Lettre de la DAJ - Rapport du Sénat : transformer les ressources humaines des armées

Selon le rapport du Sénat sur les ressources humaines des armées, le ministère des Armées n’est pas parvenu à consommer l’intégralité de ses crédits de personnel, cette sous-consommation s’explique par le manque d’attractivité des forces armées auprès des jeunes et par la difficulté pour fidéliser les effectifs.

Le rapport d’information du Sénat du 22 mars 2023 analyse les moyens susceptibles d’améliorer la gestion des ressources humaines dans les armées. A l’issue d’un cycle d’auditions avec des responsables RH, les rapporteurs du Sénat ont identifié plusieurs points d’attention dans l’objectif de la programmation militaire 2024-2030.

1/ Une mutation profonde du modèle et du format des armées

La professionnalisation des armées décidée à la fin des années 1990 et les économies budgétaires engagées à la fin des années 2000 ont contribué à une réduction rapide et substantielle du nombre de personnels des armées entre 1997 et 2015.

La loi de programmation militaire 1997-2002 a organisé la transition vers une armée de métier en prévoyant la substitution progressive de professionnels aux appelés. A l’issue de la période de transition, à la fin de l’année 2002, les effectifs des forces armées ont été réduits de 29 % soit une suppression de 137 000 postes en seulement cinq ans.

Cependant, la dégradation récente du contexte sécuritaire a renforcé la nécessité de mettre en cohérence le format de ressources humaines des armées avec nos ambitions stratégiques. C’est pourquoi la loi de programmation militaire 2019-2025 a confirmé la dynamique de redressement relatif des effectifs du ministère des armées en prévoyant la création de 6 000 équivalents temps plein (ETP) en sept ans.

Selon le rapport, les armées ont fait l'objet d'une profonde mutation depuis 25 ans. Le service militaire a été supprimé en 1996. L'effort de la nation est passé en 60 ans de 6,5 % à 2 % du PIB ; la diminution a été de 50 % ces 25 dernières années. Quant aux effectifs, ils étaient de 276 000 en 2014 contre 330 000 en 2004, soit une diminution de 25 % en 10 ans.

2/ La fidélisation des personnels est un enjeu déterminant pour permettre aux armées de disposer des compétences en adéquation avec leur contrat opérationnel.

Au-delà du défi chronique que représente le recrutement annuel d’environ 40 000 personnes chaque année par le ministère des armées, l’un des enjeux principaux rencontrés par le ministère consiste à rester attractif aux yeux de ses agents pour assurer la fidélisation des personnels civils et militaires des armées.

De manière générale, les armées sont confrontées à un raccourcissement de la durée des contrats des nouveaux recrutés. L'armée de terre enregistre ainsi une nette diminution des contrats de cinq ans, qui sont passés de 77,7 % en 2014 à 60,3 % en 2017, soit une baisse de plus de 20 %. Dans le même temps, les contrats longs - ceux de plus de huit ans - qui représentaient jusqu'à aujourd'hui en moyenne 3,2 % de l'ensemble, sont passés en 2017 à 0,5 %.

3/ L’actualisation des grilles indiciaires et la poursuite du plan « famille » constituent deux leviers de fidélisation des personnels des armées

Les rapporteurs relèvent à la suite de plusieurs auditions que l’évolution des grilles indiciaires des militaires s’est traduite par un phénomène de tassement sur plusieurs années, ce qui limite les incitations à la progression et, partant, fragilise la fidélisation des militaires.

En outre, de nombreux départs des forces armées s’expliquent moins par la volonté de quitter l’institution militaire que par le poids que les sujétions militaires font peser sur la vie personnelle et familiale des militaires. La Marine nationale estimait en 2017 que le taux de chômage était de 32 % pour les conjoints de marins dans l’année qui suit une mobilité.

Enfin selon les rapporteurs, la réforme des retraites est également susceptible de fragiliser l'ensemble du modèle RH des armées. Selon les personnes auditionnées, en plus de constituer une compensation indispensable aux sacrifices des « plus belles années de leur vie » par les militaires, le régime actuel de retraite est nécessaire pour répondre aux exigences d'une gestion de flux des RH militaires. Sa fragilisation serait donc susceptible de mettre ce modèle d'armée, reposant sur des effectifs jeunes, en péril, alors même que le nombre de militaires quittant le service sans droit à pension a d'ores et déjà augmenté ces dernières années.