Selon une étude de la DARES, si l’économie verte est une économie qui est censée entraîner une amélioration du bien-être humain et de l’équité sociale, tout en réduisant de manière significative les risques environnementaux, les professions en relevant sont aujourd’hui associées à de plus fortes expositions aux facteurs de pénibilité que les autres.
En se basant sur les deux dernières éditions de l’enquête française Surveillance médicale des expositions aux risques professionnels (Sumer) de 2010 et 2017, la DARES s’est donnée pour objectif de comparer, dans son article, les professions de l’économie verte et les professions des autres secteurs, et d’étudier l’évolution des indicateurs de pénibilité entre les deux enquêtes. Dans un contexte de forte croissance des emplois relevant de l’économie verte, elle cherche donc à déterminer si le développement de ce secteur peut être un levier pour réduire certaines inégalités d’exposition aux risques professionnels ou si, au contraire, il contribue à la dégradation des conditions de travail de groupes de salariés déjà fragilisés.
Pour définir et mesurer l’emploi lié à l’économie verte, cette étude a retenu une approche se focalisant sur les métiers/professions des individus. Selon cette approche, le périmètre de l’économie verte est constitué de métiers verts dont la « finalité et les compétences mises en œuvre contribuent à mesurer, prévenir, maîtriser et corriger les impacts négatifs et les dommages sur l’environnement » (par exemple, agent d’entretien des espaces naturels, garde forestier, technicien chargé de la police de l’eau) et de métiers verdissants dont la « finalité n’est pas environnementale, mais qui intègrent de nouvelles briques de compétences pour prendre en compte de façon significative et quantifiable la dimension environnementale dans le geste métier » (par exemple, architecte, poseur en isolation thermique, responsable logistique, jardinier).
La DARES souligne que les salariés de l’économie verte sont surexposés aux facteurs de pénibilité.
En effet, en 2017, si un peu plus de 61% des salariés de France métropolitaine (hors enseignants de l’éducation nationale) étaient exposés à un ou plusieurs facteurs de pénibilité, c’est quasiment 67% (66,93%) pour les salariés de l’économie verte. Plus de 57% des personnes ayant une profession relevant de l’économie verte subissent des contraintes physiques marquées, notamment la présence de postures pénibles ; c’est quasiment 10 points de plus que pour celles occupant une profession ne relevant pas de l’économie verte. Elles sont aussi exposées à un environnement physique agressif (32%, soit deux fois plus que pour les professions hors économie verte), notamment des nuisances sonores ou l’exposition à des agents CMR (agents cancérogènes, mutagènes ou reprotoxiques). En revanche, elles sont moins concernées par des rythmes de travail atypiques.
Les analyses de la DARES montrent qu’une importante partie des écarts d’exposition aux facteurs de pénibilité entre les professions de l’économie verte et les autres s’explique par les différences de profils des salariés (âge, genre, ancienneté dans le poste etc.) et de structure des emplois. Autrement dit, un salarié de l’économie verte a en moyenne les mêmes risques d’exposition à certaines pénibilités (port répété de charges lourdes, postures pénibles, nuisances thermiques, rythmes de travail atypiques) qu’un individu identique exerçant une profession hors économie verte.
L’étude souligne que les salariés de l’économie verte ont moins bénéficié des améliorations en matière de pénibilité du travail constatées au niveau national.
Ceci s’inscrit dans un mouvement général de prise de conscience par les pouvoirs publics de l’importance de réduire les risques professionnels qui s’est concrétisé par la mise en place, au niveau national, de politiques générales de santé publique et de politiques spécifiques de prévention. Ainsi, la proportion de salariés de France métropolitaine (hors enseignants de l’éducation nationale) exposés à au moins un facteur de pénibilité a diminué de presque 5% (4,9%) entre 2010 et 2017. Cette diminution concerne également les salariés exerçant une profession de l’économie verte mais dans une moindre mesure (-1,7%). Pour ces derniers, c’est la prévalence de rythmes atypiques qui a surtout diminué entre 2010 et 2017 (-24%) notamment le travail répétitif (-58,8% contre -49,2% pour les professions hors économie verte). Cependant, les professions de l’économie verte se distinguent par une hausse plus forte des expositions aux contraintes physiques marquées (+2,7% contre +0,3% pour les professions hors économie verte).
Par ailleurs, la DARES observe une tendance à la hausse des expositions des professions de l’économie verte à des agents chimiques CMR et au travail posté[1] et de nuit. Pour les professions hors économie verte, les prévalences d’exposition aux agents chimiques CMR et au travail posté ont diminué respectivement de 7,9% et 15,2% entre 2010 et 2017, alors qu’elles ont fortement augmenté pour les salariés de l’économie verte (+10,6% et +2,3%). Pour ces derniers, le travail de nuit irrégulier est en forte hausse (+57,1% contre +2,9% pour les salariés hors économie verte).
Enfin, les conditions de travail des salariés de l’économie verte aux statuts professionnels les plus précaires (CDD, apprentis et intérimaires) se sont dégradées entre 2010 et 2017. Si en 2010, ces derniers ne présentaient aucune surexposition particulière aux risques professionnels par rapports à leurs homologues en CDI, en 2017, la tendance s’est inversée, puisqu’ils étaient plus exposés aux postures pénibles, aux agents CMR et au travail de nuit régulier.
[1] « La directive européenne du 4 novembre 2003, relative à l’aménagement du temps de travail, précise que le travail en équipes successives alternantes, appelé plus communément travail posté désigne « tout mode d’organisation du travail en équipe selon lequel des travailleurs sont occupés successivement sur les mêmes postes de travail, selon un certain rythme, y compris rotatif, de type continu ou discontinu, entraînant pour les travailleurs la nécessité d’accomplir un travail à des heures différentes sur une période donnée de jours ou de semaines ». Le travail posté, comme par exemple les 3x8, 2x8, 2x12, fait partie des organisations temporelles atypiques et inclut souvent un poste horaire de nuit. » (Ministère du travail, du plein emploi et de l’insertion, « Equipes successives alternantes », 27 mai 2011)