Par un arrêt rendu dans l’affaire C-148/22, la Cour de justice de l’Union européenne estime qu’une administration publique peut interdire, sur le lieu de travail, le port visible de tout signe révélant des convictions philosophiques ou religieuses.
La requérante qui occupe le poste de « chef de bureau » depuis 2016 au sein de la commune d’Ans en Belgique, a demandé en 2021 l’autorisation de porter le foulard islamique sur son lieu de travail. Cette demande a dans un premier temps été refusée par son employeur. Le conseil municipal d’Ans a ensuite modifié le règlement de travail en y ajoutant une obligation de « neutralité exclusive » sur le lieu de travail.
Cette neutralité exclusive implique une interdiction de « toute forme de prosélytisme » ainsi que l’interdiction du port de signes ostensibles d’appartenance idéologique, religieuse ou philosophique. Cette obligation de neutralité vaut pour tous les travailleurs, y compris ceux qui ne sont pas en relation avec le public.
Estimant avoir fait l’objet d’une discrimination en raison de sa religion, la requérante a introduit une action en cessation auprès du tribunal du travail de Liège. Cette juridiction s’est interrogée sur la compatibilité entre cette interdiction imposée par la commune d’Ans et le droit de l’Union européenne, notamment la directive 2000/78/CE portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail. Le tribunal du travail de Liège a décidé de saisir la Cour de justice de l’Union européenne d’une question préjudicielle sur l’interprétation de la directive 2000/78/CE et la compatibilité de la mesure prise par la commune d’Ans avec ce texte.
Dans son arrêt du 28 novembre 2023 rendu dans l’affaire C-148/22 OP contre Commune d’Ans, la Cour retient que la politique de stricte neutralité qu’une administration publique impose à ses travailleurs en vue d’instaurer en son sein un environnement administratif totalement neutre peut être considérée comme étant justifiée par un objectif légitime. Est tout aussi justifié le choix d’une autre administration publique en faveur d’une politique autorisant, de manière générale et indifférenciée, le port de signes visibles de convictions, notamment, philosophiques ou religieuses, y compris dans les contacts avec les usagers, ou une interdiction du port de tels signes limitée aux situations impliquant de tels contacts.
Chaque Etat membre et toute entité infra-étatique dans le cadre de ses compétences, dispose d’une marge d’appréciation dans la conception de la neutralité du service public. Cet objectif doit néanmoins être poursuivi de manière cohérente et respecter une stricte nécessité. Il convient ensuite aux juridictions nationales de vérifier le respect de ces exigences.