Lettre de la DAJ – Recevabilité d’un recours contre l’attribution d’un marché de la Commission européenne

L’absence de connaissance par le requérant de la procédure et de la publication d’une invitation à soumissionner ne fait pas obstacle à la reconnaissance de son intérêt à agir dès lors qu’il démontre agir sur le marché objet de la procédure. En outre, pour justifier de sa qualité pour agir, il doit prouver qu’il était en mesure de remplir les critères de sélection.

La Commission européenne, soumise au règlement UE 2018/1046 pour la passation de ses marchés, a conclu un marché public pour l’acquisition de robots de désinfection pour les hôpitaux de ses États membres à la suite de la mise en œuvre d’une procédure négociée sans publication préalable d’un avis de marché.

Les sociétés requérantes, qui n’ont pu candidater à la procédure en l’absence d’invitation à soumissionner, sollicitent devant le Tribunal de l’Union, parmi d’autres conclusions, l’annulation de la décision d’attribution du marché (TUE, 21 février 2024, Inivos Ltd, Inivos BB c. Commission européenne, Aff. T-38/21).

Après avoir rapidement constaté que la décision attaquée est un acte susceptible de recours, le Tribunal s’attarde davantage sur les autres conditions de recevabilité des conclusions.

D’abord, les requérantes doivent justifier de l’intérêt qu’elles ont à obtenir le marché.

À ce titre, le Tribunal considère que bien que la participation à la procédure permette en principe de justifier d’un tel intérêt, l’absence de participation à la procédure ne saurait être opposée aux requérantes dans le cadre d’une procédure négociée sans publication préalable d’un avis de marché à laquelle elles n’ont pas été invitées à soumissionner, dès lors qu’elles n’ont pu en avoir connaissance. Elles doivent toutefois justifier de leur intérêt à agir en démontrant qu’elles opèrent sur le marché faisant l’objet de la procédure.

Ensuite, après avoir reconnu que le robot produit par les sociétés requérantes correspond au produit décrit par la Commission dans l’avis d’attribution et ainsi déduit qu’elles disposent d’un intérêt à demander l’annulation de la décision d’attribution, le Tribunal examine la qualité pour agir des requérantes.

À cet égard, elles doivent démontrer qu’elles sont directement et individuellement concernées par la décision d’attribution attaquée.

Si la circonstance qu’elles soient directement affectées par la décision ne pose pas de difficultés, dès lors que les requérantes sont des opérateurs agissant sur le marché concerné par la procédure de laquelle elles ont été exclues en l’absence d’invitation à participer, la circonstance d’être individuellement concernée par l’attribution du marché implique de démontrer qu’elles appartiennent « à un cercle restreint de concurrents en mesure de soumettre une offre si [elles] avaient été invitées à participer à la procédure ».

Dans le cas du recours par le pouvoir adjudicateur à la procédure négociée sans publication préalable d’un avis de marché, l’opérateur, qui n’a pas été invité à participer à ladite procédure, doit démontrer qu’il était en mesure de remplir les critères appliqués par le pouvoir adjudicateur pour sélectionner les entreprises auxquelles envoyer une invitation à soumissionner.

En l’espèce, tel n’était pas le cas des sociétés requérantes, qui n’établissent, ainsi que l’exigeait la Commission pour la participation à la procédure, ni que leur capacité de production pouvait atteindre vingt robots par mois ni qu’elles ont déployé au moins dix robots dans les hôpitaux.

Par conséquent, le Tribunal rejette comme irrecevables les conclusions des requérantes tendant à l’annulation de la décision d’attribution du marché.