'une délégation de service public, lorsqu'ils entrent dans le champ d'application de cette convention. Le Conseil d’État en déduit qu’une offre finale qui mentionne une convention collective inapplicable ou méconnait la convention applicable, doit être écartée comme irrégulière par l’autorité concédante. Il étend ainsi la jurisprudence dégagée sur ce point en matière de marchés publics aux contrats de concession(2).
Ensuite, sur la détermination de la convention collective applicable en l’espèce, le Conseil d’État a estimé que la cour administrative d’appel n’était pas tenue de saisir l'autorité judiciaire d'une question préjudicielle eu égard à la jurisprudence judiciaire établie sur ce point et qu’elle n’avait pas commis d’erreur de droit ni dénaturé les faits de l’espèce en estimant que s’appliquait à l’activité confiée à l’attributaire la convention collective nationale du sport et non celle des espaces de loisirs, d'attractions et culturels. Ce faisant, le Conseil d’Etat applique directement l’article L. 2261-2 du code du travail sur la détermination de la convention collective applicable eu égard à l’activité exercée par l’employeur sans saisir l'autorité judiciaire d'une question préjudicielle, alors que la résolution de cette question relève de la compétence de principe de l’autorité judiciaire, dès lors qu’en l’espèce, « il apparaît manifestement, au vu d'une jurisprudence établie, que la contestation peut être accueillie par le juge saisi au principal », dans la logique de la jurisprudence du Tribunal des conflits « SCEA du Chéneau »(3).
Enfin, le Conseil d’Etat précise que le pouvoir adjudicateur et l’attributaire peuvent se prévaloir devant le juge du caractère irrégulier de l’offre d’un requérant concurrent évincé pour soutenir que le demandeur ne peut utilement soulever un moyen critiquant l'appréciation des autres offres, alors même que l'offre de ce concurrent évincé a été classée et notée.