Dans son rapport annuel, le Conseil d’orientation des retraites (COR) dresse un constat des évolutions du système français des retraites intégrant les effets de la réforme de 2023. Il précise que les écarts avec les projections de 2022 ne doivent pas être interprétés comme étant la résultante exclusive de cette réforme.
Dans son rapport sur les évolutions et perspectives des retraites en France de 2023, le COR élabore des projections en se basant sur l’hypothèse d’un taux de chômage de 4,5% et sur quatre scenarii économiques établis respectivement d’après une croissance annuelle de la productivité horaire du travail de 0,7 %, 1,0 %, 1,3 % et 1,6 %. Il dresse un constat des évolutions du système de retraite au regard de différents objectifs, dont celui de la pérennité financière, et précise également les conséquences de la dernière réforme des retraites.
Les évolutions du système de retraite au regard de l’objectif de pérennité financière
Dans le cadre du scénario retenu pour référence par le Gouvernement pour la présentation de la réforme des retraites de 2023 (scénario 1 %), le solde du système de retraite serait déficitaire en 2030 de 0,2 % du PIB alors qu’il était excédentaire de 0,2 % en 2022. Il demeurerait déficitaire par la suite pour atteindre 0,8 % du PIB en 2070.
Si les dépenses diminuent (13,7 % du PIB en 2022 contre 13 % en 2070), les ressources devraient, quant à elles, diminuer relativement plus vite (13,8 % du PIB en 2022 contre 12,2 % en 2070). Comme le relève le COR, cette diminution des dépenses de retraite à horizon 2070 semble étonnante compte tenu du vieillissement démographique attendu. Ce vieillissement qui pèsera sur les dépenses devrait toutefois être atténué par les réformes entraînant un recul de l’âge de départ à la retraite.
Malgré l’hypothèse d’un taux de cotisation inchangé et après prise en compte des hausses de taux prévues dans le cadre de la réforme de 2023, l’évolution des recettes devrait être moins dynamique que celle du PIB du fait notamment d’une diminution de la part dans le PIB des dépenses du régime de la fonction publique et des régimes spéciaux (qui devrait conduire à une diminution de moitié, à horizon 2070, des contributions et subventions d’équilibre[1]). En sus, les contributions externes de la branche famille et de l’assurance chômage devraient diminuer sur la période considérée en raison des hypothèses de projection (moins d’enfants et de chômeurs).
Les projections du COR intègrent les conséquences de la dernière réforme des retraites
La loi n° 2023-270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 prévoit notamment le décalage progressif de l’âge d’ouverture des droits à 64 ans, l’accélération de la hausse de la durée d’assurance requise, des possibilités supplémentaires de départ anticipé au titre des carrières longues, la revalorisation des petites pensions, une majoration de la pension pour les assurés en emploi en fin de carrière et ayant eu des enfants.
Si les projections réalisées par le COR intègrent les effets de la réforme des retraites de 2023, les écarts avec les projections de 2022 ne doivent pas être interprétés comme étant la résultante exclusive de cette dernière. En effet, une réforme des retraites était déjà intégrée dès 2022 dans les perspectives macroéconomiques à horizon 2027 fournies au COR pour son exercice de projection. Par ailleurs, des évolutions du contexte démographique et macroéconomique entre 2022 et 2023 ont été prises en compte dans cet exercice.
Après avoir augmenté entre 2002 et 2022 de 1,8 % en moyenne par an, en réel, sous l’effet de la progression régulière du nombre de retraités et l’arrivée à l’âge de la retraite des nombreuses générations du baby-boom, les dépenses de retraite devraient ralentir entre 2022 et 2030. Elles progresseraient, en réel, entre 1,3 % et 1,4 % en moyenne annuelle, quel que soit le scénario, freinée par les effets de la réforme sur la progression du flux de nouveaux retraités. Ce ralentissement permettrait de faire évoluer les dépenses de retraite, les faisant passer de 13,7 % à 13,5 % du PIB. Sans la réforme, ce ratio serait resté globalement stable sur cette période.
Cependant, il n’est pas possible de distinguer les effets de la dernière réforme des retraites sur les ressources, étant entendu que le scénario macroéconomique sur lequel reposaient les projections du COR de septembre 2022 intégrait déjà les effets sur l’emploi, et donc sur la masse salariale et le PIB, de ce que le gouvernement envisageait comme possible réforme des retraites.
Les évolutions du système de retraite au regard de l’objectif d’un niveau de vie satisfaisant pour les retraités et au regard de l’objectif d’équité entre les assurés.
La Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES) a calculé les variations de pension cumulée sur cycle de vie en prenant en compte la diversité des situations individuelles. Cette étude permet de mieux cerner les effets différenciés de la réforme, en distinguant notamment les assurés selon leur genre et leur revenu. Les résultats présentés par le COR dans son rapport concernent deux générations :
- la génération de 1966 qui subit partiellement le relèvement de l’âge d’ouverture des droits (AOD), mais de manière plus forte l’augmentation de la durée d’assurance requise pour le taux plein ;
- et la génération de 1984 pour laquelle la durée d’assurance requise est inchangée, mais qui est concernée par le décalage de 2 ans de l’AOD.
La génération de 1966 devrait voir sa pension cumulée diminuer de 1,0 % avec la réforme. Au contraire, pour la génération de 1984, les assurés verraient leur pension cumulée sur la durée totale de la retraite augmenter de 0,9 % en moyenne avec la réforme. Par ailleurs, quelle que soit la génération considérée, les pensions cumulées des retraités les plus modestes (1er quartile de pension) augmenteraient nettement avec la réforme (gain de 4,7 % pour la pension cumulée pour la génération 1966, 12,0 % pour la génération 1984). A contrario, pour ces deux générations, les pensions cumulées des 25 % de retraités les plus aisés diminueraient avec la réforme (-1,9 % pour la génération de 1966 et –1,1 % pour la génération de 1984).
La réforme augmente à terme la pension cumulée, soit une contribution positive au bien-être. Elle se traduit également par une diminution de la durée de retraite. Toutefois, comme l’indique la Drees, l’augmentation de la pension cumulée « ne saurait s’interpréter comme un indicateur de bien-être, lequel supposerait de prendre en compte les diversités de préférence variables en fonction des situations des assurés et notamment leur état de santé ».
[1] I.e. ce que paye l’Etat pour assurer la solvabilité en dernier ressort de certains régimes.