Dans son rapport publié le 27 avril 2023, la Cour analyse dans quelle mesure les administrations mobilisées sur la politique du logement sont susceptibles de faire usage des comparaisons européennes pour asseoir leurs décisions et propositions d’action en la matière.
La France se caractérise par une politique du logement particulièrement interventionniste et singulière à l’échelle européenne. Il n’en demeure pas moins qu’elle est confrontée à des problèmes similaires à ceux rencontrés dans les autres Etats membres de l’Union européenne, notamment en ce qui concerne les zones tendues. La Cour des comptes constate que les administrations françaises sont peu enclines à recourir au parangonnage européen en matière de politique du logement alors même que cette dernière est particulièrement influencée par les décisions de l’Union européenne, bien que l’Union n’ait pas de compétence propre en matière de logement. La Cour des comptes incite donc les administrations françaises à initier une telle démarche dans l’optique d’une harmonisation européenne des indicateurs du logement.
Les administrations françaises ne font pas assez usage des comparaisons européennes pour piloter la politique du logement
La politique du logement mobilise 40 milliards d’euros en France soit environ 1,6% de son PIB. La Cour des comptes souligne que l’usage des comparaisons européennes permettrait à la France d’améliorer l’efficience de cette dépense. En l’état, les comparaisons des pratiques des pays de l’Union européenne ne sont réalisées que par des organismes internationaux, des fédérations professionnelles du secteur du logement ou des experts. Le secteur privé occupe une place prépondérante dans ces comparaisons. Pourtant, les administrations françaises produisent des statistiques y compris en matière de logement. La France est également dotée d’administrations, à l’instar de la direction des relations internationales (DRI) qui est rattachée à la direction générale des finances publiques (DGFiP), dont la fonction est de faciliter le travail d’harmonisation et de mise aux normes internationales. La DRI le fait en matière de gestion financière et de fiscalité, y compris en matière de logement. Cependant, la production d’analyses comparées manque. De même, les administrations publiques françaises chargées des statistiques ou du logement utilisent relativement peu les comparaisons européennes réalisées, dans ce domaine, par des organismes internationaux (OCDE et BCE notamment).
Les administrations françaises doivent davantage s’inspirer des pratiques étrangères pour améliorer l’efficience de la politique du logement
La Cour des comptes souligne que la France dispose d’un modèle singulier et propre en matière de politique du logement se caractérisant par un fort niveau d’aides aux personnes, un accès généraliste au logement social et un accès au crédit logement régulé. Toutefois, elle est confrontée à des problèmes similaires à ceux des autres Etats membres de l’Union européenne, à savoir un manque de logements, une inflation des prix du logement, un déficit de performance énergétique des logements et une augmentation du nombre de sans-abris de longue durée.
Les politiques de l’Union influent sur la politique du logement française, ne serait-ce que par le truchement des taux d’intérêts pratiqués par la BCE, lesquels impactent ceux pratiqués par les banques commerciales, ou par la politique environnementale européenne, le logement concourant à la production d’émissions de gaz à effet de serre. Sous réserve d’une harmonisation européenne des indicateurs du logement, la France pourrait se rendre compte des effets comparés des politiques européennes dans chaque Etat membre. Ainsi, les conséquences des projets d’évolution de la politique du logement française pourraient être mieux documentées, ce qui permettrait aux administrations publiques de les modifier pour mieux atteindre leurs objectifs.
Une harmonisation européenne des indicateurs du logement favoriserait les comparaisons entre pays
Cette absence d’harmonisation au niveau européen résulte du fait que les politiques publiques en matière de logement relèvent de la compétence des Etats. De ce fait, le périmètre des informations que peuvent transmettre les Etats aux organismes internationaux établissant des comparaisons peut différer d’un Etat à l’autre. L’absence d’homogénéité dans les définitions utilisées est également une entrave aux comparaisons et nécessite un travail de retraitement ou de contextualisation.
La Cour considère que les organismes statistiques et les administrations en charge de la politique du logement en France doivent favoriser cette harmonisation afin de mieux éclairer les débats, parlementaires notamment, qui entourent cette politique.
Des institutions développent et proposent des banques de données en matière de logement, à l’instar de l’OCDE qui propose une plateforme dédiée au logement abordable ainsi qu’un portail traitant des aspects économiques, sociaux et environnementaux du logement. Toutefois, selon la Cour, ces données sont incomplètes, car elles ne renseignent pas sur les « niveaux institutionnels impliqués en matière de logement ni sur la répartition des compétences, sur le contexte macro-économique des politiques nationales ou encore sur la répartition des ménages bénéficiaires de l’intervention publique. »
Une intervention des administrations en charge de la politique du logement dans le sens d’une plus grande harmonisation des données ainsi que des indicateurs de mesure et d’évaluation des politiques du logement faciliterait les comparaisons à l’échelle européenne.