La Cour des comptes a publié le 13 avril 2023 son rapport sur le budget de l’Etat en 2022, année marquée par une nouvelle augmentation des dépenses qui ne s’explique pas uniquement par l’inflation. Le rapport montre également le dynamisme des recettes fiscales qui n’a cependant pas été l’occasion de réduire le déficit public qui se maintient à un niveau élevé.
La Cour des comptes a rendu public le 13 avril 2023 son rapport sur le budget de l’Etat en 2022 ainsi que 64 analyses de l’exécution budgétaire sur différentes politiques publiques, telles que l’action extérieure de l’Etat, les engagements financiers de l’Etat ou la gestion de la dette et de la trésorerie de l’Etat en 2022.
La Cour des comptes relève que le déficit budgétaire de l’Etat en 2022 s’établissait à 151,4 milliards d’euros : même si ce chiffre est moins élevé qu’en 2021, il demeure néanmoins largement supérieur à celui de l’exercice 2019. L’année 2022 a en effet été marquée par l’inflation et le conflit en Ukraine, qui ont rendu nécessaire des adaptations budgétaires en cours d’année. Ainsi, un décret d’avance et deux lois de finances rectificatives ont été nécessaires afin d’ouvrir des crédits supplémentaires (47,3 milliards d’euros au total).
La Cour des comptes estime que la situation financière de la France est préoccupante à au moins quatre égards.
La progression continue des dépenses de l’Etat
La Cour des comptes montre dans son rapport que les dépenses de l’Etat ont significativement augmenté en 2022, malgré la baisse des dépenses liées à la crise sanitaire ou au plan de relance.
En effet, les dépenses nettes[1] du budget général en 2022 s’établissaient à 445,7 milliards d’euros soit une hausse de 4,4 % par rapport à l’exercice précédent. L’ensemble des mesures prises pour soutenir les ménages et les entreprises dans le contexte de forte inflation a coûté 11,1 milliards d’euros au total à l’Etat (remises successives sur les prix des carburants, boucliers tarifaires sur le gaz et l’électricité, chèque énergie exceptionnel).
Les dépenses de personnel de l’Etat se sont établies à 138,8 milliards d’euros pour l’année 2022, soit une hausse de 3,1 % à champ constant malgré la légère baisse des effectifs. Le rapport note qu’en effet, l’année 2022 a été marquée par une baisse des effectifs, principalement concentrée sur le ministère de l’Education nationale et le ministère des Armées. La hausse du point d’indice de la fonction publique de 3,5 % au 1er juillet 2022 a été chiffrée à 2,2 milliards d’euros par la Cour des comptes.
Si le contexte inflationniste et le conflit ukrainien expliquent une partie de la hausse des dépenses, la Cour des comptes démontre qu’une partie de celle-ci ne s’explique pas par la conjecture. En effet, la croissance des autres dépenses qui ne relèvent pas de plans particuliers est de 31 milliards d’euros pour 2022.
Le dynamisme des recettes fiscales non employé à la réduction du déficit public
La Cour des comptes note que pour la deuxième année consécutive, les recettes fiscales ont été très importantes et atteignent même des niveaux historiques de rendement. La Cour note en effet que le total des recettes nettes du budget général (y compris fonds de concours et attributions de produits) s’élevait à 287,5 milliards d’euros en 2022 après déduction des prélèvements sur recettes pour les collectivités territoriales et l’Union européenne. Ce montant est largement supérieur à ce qui était prévu dans la loi de finances initiales pour 2022 (+ 35,7 milliards d’euros) et plus élevé qu’en 2021.
Cette augmentation s’explique en grande partie par la croissance des entreprises entre 2020 et 2021 qui a eu un impact sur les recettes d’impôt sur les sociétés en 2022. Les baisses d’impôts intervenues en 2022 (baisse de la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité – TICPE –, transfert supplémentaire de la taxe sur la valeur ajoutée – TVA – aux organismes de l’audiovisuel public) n’ont pas mis à mal cette dynamique.
Les recettes non fiscales de l’Etat se sont quant à elles élevées à 23,9 milliards d’euros en 2022, un chiffre plus élevé que la prévision en loi de finances initiale. Cette hausse s’explique par le versement de la part de l’Union européenne du deuxième paiement au titre de la Facilité pour la reprise et la résilience (FERR).
Le coût des dépenses fiscales a atteint 94,2 milliards d’euros en 2022 (en augmentation de 4,6 milliards d’euros) notamment en raison de la forte hausse du coût du régime de taxation forfaitaire au tonnage des entreprises de transport maritime. La Cour des comptes a rappelé que les dispositifs prévus pour limiter le nombre et le coût des dépenses fiscales n’étaient pas mis en œuvre. Pourtant, la loi de finances initiales pour 2020 prévoyait d’évaluer l’efficacité de l’ensemble de ces dispositifs ; à ce jour, seules trois évaluations ont été menées.
La Cour des comptes déplore que ce surplus de recettes ne permette pas d’engager une réduction du déficit public.
Le rapport de la Cour des comptes note que les transferts de l’Etat au profit des collectivités territoriales ont atteint 107,7 milliards d’euros en 2022, soit une augmentation de 2,4 % par rapport à l’année précédente mais une baisse de 5,8 % par rapport à 2020. Le prélèvement sur recettes en faveur de l’Union européenne (principale contribution de la France au budget européen) a atteint 24,23 milliards d’euros soit une baisse de 2,1 milliards d’euros par rapport à 2021. Il s’agit néanmoins d’une baisse ponctuelle qui ne modifie pas la tendance haussière suite au Brexit. En effet, les prélèvements sur recettes devraient atteindre 28,5 milliards d’euros en 2027.
Le niveau élevé de déficit de l’Etat entraine une augmentation de la charge de la dette
Le solde budgétaire de l’Etat en 2022 était de – 151,4 milliards d’euros, soit 5,7 % du produit intérieur brut (PIB). Si ce solde s’est amélioré par rapport à 2021, il se situe à un niveau très proche de celui estimé en loi de finances initiale malgré deux écarts de prévision importants : d’une part, la hausse des recettes (+ 43 milliards d’euros) plus que compensée par une hausse des dépenses en exécution (+ 47,5 milliards d’euros).
Le niveau de déficit en 2022 a engendré un accroissement de l’endettement de l’Etat (+ 24 % en trois ans). La Cour des comptes démontre dans son rapport que la charge de la dette a augmenté de 13,2 milliards d’euros entre 2021 et 2022 alors que pendant les dix dernières années, elle était stable voire tendait à diminuer. La Cour alerte sur le fait que cette hausse est causée par l’inflation, qui s’est traduite par une augmentation de la provision pour charge d’indexation. La hausse des taux d’intérêt entraînera quant à elle une nouvelle augmentation de la charge de la dette à partir de 2023.
La budgétisation d’enveloppes sous-consommées en cours d’exercice budgétaire
La Cour des comptes remarque dans son rapport que la pratique consistant à constituer des enveloppes budgétaires utilisables à tout moment s’est maintenue alors même qu’elle était au départ utilisée dans le cadre des dépenses liées à la crise sanitaire. La Cour des comptes note également de nombreux reports de crédits de 2021 sur 2022 (23,2 milliards d’euros).
Elle alerte sur ces entorses aux principes d’annualité et de spécialité budgétaire. Elle estime également que ces pratiques nuisent à la lisibilité des lois de finances et affectent la portée de l’autorisation parlementaire.
[1] Si les dépenses brutes du budget général incluent les remboursements et dégrèvements, les dépenses nettes sont obtenues après retranchement de ceux-ci.