Lettre de la DAJ – Soupçons de pratiques anticoncurrentielles et obligation d’enregistrement des entretiens – CJUE 9 mars 2023

Lors de ses enquêtes, la Commission européenne est tenue d’enregistrer tous les entretiens qu’elle mène, que l’entretien en cause ait lieu avant l’ouverture formelle d’une enquête, afin de collecter des indices d’une infraction, ou après, en vue de collecter des preuves d’une infraction.

Dans le cadre des affaires C-682/20 P, C-690/20 P, C-693/20 P, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a  annulé partiellement les arrêts du Tribunal et, en conséquence, les décisions de la Commission ordonnant des inspections dans les locaux  de plusieurs entreprises françaises du secteur de la distribution en raison des soupçons de pratiques anticoncurrentielles.

Ces affaires concernent l’injonction faite à des sociétés du secteur de la grande distribution de se soumettre à une série d’inspections conformément à l’article 20, paragraphes 1 et 4, du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil du 16 décembre 2002 relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence. En application des dispositions du règlement, les pouvoirs d’enquête de la Commission européenne sont étendus à des pouvoirs d’accès aux locaux, d’inspection, d’audition, d’enregistrement et de mise sous scellés.

En raison des soupçons de pratiques anticoncurrentielles, la Commission européenne a procédé à des visites dans les bureaux des sociétés concernées et des copies du contenu du matériel informatique ont été effectuées dans ces locaux. Les sociétés en cause contestent devant le Tribunal de l’Union européenne la légalité des décisions de la Commission ordonnant ces inspections en se fondant sur :

- l’exception d’illégalité de l’article 20 du règlement n° 1/2003, à savoir la méconnaissance du droit à un recours effectif, la violation du principe d’égalité des armes et des droits de la défense ;

- la méconnaissance de l’obligation de motivation ;

- la violation du droit à l’inviolabilité du domicile.

Dans le cadre de mesures d’organisation de la procédure, le Tribunal avait invité la Commission à produire les indices d’infractions présumées dont elle disposait à la date des décisions litigieuses.

Le 5 octobre 2020, le Tribunal a partiellement annulé les décisions contestées (affaires T-249/17, T-254/17, T-255/17).

Or, saisie par les entreprises qui arguaient notamment de l’irrégularité formelle des indices justifiant les inspections, la CJUE rappelle que la Commission est tenue d’enregistrer tous les entretiens qu’elle mène aux fins de collecter des informations relatives à l’objet de l’enquête menée par ses soins.

De plus, la Cour constate que cette obligation s’applique indépendamment de la question de savoir si les entretiens en cause ont eu lieu avant l’ouverture formelle d’une enquête, afin de collecter des indices d’une infraction, ou après, en vue de collecter des preuves d’une infraction.

Enfin, elle précise que la Commission peut enregistrer les entretiens sous toute forme, y compris la forme orale, en assurant ainsi l’efficacité et la célérité de l’enquête.