Le ministre de la Transformation et de la Fonction publiques a confié à trois parlementaires une mission visant à expertiser les mesures permettant de faciliter et d’améliorer l’exploitation des données par les collectivités territoriales : leur rapport vient d’être publié.
Par une lettre du 12 avril 2023, le ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, Stanislas Guerini, a confié à trois élus une mission relative à l’utilisation des données par les collectivités territoriales. L’objectif fixé par le ministre était de répondre à la question suivante : comment faciliter l’exploitation des données par les collectivités territoriales ? Le rapport remis le 15 septembre 2023 vient d’être rendu public.
Les diagnostics de la mission
La mission montre tout d’abord que les collectivités territoriales ont besoin de maintes données pour administrer leur territoire (planification, pilotage de politiques publiques, évaluation…) et produisent des données pour leur usage propre, pour l’usage de tiers ou pour les deux. Les données administratives qu’elles collectent présentent parfois un caractère personnel (services d’état civil par exemple).
Les collectivités territoriales de plus de 3 500 habitants et 50 agents publics doivent respecter le principe d’open data (16 % seulement des 5 000 collectivités concernées rempliraient leurs obligations). Pour autant, la maturité des collectivités sur ce sujet progresse et constitue souvent le premier jalon vers la prise de conscience de l’importance de la donnée.
Si la dynamique est bien enclenchée, la mission note qu’une disparité subsiste en fonction de la taille des collectivités : plus de 43 % des communes de 80 000 à 100 000 habitants sont engagées dans l’open data, tandis que seules 12 % des communes de 10 000 à 20 000 habitants ont publié des données. Cette différence s’explique notamment par le manque de ressources et de compétence en interne.
La mission note également que la remontée de données des collectivités territoriales vers l’Etat prend du temps et représente une charge importante, alors que la concertation sur les modalités et les finalités de la collecte des données est insuffisante.
En matière de données territoriales, les actions étatiques sont nombreuses, tout comme les acteurs, alors même que la circulaire du Premier ministre du 27 avril 2021 avait désigné le ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités et son opérateur, l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), comme chargés d’animer la coopération en matière de circulation de la donnée entre État et collectivités. Dans les faits, une part importante de l’animation est réalisée par la DINUM.
Enfin, le cadre juridique européen va ouvrir de nouvelles opportunités pour les collectivités locales mais nécessitera un accompagnement des acteurs publics locaux non seulement dans la connaissance mais aussi dans la mise en œuvre de ce nouveau cadre.
Les solutions proposées par la mission
La mission propose un ensemble de solutions sur trois axes principaux.
Mettre en place une gouvernance de la donnée territoriale
La mission confirme que la gouvernance actuelle est peu lisible ; les actions de l’État apparaissent en effet dispersées et parfois redondantes. La mission recommande donc de mettre en place des instances de gouvernance au niveau national et au niveau territorial, sous la forme de comités territoriaux de la donnée.
En parallèle, la mission estime qu’une meilleure acculturation de la donnée au sein des acteurs publics permettrait de développer des initiatives. Pour cela, il semble nécessaire d’assouplir les conditions d’accès à la formation en données pour les agents publics.
La mission note également que les citoyens ne sont pas suffisamment associés aux initiatives locales ou nationales en matière de données. Un programme d’acculturation à large échelle sur les enjeux des données (à l’instar de ce que le Gouvernement finlandais a réalisé) permettrait de former 10 % de la population française sur ces sujets.
Faciliter l’accès, le partage et l’utilisation des données
La mission propose notamment de prioriser l’ouverture des données au niveau local par la demande mais aussi par leur dimension stratégique, en confiant aux instances de gouvernance nationales et territoriales l’identification des priorités mais aussi des ressources associées.
La mission appelle à la création d’un dialogue entre l’Etat et les collectivités territoriales ; pour cela, il semblerait pertinent de créer un programme d’échanges entre les agents territoriaux et ceux de l’Etat afin de mieux connaître les enjeux réciproques entre l’échelon local et national.
Permettre le passage à l’échelle et promouvoir des logiques de collaboration et de mutualisation
La mission estime pertinent de standardiser des initiatives existantes notamment quand celles-ci sont réalisées de façon collaborative. La mission recommande un changement de méthode en matière de soutien des initiatives des territoires : si l’appel à projets constitue actuellement la première modalité d’action de l’Etat et de ses opérateurs, celle-ci n’est pas optimale car elle constitue une sorte de « mise en compétition » entre collectivités. Il conviendrait donc de préférer des appels à projets communs.
Au-delà, la mission recommande de mettre en place un nouveau mécanisme de financement s’inspirant de celui existant pour la recherche ; il s’agirait de prélever, sur chaque projet d’innovation, une somme permettant de financer des actions de mutualisation ou de compléter des programmes d’innovation portés par l’Etat.