Lettre de la DAJ – Rapport de la Cour des comptes sur la politique d’installation des nouveaux agriculteurs

Le nombre d’exploitants agricoles diminue de façon constante depuis plusieurs décennies, tout comme le nombre d’exploitations agricoles. L’enjeu du renouvellement des générations ne se limite pas à un aspect démographique et dépend aussi d’enjeux environnementaux et d’aménagement du territoire. La Cour des comptes a publié le 12 avril 2023 une étude relative à la politique d’installation et de transmission des exploitations agricoles tenant compte de ces enjeux.

La Cour des comptes a été saisie le 18 janvier 2022 par le président de la Commission des finances du Sénat d’une demande d’enquête portant sur l’installation des agriculteurs, conformément à l’article 58 alinéa 2 de la loi organique du 1er août 2020 relative aux lois de finances (LOLF). La Cour des comptes a rendu publique le 12 avril 2023 son enquête portant sur les politiques d’installation des nouveaux agriculteurs et de transmission des exploitations agricoles.

Cette étude tient compte du nouveau programme de la politique agricole commune (PAC) 2023-2027 ainsi que du transfert aux régions de la gestion des aides à l’installation et à l’investissement cofinancés par l’Etat et le fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER). Pour mémoire, la PAC est la première politique mise en œuvre par la Communauté européenne et demeure la politique budgétairement la plus importante du budget de l’Union européenne. Elle est organisée en deux « piliers » : le soutien des marchés et des revenus agricoles (aides directes) et la politique de développement rural (fonds cofinancés par l’Union européenne et les Etats membres).

Les enjeux du renouvellement des générations

Le déclin de la population active agricole est ancien et se poursuit encore : ainsi, la population des exploitants est passée de 764 000 à 496 000 entre 2000 et 2020. Le nombre d’exploitations agricoles est également en baisse et se situait à 389 000 en 2020.

Nombre d'exploitants par catégorie d'élevage
Source : Recensement agricole (RA) 2020 - Agreste données en ligne

En revanche, la taille des exploitations a augmenté, passant de 42 hectares en moyenne en 2000 à 69 hectares en moyenne vingt ans après. Le modèle de l’exploitation agricole évolue également en raison du plus grand recours au salariat et à la main d’œuvre externalisée. Pour autant, le modèle d’exploitation familiale demeure majoritaire.

Les différentes évolutions constatées se poursuivront encore pendant plusieurs années en raison du vieillissement de la population des agriculteurs. En effet, 43 % des exploitants sont aujourd’hui âgés de 55 ans ou plus.

Au niveau national, la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt a renforcé les moyens consacrés à la politique d’installation et de transmission, qui, au-delà du simple enjeu démographique, permet d’intégrer des enjeux d’aménagement du territoire et de développement durable. Au niveau européen, la PAC pour 2023-2027 contient un objectif visant à « attirer et soutenir les jeunes agriculteurs et les autres nouveaux agriculteurs et faciliter le développement durable des entreprises dans les zones rurales ». Ainsi, chaque Etat membre doit consacrer au moins 3 % des crédits des deux piliers (soutien et développement) au soutien des jeunes exploitants de moins de 40 ans (soit 226 millions par an pour la France).

Les instruments d’aide à l’installation insuffisamment mis en œuvre et trop ciblés

Le soutien à l’installation et au démarrage de l’activité des agriculteurs est basé sur deux types de dispositifs :

  • d’une part, le programme d’accompagnement à l’installation et à la transmission en agriculture (AITA) : ce programme, mis en œuvre par l’Etat, les régions et les opérateurs labellisés, a pour objectif d’informer tous les candidats à l’installation, de les aider à préparer leur projet et de compléter leur formation pour les aider à mieux démarrer leur activité. Il est accessible sans critères d’âge. La Cour des comptes juge que ce programme souffre de lacunes, notamment parce qu’il ne représente pas suffisamment les différents types d’agriculture et qu’il ne propose pas de formations suffisamment individualisées ;
  • les aides directes ou indirectes aux nouveaux installés : les aides fiscales, prévues au niveau régional, national ou européen, sont ciblées sur les jeunes installés de moins de 40 ans. En effet, ces actifs peuvent bénéficier de diverses aides directes, exonérations fiscales et sociales. La Cour des comptes estime que ces aides ne remplissent pas nécessairement leurs objectifs notamment parce qu’un tiers des installations concernent des personnes de plus de 40 ans qui ne peuvent prétendre qu’à 9 % des aides publiques consacrées à l’installation. Le rôle des régions sera renforcé dans le cadre de la mise en œuvre de la PAC 2023-2027 : en effet, selon un accord conclu avec l’Etat, les régions deviennent compétentes pour l’ensemble du processus d’aides directes ou indirectes (demande, paiement, contrôle, déchéance des aides).

La transmission des exploitations à mieux orienter vers des exploitations durables

La Cour des comptes regrette que les aspects patrimoniaux individuels représentent une question centrale lors de la transmission d’une exploitation agricole. Selon elle, ces cessions devraient être l’occasion de s’interroger sur la transformation éventuelle de l’exploitation. En effet,  le renouvellement des générations coïncide avec un renouvellement des méthodes de production qui doivent être accompagnés par les politiques publiques.

La Cour note également que le volet transmission des exploitations est peu connu : en effet, hormis les mesures fiscales, les mesures financières incitatives sont peu utilisées par les agriculteurs. Les actions de conseil et d’information sont néanmoins davantage sollicitées.

L’ensemble des outils ayant trait à la transmission relève de la compétence de l’Etat, des chambres d’agriculture et de la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole. Le renforcement des régions doit conduire à concevoir un nouveau schéma répartissant mieux les rôles de chacun.