Lettre de la DAJ – Loi relative à la lutte contre le dumping social transmanche

Promulguée le 26 juillet 2023, la loi visant à lutter contre le dumping social sur le transmanche et à renforcer la sécurité du transport maritime vise à contrer le risque de dégradation des conditions de travail et des conditions salariales des marins des compagnies de transport de passagers effectuant des traversées transmanche régulières.

Déposée en janvier dernier sur le bureau de l’Assemblée Nationale, cette proposition de loi a fait l’objet d’un large consensus au Parlement qui a permis son adoption rapide et sa promulgation à la fin du mois de juillet 2023.

Ce texte visant à protéger les salariés des compagnies de transport maritime transmanche ainsi qu’à éviter des situations de concurrence déloyale entre ces compagnies est directement lié au licenciement, en 2022, par la compagnie P&O Ferries battant pavillon chypriote, de 800 marins britanniques pour les remplacer par des marins venant de pays où la main d’œuvre est moins chère. Après cette décision qui a suscité l’indignation des deux côtés de la Manche, la Grande-Bretagne et la France ont essayé de trouver une stratégie commune pour éviter à l’avenir ce type de comportement. 

La loi n° 2023-659 du 26 juillet 2023 visant à lutter contre le dumping social sur le transmanche et à renforcer la sécurité du transport maritime est la traduction française de cette stratégie quand son pendant britannique, le « seafarer’s wage bill », a été adopté en mars 2023. 

Cette loi est dite « loi de police » dans la mesure où elle se fonde sur l’article 9.1 du règlement 593/2008 dit Règlement Rome 1 (règlement sur la loi applicable aux obligations contractuelles) qui définit la loi de police comme « une disposition impérative dont le respect est jugé crucial par un pays pour la préservation de ses intérêts fondamentaux telle que l’organisation politique, sociale ou économique au point d’en exiger l’application à toutes situations entrant dans son champ d’application ».

Un texte qui vise à sauvegarder des conditions salariales dignes

La loi prévoit deux axes dans cette stratégie en faveur des salariés des compagnies maritimes :

  • quel que soit le pavillon de la compagnie maritime concernée, toute compagnie assurant des liaisons transmanche régulières et touchant un port français doit assurer à ses équipages un salaire minimum calculé sur la base du salaire minimum pratiqué en France dans le même domaine d’activité ;
  • les compagnies doivent assurer aux salariés des périodes de repos au moins équivalentes aux périodes d’embarquement. La loi prévoit en outre qu’un décret déterminera la durée maximale de la période d’embarquement.

Ces dispositions permettent à la fois de lutter contre la détérioration des conditions de travail et d’assurer la sécurité de la navigation. De manière plus indirecte, ces dispositions permettent également de lutter contre la concurrence déloyale entre les compagnies en empêchant l’accès au marché à des compagnies qui emploieraient des marins à des salaires très faibles pour abaisser leurs coûts et, partant, leurs tarifs.

Des obligations qui doivent être respectées sous peine de sanction

La loi prévoit un arsenal de sanctions administratives et pénales graduées en fonction des manquements éventuellement constatés.

S’agissant des sanctions administratives, dès lors que des poursuites pénales ne sont pas engagées et sur la base de rapports des autorités de contrôle (inspection du travail, organes de contrôle des affaires maritimes), il est possible de prononcer un avertissement ou une amende selon la gravité des manquements relevés. La loi prévoit un plafonnement des amendes  à 4000 euros par manquement constaté. Toutefois, ce maximum peut être majoré en cas de nouveaux manquements constatés dans une période donnée.

S’agissant des sanctions pénales, la loi prévoit deux volets : i) En cas d’infraction à l’obligation sur le salaire minimum ou à l’obligation sur le temps de repos :

  • la loi prévoit une amende de 7500 euros. En cas de récidive, le montant de l’amende est porté à 15 000 euros et le responsable est passible d’une peine de prison de 6 mois ;
  • l’employeur et l’armateur peuvent se voir infliger la peine en cas d’infraction ;
  • les infractions donnent lieu à autant d’amendes qu’il y a de salariés concernés ;

Un marin dépourvu de certificat médical valide c’est-à-dire, s’agissant d’un certificat établi à l’étranger « respectant les normes minimales internationales, (…) établis dans une langue comprenant au moins l'anglais et revêtus des références de l'agrément du médecin »[1], peut se voir infliger des sanctions pénales. Avec ce texte, ces sanctions sont étendues à l’armateur ou au capitaine du navire. La loi prévoit également leur application à tous les gens de mer autres que les marins.

Tout comme son « miroir » britannique, la loi a vocation à entrer en vigueur en 2024.

 

[1] Eléments de définition issus du rapport sénatorial établi pour l’examen de la proposition de loi (https://www.senat.fr/rap/l22-734/l22-7341.pdf)