Conformément aux dispositions combinées des articles L. 2141-10 et L. 2142-1 du code de la commande publique, un pouvoir adjudicateur peut imposer aux candidats des conditions de participation visant à garantir que les candidats disposent des capacités professionnelles nécessaires à l'exécution du marché qui peuvent consister à exclure de la procédure tout opérateur qui se trouve dans une situation de conflit d'intérêts pouvant avoir une incidence négative sur l'exécution du marché.
Dans le cadre de la passation d’un accord-cadre à bons de commande ayant pour objet des prestations de missions de travail aérien et de transport public sur l'ensemble du territoire de la Guyane, l’Office national des Forêts (ONF) a décidé de contraindre les modalités de candidature à cette procédure, en prévoyant au sein du règlement de la consultation que « les opérateurs économiques ayant un lien organique ou capitalistique avec une personne physique et/ou morale exerçant une activité professionnelle, soit d'exploitation du sol ou du sous-sol (extraction minière notamment), soit étroitement liée à ce secteur d'activité, ne peuvent pas candidater à la présente consultation ». Candidate évincée de cette procédure à raison de la mise en œuvre de l’article précité du règlement de la consultation, la société Héli-Cojyp a contesté la régularité juridique de ce mécanisme d’exclusion, en saisissant le juge du référé précontractuel. Le tribunal administratif de Guyane a fait droit à sa requête en enjoignant « à l'ONF de supprimer cette clause des documents de la consultation, d'informer les opérateurs économiques intéressés de cette modification et d'ouvrir un nouveau délai de réception des offres ».
Saisi d’un pourvoi en cassation par l’ONF, le Conseil d’Etat a annulé l’ordonnance attaquée en considérant, contrairement au juge de première instance qui a commis une erreur de droit sur ce point, que l’article en cause du règlement de la consultation ne constitue pas une condition d’exécution du marché mais bien une condition de participation à la procédure au sens de l’article L. 2142-1 du code de la commande publique, dont il résulte « qu'un pouvoir adjudicateur peut considérer qu'un opérateur économique ne possède pas les capacités professionnelles requises lorsqu'il a établi que l'opérateur économique se trouve dans une situation de conflit d'intérêts qui pourrait avoir une incidence négative sur l'exécution du marché ».
Au regard de ces dispositions, le Conseil d’Etat considère ainsi que cet article, « qui vise à exclure des candidats de la consultation, a pour objet d'assurer l'indépendance de l'attributaire du marché et de ses pilotes vis-à-vis des entités ou activités susceptibles d'être contrôlées dans le cadre de l'exécution de ce marché ». Cette contrainte procédurale « doit ainsi être regardée comme une condition de participation à la procédure de passation propre à garantir les capacités professionnelles des candidats nécessaires à l'exécution du marché, au sens des dispositions de l'article L. 2142-1 du code de la commande publique » et non comme une « condition d'exécution du marché lui-même », qui serait « soumise à ce titre aux dispositions de l'article L. 2112-2 du même code ».
Réglant ensuite l’affaire au fond et après avoir rappelé les dispositions de l’article L. 2141-10 du code de la commande publique relatives à la prévention des conflits d’intérêt dans le cadre d’une procédure de passation, le Conseil d’Etat estime en l’espèce que les conditions de participation litigieuses étaient justifiées dès lors qu’elles ne sont « ni manifestement dépourvues de lien avec l'objet du marché ni manifestement disproportionnées ». Il relève en effet que « le marché en cause porte sur la réalisation de missions héliportées, comptabilisées en heure de vol, ayant notamment pour objet la surveillance des activités minières légales et illégales, et que la bonne exécution de ces missions impose des exigences de confidentialité et d'indépendance des pilotes vis-à-vis notamment des personnes susceptibles de faire l'objet de cette surveillance ».
Par conséquent, le Conseil d’Etat en conclut que le motif d’exclusion en cause ne saurait être constitutif « d'un manquement de l'ONF aux principes d'égalité de traitement des candidats et de libre accès à la commande publique ou à ses obligations de publicité et de mise en concurrence ».
Il rejette dès lors la requête en référé précontractuel présentée en première instance par la société Héli-Cojyp.