Lettre de la DAJ – Les règles nationales de prescription pénale doivent permettent une répression effective en cas de fraude aux intérêts financiers de l’Union européenne

Par un arrêt rendu en grande chambre le 24 juillet 2023, la Cour de justice de l’Union européenne, saisie d’une question préjudicielle (affaire C-107/23), a rappelé que les règles nationales de prescription pénale ne devaient pas entraîner un risque systémique d’impunité en cas de fraude ou de toute activité illégale qui porterait atteinte aux intérêts financiers de l’Union européenne.

La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a examiné, dans son affaire C-107/23 les règles nationales roumaines en matière de prescription pénale et rendu un arrêt en grande chambre le 24 juillet 2023.

Plusieurs ressortissants roumains ont été condamnés à des peines d’emprisonnement pour fraude fiscale, notamment pour fraude à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Ils ont saisi la cour d’appel de Brașov en invoquant la prescription de leur responsabilité pénale.

Les condamnés ont invoqué deux arrêts de la Cour constitutionnelle roumaine prononcés en 2018 et 2022 qui validaient une disposition nationale prévoyant les causes d’interruption du délai de prescription en matière pénale. A la suite de ces arrêts, pendant près de quatre ans, le droit roumain ne prévoyait aucune cause d’interruption du délai de prescription pénale ; ainsi, aucun acte de procédure n’avait d’effet interruptif de la prescription.

Les condamnés estimaient que cette absence de causes d’interruption de la prescription constituait une loi pénale plus favorable ; ils en réclamaient l’application rétroactive afin d’exclure le caractère interruptif des actes de procédure mis en œuvre avant 2018.

La cour d’appel de Brașov ayant des doutes sur la compatibilité d’une telle interprétation avec le droit de l’Union européenne, a saisi la CJUE d’une question préjudicielle.

La CJUE, dans son arrêt, indique que le droit de l’Union impose aux Etats membres de lutter contre la fraude ou toute activité illégale qui porterait atteinte aux intérêts financiers de l’Union. A ce titre, elle estime que les Etats membres doivent veiller à ce que les règles de prescription prévues en droit national permettent une répression effective des infractions.

Or, la Cour constate que les solutions adoptées par la Cour constitutionnelle de Roumanie engendraient un risque d’impunité pour les infractions liées à la lutte contre la fraude, incompatibles par conséquent avec le droit de l’Union. L’application rétroactive de l’absence de causes d’interruption à une période antérieure, au titre du principe du principe de la loi pénale plus favorable, renforce ce risque d’impunité.

La Cour ajoute que les juridictions nationales doivent laisser inappliquées la réglementation et/ou la jurisprudence nationales si celles-ci aboutissent à la prescription de la responsabilité pénale dans un nombre si élevé de cas de fraude grave portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union qu’en découle un risque systémique d’impunité.

La Cour note bien que cette obligation peut se heurter à la protection des droits fondamentaux ; elle considère dans ce cas que lorsqu’une juridiction doit contrôler la conformité aux droits fondamentaux d’une disposition nationale qui n’est pas entièrement déterminée par le droit de l’Union, elle peut appliquer des standards nationaux de protection de ces droits.