Dans son rapport, la Cour des comptes revient sur l’organisation et le financement de l’enseignement privé sous contrat. Si ce dispositif, majoritairement financé par des fonds publics, bénéficie d’une large autonomie d’organisation, elle souligne toutefois la persistance d’un défaut de mixité sociale et scolaire.
L’enseignement privé sous contrat a été créé par la loi du 31 décembre 1959 (« loi Debré »). Il participe au service public de l’éducation mais est réalisé au sein d’écoles et d’établissements privés passant un contrat avec l’Etat. Les programmes qui y sont appliqués sont ceux établis par le ministère de l’éducation nationale.
En 2022, plus de 2 millions d’élèves bénéficiaient d’un tel enseignement dans un peu plus de 7 500 établissements, soit 17,6 % des effectifs scolarisés. L’enseignement privé sous contrat est marqué par la prépondérance de l’enseignement catholique (96 % des effectifs) ainsi que par une répartition géographique des effectifs sur le territoire national non homogène. En effet, cet enseignement est très présent dans l’ouest de la France (41 % des effectifs de l’académie de Rennes) et dans les académies de Lille et Paris.
Dans son rapport, la Cour des comptes revient sur l’organisation et le financement de l’enseignement privé. Elle formule cinq recommandations qui vont notamment dans le sens d’un renforcement des relations contractuelles avec l’Etat.
L’enseignement privé sous contrat est majoritairement financé par des fonds publics et bénéficie d’une certaine autonomie d’organisation
L’organisation des établissements privés sous contrat est plus autonome que celle de leurs homologues publics, tant du point de vue de l’inscription des élèves que de celui du recrutement du personnel, enseignant ou non. Ainsi, même s’ils sont gérés par les rectorats, les professeurs sont affectés dans les établissements privés sous contrat avec l’accord des chefs d’établissement. Ils sont rémunérés par l’Etat mais ne sont pas fonctionnaires. Ces derniers ont soit la qualité de « maître contractuel » (pour les enseignants permanents recrutés par les mêmes concours que les enseignants du secteur public), soit de « maître délégué » (pour ceux qui assurent les suppléances).
L’Etat a consacré 8 milliards d’euros en 2022 à ces établissements. Le financement apporté à ces établissements par l’Etat est majoritaire : il correspond à 55% de leurs ressources dans le 1er degré et à 68% dans le 2nd degré, les familles contribuant respectivement à hauteur de 22 % et 23 %. L’abondement restant est effectué par les collectivités territoriales.
L’enseignement privé sous contrat est marqué par trois évolutions significatives : stabilité des effectifs, recul de la mixité scolaire et sociale et difficulté d’appréciation des résultats scolaires
Même si la situation est variable selon les territoires, la mixité sociale et scolaire est en recul dans l’enseignement privé sous contrat malgré des effectifs globalement stables. En effet, la part des élèves issus de familles très favorisées était d’environ 40 % en 2021 contre un peu plus de 26 % en 2002. Ceux issus de familles favorisées ou très favorisées sont désormais majoritaires (plus de 55 % des effectifs en 2021), ce qui n’est pas le cas dans le public (environ 32 % en 2021). De même, la part des élèves boursiers était de presque 12 % en 2021 dans l’enseignement privé sous contrat contre 29 % dans le public. Le recul la mixité sociale et scolaire peut s’expliquer par différents facteurs, dont les stratégies d’évitement des établissements publics de secteur par les familles, le niveau des frais de scolarité ou les politiques de sélection des élèves.
Si les résultats scolaires du secteur privé sous contrat sont structurellement meilleurs que ceux du secteur public, ce constat est à nuancer du fait de la surreprésentation de certaines classes sociales dans les populations accueillies. Or, la Cour explique que peu d’indicateurs permettent de tenir compte de ces critères sociaux dans l’appréciation des résultats des élèves alors qu’une « forte corrélation existe entre résultats scolaires et caractéristiques socio-économiques des familles ».
La Cour des comptes appelle à un renforcement des relations contractuelles entre l’Etat et l’enseignement privé sous contrat
L’Etat est lié aux établissements d’enseignement privé sous contrat par un contrat d’association. Ce dernier édicte les obligations des établissements et a pour contrepartie un financement étatique ainsi qu’un ensemble de contrôles y afférents. Le contrôle financier de ces établissements incombe aux directions départementales et régionales des finances publiques (DDFiP et DRFiP), le contrôle pédagogique est réalisé par les inspecteurs d’académie – inspecteurs pédagogiques régionaux (IA – IPR) et le contrôle administratif relève quant à lui de l’inspection générale de l’enseignement, du sport et de la recherche (IGESR). Or, la Cour constate que ces contrôles sont peu, voire pas du tout, exercés. Pour les renforcer, elle préconise par exemple de mettre en œuvre, au niveau des rectorats, une programmation des contrôles des établissements sous contrat en lien avec les DDFiP et DRFiP (recommandation n°2).
Pour renforcer la mixité sociale, la Cour préconise une démarche plutôt locale que nationale : au lieu de fixer des quotas d’élèves issus de milieux défavorisés ou boursiers au niveau national, lesquels ne sont pas appliqués y compris dans le secteur public lui-même, elle préconise de fixer contractuellement, dans chaque établissement privé sous contrat, des objectifs en termes de composition sociale définis à un échelon local. Elle estime que le niveau national doit être réservé à un questionnement sur la répartition des moyens entre les réseaux, tout en s’assurant que la décision d’ouverture des classes soit prise au niveau local (recommandation n°3), et que le niveau local doit être mobilisé pour la modulation des moyens affectés aux établissements privés sous contrat en fonction des caractéristiques sociales des populations accueillies (recommandation n°4). Cela se ferait par l’intermédiaire d’un contrat d’objectifs et de moyens (COM) signé par chaque établissement privé sous contrat, par le rectorat et éventuellement par la collectivité territoriale de rattachement.