L’IGAS et l’IGF ont conduit une mission pour étudier la faisabilité d’une carte Vitale biométrique. Si la mission considère que cette technologie ne permettrait pas d’atteindre les objectifs souhaités (lutte contre la fraude à l’usurpation d’identité, protection de la santé publique notamment), l’insertion du numéro de sécurité sociale au sein des titres d’identité pourrait être envisagée.
Le 18 octobre 2022, les Inspections générales des finances et des affaires sociales ont été chargées, par les ministres en charge de la santé et des comptes publics, d’évaluer la possibilité de créer une carte Vitale biométrique, c’est-à-dire une carte à laquelle est intégrée un lecteur d’empreintes digitales.
La mission confiée aux deux corps d’inspection a rendu un rapport en avril 2023 : si l’insertion d’une technologie biométrique dans la carte Vitale n’apparaît pas pleinement pertinente, la possibilité d’inscrire le numéro de sécurité sociale sur les titres d’identité constituerait une meilleure alternative.
L’insertion d’une technologie biométrique dans la carte Vitale
Les fraudes détectées par les services compétents démontrent que celles-ci sont largement causées par les professionnels et établissements de santé (à hauteur des trois quarts de montants détectés). Deux postes de préjudices du fait des assurés ont été identifiés : il s’agit d’une part la fraude aux indemnités journalières et d’autre part de la fraude aux conditions de ressources permettant l’accès à la complémentaire santé solidaire. La fraude à l’usurpation d’identité, qui pourrait être freinée par l’utilisation d’une carte Vitale biométrique, serait en réalité assez faible.
Il apparaît donc que les principaux cas de fraude mettant en jeu l’utilisation de la carte Vitale ne seraient pas empêchés par la technologie biométrique.
L’assurance maladie n’utilise pour l’instant aucune donnée biométrique au cours de la création de la carte Vitale. La photographie figurant sur les cartes Vitales n’est pas exploitée à des fins biométriques, conformément à l’avis rendu par la CNIL en 2007.
Aucun Etat dans le monde n’a recours à un traitement biométrique pour l’accès aux soins. Seuls trois titres sécurisés[1] sont subordonnés à un contrôle biométrique : la carte d’identité, le passeport et lors du passage dans les sas du système PARAFE de contrôle aux frontières dans une dizaine de points de passage à la frontière, notamment aéroportuaires.
La mission pointe du doigt le fait que le principal défaut du recours aux données biométriques est son caractère irrévocable ; ainsi, une fois qu’une donnée biométrique est corrompue, il convient d’utiliser d’autres moyens d’authentification.
Enfin, l’utilisation de données biométriques pose la question des risques de dépendance technologique : le stockage des données brutes serait nécessaire pour permettre aux autorités de conserver une indépendance vis-à-vis des industriels, ce que la CNIL ne recommande pas.
La mission a calculé que le coût de l’enrôlement de l’ensemble des assurés dans un système biométrique par empreintes digitales sur 5 ans coûterait environ 1,2 milliard d’euros.
La mission a étudié deux scénarios d’évolution de la carte Vitale en incluant une donnée biométrique. La CNIL a indiqué qu’elle n’était pas favorable à ceux-ci.
La mention du numéro de sécurité sociale de l’assuré sur les documents d’identité
La mission estime que l’inscription du numéro de sécurité sociale (NIR) sur les titres d’identité permettrait de mieux lutter contre la fraude à l’usurpation d’identité et simplifierait les démarches administratives des usagers. Cette solution apparaîtrait d’autant plus intéressante dès lors que l’application carte Vitale sera généralisée.
L’intégration du NIR au sein du titre d’identité serait réalisée au moyen de l’ajout dans la puce d’un container spécifique à l’assurance maladie et lisible uniquement par les professionnels de santé. Le NIR pourrait également être intégré au QR code figurant au verso de la nouvelle carte nationale d’identité. Ce système existe déjà dans d’autres Etats membres de l’Union européenne (Belgique, Suède, Portugal).
La CNIL a estimé que ce processus serait moins intrusif que la biométrie et moins risqué d’un point de vue technique. Elle a néanmoins indiqué que la mise en place de cette alternative devrait être justifiée par un motif d’intérêt public important.
Pour approfondir cette proposition, une étude de faisabilité et d’opportunité plus détaillée devrait être conduite par les ministères chargés de l’intérieur et de la santé.
[1] Document officiel qui fait l’objet d’une procédure de production et de contrôle sécurisée. La gestion de production et de contrôle des titres sécurisés incombe à l’Agence Nationale des Titres Sécurisés ou ANTS.