L’intelligence artificielle (IA) est devenue une priorité croissante des Etats en raison de ses multiples implications dans l’économie du futur. La France s’est dotée d’une stratégie en 2018 afin de renforcer sa compétitivité et son attractivité dans ce domaine. La Cour des comptes propose dans son rapport d’examiner cette stratégie nationale de recherche sur les volets « recherche » et « enseignement supérieur ».
La Cour des comptes a publié le 3 avril 2023 une « évaluation in itinere » de la stratégie nationale pour l’intelligence artificielle (SNIA). L’intelligence artificielle peut être définie comme la capacité à reproduire l’intelligence humaine par l’utilisation de l’informatique et des mathématiques.
Cette nouvelle technologie a aujourd’hui des applications multiples qui sont sources d’innovation et de gains de productivité dans de nombreux secteurs. Les investissements économiques en faveur de cette technologie sont en augmentation constante depuis les années 2010. Pour autant, l’intelligence artificielle (IA) n’est pas dénuée de questions éthiques et notamment en matière de protection des droits des citoyens.
Dès lors, de nombreux Etats se sont dotés de plans nationaux pour encourager le développement de l’IA et demeurer dans les pays à la pointe de cette technologie. En France, une stratégie nationale pour l’intelligence artificielle (SNIA) a été lancée en mars 2018 afin de positionner la France comme l’un des acteurs phares en IA au niveau international. Une nouvelle phase de la SNIA a été annoncée en novembre 2021 pour la période 2022-2025 et ce, afin de renforcer la compétitivité et l’attractivité de la France dans ce domaine.
Le rapport de la Cour des comptes propose de se concentrer sur les volets « recherche » et « enseignement supérieur », principaux volets en matière de financement dans la SNIA.
Le rôle prépondérant donné à la recherche sur l’IA qui n’a pas encore totalement aboutie
L’IA constitue à la fois un enjeu de souveraineté nationale et européenne et une technologie d’avenir déterminante pour la compétitivité des entreprises. La France a été l’un des premiers pays dans le monde à se doter d’un plan en faveur de l’IA, principalement axé sur la recherche. L’OCDE souligne que cette priorité a été retenue par de nombreux Etats dans un triple objectif d’accroître le nombre de chercheurs et de diplômés, de renforcer les capacités de recherches en IA et d’appliquer les résultats de ces recherches dans les secteurs public et privé.
En effet, pour la période 2018-2022, la recherche s’est vue attribuée une enveloppe de 30 % des financements de la SNIA et a en outre fait l’objet d’un plan dédié (stratégie nationale de recherche en intelligence artificielle ou SNRIA).
Le secteur de la recherche a également pu bénéficier de financements européens dans le cadre du programme Horizon 2020 pour la période 2014-2020. La France a obtenu une part significative de cette enveloppe européenne.
La Cour des comptes recommande de renforcer la visibilité des outils financiers mis à disposition de cette technologie. En effet, plus de 80 % des crédits distribués l’ont été via des instruments financiers de courte durée (type appels à projets), faisant ainsi courir un risque de rupture dans la formation des jeunes chercheurs ou la poursuite de programmes de recherche.
La Cour constate que la France est assez performante en matière de recherche en IA puisqu’elle se place au dixième rang à l’échelle mondiale en nombre de publications en IA. Pour autant, l’efficience de la recherche en IA n’est pas suffisante : si le lancement de la stratégie en IA en 2018 était nécessaire pour éviter à la France de décrocher de la compétition mondiale, les effets de cette politique publique en termes de production scientifique ne sont pas encore advenus. Il convient néanmoins de relativiser ce premier constat dans la mesure où le temps de recherche est long.
Un écosystème d’excellence dont la pérennité doit être garantie
La SNIA se fonde sur des laboratoires de recherche qui doivent être structurés pour faire émerger des pôles d’excellence capable de faire rayonner la recherche de l’IA française à l’échelle internationale.
La SNRIA a consisté à labelliser des instituts interdisciplinaires en intelligence artificielle (3IA). Quatre établissements ont ainsi été sélectionnés[1]. De plus, des centres d’excellence ont été constitués : il s’agit de centres de recherches complémentaires rassemblant des petites équipes de chercheurs qui disposent d’une expertise de haut niveau sans toutefois être intégrées à des centres disposant d’une taille permettant un rayonnement international.
Les instituts 3IA doivent financer au moins deux tiers de leur activité par des moyens propres et des apports industriels, les financements publics étant quant à eux alloués sur une durée de quatre ans. Or, la Cour des comptes juge cette durée trop courte au regard du temps nécessairement long de la recherche en IA. En outre, ce modèle peut pénaliser le financement de doctorats d’une durée de trois ans en règle générale lorsque l’échéance des quatre ans approche.
Le rapport de la Cour des comptes démontre qu’il est nécessaire de renforcer la communauté de recherche en IA et notamment d’assurer un nombre suffisamment important de jeunes chercheurs formés en capacité de mener des recherches dans le domaine. La SNRIA visait d’ailleurs le doublement du nombre de docteurs formés en IA. L’analyse menée par la Cour des comptes montre que la mise en œuvre de la SNIA a été effectivement concomitante avec l’augmentation du nombre de thèse en IA.
La stratégie d’accélération en IA
Si les politiques publiques mises en place depuis 2018 ont évité à la France de décrocher de la compétition mondiale en matière d’IA, elles n’ont néanmoins pas encore permis de placer la France comme leader de ce secteur. Le second volet de la stratégie nationale de recherche vise donc à accélérer la recherche en IA, notamment via la formation des talents. Une enveloppe de 776 millions d’euros a été dédiée à cet objectif (dont 500 millions pour un « volet excellence »).
La Cour des comptes constate pourtant que la France dispose d’un nombre trop limité de formateurs publics de haut niveau pour tenir les ambitions affichées. La Cour pointe notamment une tension entre investissement dans l’enseignement et développement de l’excellence de la recherche.
Afin de faire monter en puissance la recherche en IA, la SNRIA prévoyait un renforcement des collaborations internationales et notamment une coopération accrue avec l’Allemagne. De plus, dans le cadre du plan européen pour l’IA, des programmes budgétaires ont été ouverts afin de soutenir la recherche en IA (« Horizon Europe » et « Pour une Europe numérique » notamment).
La stratégie d’accélération de la recherche en IA a été élaborée en tenant compte des objectifs des plans européens. La Cour des comptes encourage la France à capitaliser encore davantage sur les programmes menés par l’Union européenne.
[1] 3IA Côte d’Azur à Nice, porté par l’Université Côte d’Azur (UCA), ANITI (Artificial and Natural Intelligence Toulouse Institute) à Toulouse, porté par l’Université fédérale de Toulouse Midi-Pyrénées (UFTMiP), MIAI (Multidisciplinary Institute in Artificial Intelligence) à Grenoble, porté par l’Université de Grenoble Alpes (UGA) et PRAIRIE (PaRis Artificial Intelligence Research InstitutE) à Paris, porté par Paris Sciences et Lettres (PSL) et Paris Cité.