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Lettre de la DAJ – Lutte contre les contenus illicites sur Internet : précisions de la Cour de justice de l’Union européenne

Par un arrêt du 9 novembre 2023 dans l’affaire C-376/22, la Cour de justice de l’Union européenne a donné raison à Google, Meta et Tiktok qui contestaient une loi autrichienne les obligeant à mettre en place des mécanismes de signalement et de vérification de contenus illicites.

L’Autriche a introduit en 2021 une loi obligeant les fournisseurs nationaux et étrangers de plateformes de communication à mettre en place des mécanismes de déclaration et de vérification de contenus potentiellement illicites. La loi prévoyait également une publication régulière sur les signalements de contenus illicites.

Trois plateformes établies en Irlande, Google Ireland, Meta Plateforms Ireland et Tiktok, estimaient que cette loi était contraire à la directive 2000/31/CE du 8 juin 2000 relative à certains aspects juridiques des services de la société de l'information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur.

La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a été saisie par le juge autrichien (le Verwaltungsgerichtshof – cour administrative) d’un renvoi préjudiciel.

Dans un arrêt du 9 novembre 2023 (affaire C376/22), la CJUE a tout d’abord rappelé que l’objectif de la directive était de créer un cadre juridique visant à assurer la libre circulation des services de la société de l’information entre les Etats membres. Par conséquent, la directive de 2000 a supprimé les obstacles que pouvaient constituer les différents régimes nationaux applicables à ces services en érigeant un principe de contrôle dans l’Etat membre d’origine.

La Cour rappelle que sous certaines conditions et dans des cas spécifiques, les Etats membres autres que l’Etat membre d’origine peuvent prendre des mesures visant à garantir l’ordre public, la protection de la santé publique, la sécurité publique ou la protection des consommateurs. Ces dérogations doivent néanmoins être notifiées à la Commission européenne et à l’Etat membre d’origine.

Or, la CJUE estime que les Etats membres autres que l’Etat membre d’origine du service ne peuvent pas adopter de mesures à caractère général et abstrait s’appliquant à tout prestataire d’une catégorie de services de la société de l’information, c’est-à-dire aux prestataires de l’Etat membre en question et ceux établis dans d’autres Etats membres. En effet, l’adoption de ce type de mesure aurait pour conséquence de remettre en cause le principe du contrôle de l’Etat membre d’origine du service concerné prévu par la directive : en l’espèce, la réglementation autrichienne empiète sur la compétence de l’Etat membre d’origine (ici l’Irlande), ce qui contrevient au principe de reconnaissance mutuelle. De plus, les plateformes concernées se trouveraient soumises à des législations différentes, ce qui enfreindrait également la libre prestation des services et donc le bon fonctionnement du marché intérieur.