Le paragraphe 3 de l’article 1er de la directive 89/665 ne fait pas obstacle à ce qu’une personne qui a définitivement été exclue de l’attribution d’un marché par une décision juridictionnelle ayant acquis l’autorité de la chose jugée antérieure à la décision d’attribution, puisse être privée de la possibilité de contester le refus du pouvoir adjudicateur d’annuler la décision d’attribution du marché, alors même que les candidats au marché, dont l’attributaire, ont participé à une entente.
Un pouvoir adjudicateur a organisé une procédure de passation d’un marché public portant sur la fourniture d’un service de sauvetage par hélicoptère. L’avis d’appel d’offres exigeait des candidats la possession d’une certification particulière. Trois sociétés ont été admises à participer à la procédure, parmi lesquelles ne faisait pas partie la société VZ, qui ne possédait pas la certification exigée. Cette société a contesté l’avis d’appel d’offres en tant qu’il exigeait la possession de ladite certification. Toutefois, le recours a été rejeté par le tribunal administratif régional pour la Lombardie, dont le jugement de rejet a été confirmé par le Conseil d’Etat italien. La société VZ a ainsi été définitivement exclue de la participation à la procédure de passation par une décision juridictionnelle revêtue de l’autorité de la chose jugée.
Parallèlement, les trois sociétés soumissionnaires ont été sanctionnées pour avoir commis une infraction à l’article 101 du TFUE s’agissant de marchés portant également sur la fourniture d’un service de sauvetage en hélicoptère, confirmée par les juridictions italiennes pour deux d’entre elles.
Or, le pouvoir adjudicateur ayant attribué trois lots du marché à deux des sociétés soumissionnaires, la société VZ a demandé au pouvoir adjudicateur l’annulation de la décision d’attribution du marché concerné au motif que la sanction confirmée est susceptible d’établir une faute professionnelle grave de nature à justifier l’exclusion des sociétés attributaires de la participation à la procédure de passation. Le pouvoir adjudicateur a rejeté cette demande. Cette décision de rejet a été contestée au contentieux par la société VZ.
C’est dans ce cadre que la juridiction italienne, saisie par la société VZ à l’encontre de la décision de refus du pouvoir adjudicateur d’annuler la décision d’attribution du marché, a saisi la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE, 9 février 2023, VZ, aff. C-53/22) de deux questions préjudicielles relatives à l’interprétation du paragraphe 3 de l’article 1er de la directive 89/665. Il était question de savoir si ces dispositions font obstacle à ce que l’opérateur empêché de participer à une procédure d’appel d’offres à un marché public au motif qu’il ne satisfait pas à une condition de participation et dont le recours à l’encontre de cette décision de refus de participation a été rejeté par une décision de justice ayant acquis l’autorité de la chose jugée, soit privé de la possibilité de former un recours à l’encontre de la décision de refus d’annuler la décision d’attribution du marché faisant suite à la confirmation juridictionnelle de la participation de l’attributaire et de tous les autres soumissionnaires à un accord méconnaissant les règles de la concurrence dans le même secteur que celui concerné par la procédure de passation.
La Cour rappelle, dans un premier temps, sa position bien établie selon laquelle le paragraphe 3 de l’article 1er de la directive ne s’oppose pas à ce qu’un recours formé par une personne souhaitant obtenir l’attribution d’un marché puisse être subordonné à la condition que la personne concernée justifie d’un intérêt lésé ou d’un risque d’être lésée par la violation qu’elle allègue.
Elle précise, dans un second temps, que la circonstance que l’entreprise ait été exclue définitivement de la procédure de sélection à la suite d’une décision juridictionnelle ayant acquis l’autorité de la chose jugée antérieurement à la décision d’attribution fait obstacle à ce que l’intéressée puisse se prévaloir d’un intérêt lésé ou risquant d’être lésé, ou d’un intérêt à obtenir le marché, et ce malgré la circonstance que tous les soumissionnaires au marché, dont l’attributaire, aient participé à un accord contraire aux règles de la concurrence.
En d’autres termes, la Cour de justice considère qu’en cas de certitude sur l’exclusion d’une personne à la participation de la procédure d’appel d’offres, antérieure à la décision d’attribution, ladite personne, qui n’avait donc aucune chance de remporter la procédure, à supposer même que les entreprises soumissionnaires soient exclues de la procédure, ne peut se prévaloir d’un quelconque intérêt à l’annulation de la décision d’attribution du marché.
La Cour de justice répond donc que dans un tel cas, le paragraphe 3 de l’article 1er de la directive ne fait pas obstacle à ce que cette personne non admise à participer à la procédure soit privée de la possibilité de former un recours à l’encontre de la décision portant refus d’annuler la décision d’attribution du marché.