Lettre de la DAJ – Non-exigence de motifs individualisés pour autoriser une mise sur écoute téléphonique

La Cour de justice de l’Union européenne considère, par un arrêt du 16 février 2023 (C-349/21), qu’une autorisation judiciaire de mise sur écoute téléphonique, à partir d’un modèle préétabli, peut ne pas contenir de motifs individualisés dès lors qu’il est possible, par une lecture croisée, de s’assurer que la demande des autorités pénales est motivée et circonstanciée.

Saisie d’une question préjudicielle bulgare dans une affaire de légalité d’une autorisation judiciaire de mise sur écoute téléphonique, la Cour de justice a interprété, par un arrêt du 16 février 2023, au regard du respect du droit à un recours effectif prévu à l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, les dispositions de l’article 15, paragraphe 1, de la directive « Vie privée et communications électroniques » permettant de déroger au principe de confidentialité des communications électroniques.

En l’espèce, à la demande du procureur chargé d’une enquête sur des personnes soupçonnées, dont des agents de police aux frontières, de faire passer clandestinement, moyennant pot-de-vin, des ressortissants de pays tiers, le président du tribunal pénal spécialisé bulgare a autorisé leur mise sur écoute téléphonique en utilisant un modèle préétabli, dépourvu de motifs individualisés et se limitant à indiquer que les exigences prévues par la législation nationale, dont la décision fait mention, sont respectées.

A la suite de leur mise en accusation, le contenu des conversations enregistrées revêtant une importance directe pour établir le bien-fondé des actes d’accusation, le tribunal pénal spécialisé s’est interrogé sur la validité de la décision d’autorisation des écoutes téléphoniques au regard des dispositions de la directive et de la Charte des droits fondamentaux. En effet, en l’état, le modèle préétabli ne lui permettait pas de vérifier les motifs retenus concrètement par le président du tribunal. Le tribunal a donc saisi la Cour de justice de l’Union européenne.

La Cour relève qu’en droit bulgare la décision autorisant la mise sur écoute téléphonique est adoptée au terme d’une collecte efficace et rapide de données qui ne pourraient pas être recueillies par des moyens autres que les techniques spéciales de renseignement demandées ou qui ne le pourraient qu’avec une difficulté extrême.

Le juge qui délivre l’autorisation de recourir à des techniques spéciales de renseignement prend sa décision sur le fondement d’une demande motivée et circonstanciée dont le contenu, prévu par la loi, doit lui permettre de vérifier si les conditions d’octroi d’une telle autorisation sont remplies.

Par suite, la Cour considère qu’en signant un texte préétabli selon un modèle indiquant que les exigences légales sont respectées, ce juge a validé les motifs de la demande tout en s’assurant du respect des exigences légales.

En revanche, une fois que la personne est informée qu’elle a été mise sur écoute téléphonique, celle-ci et le juge chargé de vérifier la légalité de l’autorisation doivent être en mesure de comprendre les motifs de cette autorisation.

Pour cela, il est nécessaire que les intéressés aient accès tant à la décision d’autorisation qu’à la demande de l’autorité ayant sollicité cette autorisation. Ils doivent pouvoir comprendre aisément et sans ambiguïté, par une lecture croisée de l’autorisation et de la demande, les raisons précises de cette autorisation et sa durée de validité.

Lorsque la décision d’autorisation se limite, comme en l’espèce, à indiquer la durée de validité de l’autorisation et à déclarer que les dispositions légales sont respectées, la Cour relève que la demande d’autorisation doit faire clairement état de toutes les informations nécessaires afin que la personne mise sur écoute téléphonique et le juge puissent être en mesure de comprendre que, sur la seule base de ces informations, le juge ayant délivré l’autorisation a, en faisant sienne la motivation contenue dans la demande, abouti à la conclusion que l’ensemble des exigences légales étaient respectées.