Lettre de la DAJ – La transformation du travail : analyse du Haut-commissariat au Plan

Dans le quinzième numéro de sa publication « Ouverture » publié le 11 octobre dernier, le Haut-commissariat au Plan développe une analyse autour de la question du travail et de sa transformation.

Alors que la crise sanitaire semble avoir fait émerger des interrogations sur le rapport au travail, le Haut-commissariat au Plan se penche sur cette question dans sa dernière publication intitulée « La grande transformation du travail : crise de la reconnaissance et du sens du travail ».

Le travail revêt trois fonctions essentielles pour les individus : une fonction rémunératrice, une fonction de lien social et une fonction d’épanouissement et d’accomplissement personnel. Mais, si sa place demeure centrale, de nouvelles interrogations et aspirations se manifestent depuis la crise sanitaire.

Le travail : un élément structurant pour l’individu et la collectivité

Comme le rappelle le Haut-commissariat au Plan, le Préambule de la Constitution de 1946 proclamait que « chacun a le devoir de travailler et le droit d'obtenir un emploi »[1]. Cette affirmation dans la loi fondamentale montre à quel point le travail constitue un pilier pour la société et pour les individus :

  1. pour la société car notre modèle de protection sociale est fondé sur le travail qui permet la protection sociale telle que nous la connaissons. La cotisation des actifs finance leur protection collective. La protection du salarié est fondée sur sa participation aux besoins de la société. A ce titre, la part des cotisations sociales représente 54 % des ressources totales de notre protection sociale (même si cette proportion a tendance à baisser depuis quelques années) ;
  2. pour les individus, le travail est également structurant dans la mesure où il permet de consommer, de sociabiliser et de s’épanouir et se réaliser. Une vie professionnelle satisfaisante demeure un pilier de l’équilibre des personnes aujourd’hui encore. Cependant, on constate que, bien que la place du travail demeure centrale dans la vie des Français, ces derniers ont aussi de nouvelles aspirations pour un nouvel équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle. Cette nouvelle place accordée au travail peut être la conséquence des profondes évolutions à l’œuvre depuis quelques décennies.

Des mutations du travail qui ont des conséquences sur le rapport au travail

Depuis 1995, on constate que la part du revenu du travail dans le revenu global des ménages est stable et que la part du revenu du travail dans le PIB est plutôt en hausse. Pour autant, la pression des prélèvements obligatoires et le creusement des inégalités met en doute la capacité rémunératrice du travail. Il est ainsi de plus en plus difficile de se constituer un patrimoine (immobilier notamment) grâce aux seuls revenus du travail.

La satisfaction liée à son travail est étroitement liée à la sécurité que celui-ci procure, sécurité du contrat à durée indéterminée qui évite la précarité et qui est plus rémunérateur que les contrats courts. Or, il est de plus en plus difficile d’avoir un accès à un emploi stable, ce qui a des conséquences au quotidien, particulièrement en ce qui concerne l’accès au logement (qu’il s’agisse de pouvoir acheter ou de pouvoir louer).

Le Haut-commissariat au Plan souligne en outre le développement des risques psycho-sociaux liés aux mutations du travail. De nombreux salariés ont un rythme de travail soumis à des normes qui empêchent toute autonomie et qui donnent le sentiment d’un contrôle accru sur l’activité. Au-delà, dans certaines entreprises, la réduction du temps de travail n’ayant pas donné lieu à de nouvelles embauches, la pression sur les salariés s’est fortement accentuée. Le Haut-commissariat au Plan évoque ainsi un retour à une « forme de taylorisme contrôlé par des systèmes informatiques ».

Or l’autonomie est une composante du bien-être au travail comme l’est la reconnaissance de sa valeur au travail. Alors qu’en Allemagne, 75 % des salariés estiment que leur travail est reconnu à sa juste valeur, ils ne sont que 56 % en France à avoir ce sentiment. Cette conjonction de manque d’autonomie et de manque de reconnaissance peut avoir pour conséquence un mal-être au travail. De plus en plus de salariés font part de ce mal-être et 60 % des salariés considèrent que leur santé mentale peut être affectée par leur vie professionnelle.

Des tendances structurelles qui affectent la vie professionnelle

La désindustrialisation et le développement du numérique, notamment, ont polarisé le monde du travail entre les emplois très qualifiés et les emplois peu qualifiés au détriment des emplois moyennement qualifiés. La technologie et la mondialisation ont donné lieu à un partage entre ces deux espaces, les profils les plus qualifiés tirant un avantage de cette situation quand les profils les moins qualifiés se retrouvent enfermés dans la précarité.

Par ailleurs, la financiarisation accrue des économies fait la part belle au raisonnement à court-terme : il s’agit d’être rentable et cette préoccupation première n’est pas sans conséquence sur les conditions de travail qui sont guidées par des indicateurs de performance et des objectifs de rentabilité.

Ces éléments de constat et de diagnostic étant posés, le Haut-commissariat au Plan indique qu’ils doivent servir à mener une réflexion globale sur ce sujet.