Lorsqu’un marché dont la résiliation est unilatéralement envisagée par un assureur ne prévoit pas de préavis de résiliation suffisant pour la passation d’un nouveau marché, le pouvoir adjudicateur peut s’y opposer pour un motif d’intérêt général et imposer sa poursuite le temps nécessaire au déroulement de la procédure de passation d’un nouveau contrat.
La métropole Toulon Provence Méditerranée a conclu le 25 janvier 2021 et pour une durée de cinq ans, un marché public portant sur la police d’assurance « dommages aux biens et risques annexes » avec le groupement composé des sociétés Verspieren et Groupama Méditerranée. L’une des sociétés membre dudit groupement a, par courrier du 7 avril 2023, informé la métropole de son intention de résilier ledit marché à compter de la fin d’année 2023. En réponse, la métropole s’y est opposée en mettant en demeure le membre du groupement de poursuivre l’exécution du marché dès le 1er janvier 2024 et a saisi le tribunal administratif de Toulon du référé mesures utiles de l’article L. 521-3 du code de justice administrative, afin qu’il soit enjoint à la société Groupama Méditerranée de poursuivre l’exécution de ses obligations contractuelles pendant la durée strictement nécessaire au déroulement de la procédure de passation d’un nouveau marché d’assurance, et au plus tard jusqu’au 31 décembre 2024.
Le tribunal administratif ayant rejeté la demande de la métropole en premier et dernier ressort au motif de son irrecevabilité, la métropole s’est pourvue en cassation devant le Conseil d’État.
Saisi du litige, dans une décision du 4 avril 2024, Métropole Toulon Provence Méditerranée n° 491068, le Conseil d’État énonce, en premier lieu, que s’il n’appartient pas au juge administratif d’intervenir dans l’exécution d’un marché public en adressant des injonctions à ceux qui ont contracté avec l’administration, lorsque celle-ci dispose à l’égard de ces derniers des pouvoirs nécessaires pour assurer l’exécution du contrat, il en va autrement quand l’administration ne peut user de moyens de contraintes à l’encontre de son cocontractant qu’en vertu d’une décision juridictionnelle. En pareille hypothèse, et en cas d’urgence, le juge peut prononcer à l’encontre du cocontractant, éventuellement sous astreinte, de prendre à titre provisoire toute mesure nécessaire pour assurer la continuité ou le bon fonctionnement du service public, à condition que cette mesure soit utile, justifiée par l’urgence et ne fasse obstacle à l’exécution d’aucune décision administrative ni ne se heurte à aucune contestation sérieuse.
La circonstance que le code des assurances prévoit la faculté pour un assureur de résilier unilatéralement un contrat à l’expiration d’un délai d’un an suivant sa conclusion, avec un préavis d’au moins deux mois, ne s’oppose pas aux principes généraux applicables aux contrats administratifs qui lui sont supérieurs, en ce que, lorsqu’un marché public d’assurance ne prévoit pas un préavis de résiliation suffisant pour son renouvellement, la personne publique assurée, peut, pour un motif d’intérêt général tiré notamment des exigences du service public dont elle a la charge, s’y opposer et imposer à son cocontractant de poursuivre l’exécution dudit marché pendant la durée strictement nécessaire au déroulement de la procédure de passation, sans que celle-ci ne puisse excéder douze mois, procédure infructueuse comprise.
C’est la solution retenue par le Conseil d’État qui a considéré que le motif invoqué par la métropole pour s’opposer à la résiliation de son marché d’assurance, tiré de la nécessité que les dommages aux biens concourant au bon accomplissement des missions de service public qui lui sont confiées soient couverts par une police d’assurance, constitue un motif d’intérêt général justifiant la poursuite de l’exécution du marché, à défaut ladite résiliation priverait ces biens de garantie contre les risques couverts et cette absence d’assurance serait, dans les circonstances de l’espèce, de nature à compromettre l’exercice de certaines missions de service public en cas de sinistre majeur, la durée du maintien de l’exécution du marché ne pouvant excéder douze mois.