Lettre de la DAJ – Le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité – Rapport de l’Assemblée nationale

La proposition de directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité, dite « CSDD », a pour objectif de favoriser un comportement responsable des entreprises ; les entreprises européennes, répondant à des conditions, devraient mener des opérations de « diligence requise » (ou due diligence) sur leur chaîne d’activité, afin d’identifier, de prévenir et de remédier aux incidences négatives pour les droits humains et environnementaux.

Le devoir de vigilance a été institué par la loi n° 2017-399 du 27 mars 2017 relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre (article L. 225-102-4 du code de commerce). Ainsi, toute société employant au moins 5 000 salariés doit établir et mettre en œuvre un plan de vigilance relatif à l’activité de la société et de l’ensemble des filiales qu’elle contrôle pour prévenir les atteintes graves aux droits humains, libertés fondamentales, à la santé et sécurité des personnes et à l’environnement.

A l’échelle européenne, le Parlement européen a invité la Commission européenne en 2021 à proposer une directive relative au devoir de vigilance des entreprises en matière de protection des droits de l’homme et de l’environnement. La Commission européenne a publié le 23 février 2022 sa proposition de directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité (dite Corporate sustainability due diligence directive, ou directive « CSDD »).

Un rapport d’information à l’Assemblée nationale, déposé par la commission des affaires européennes en juin 2023, présente un point d’étape sur l’avancement de ce texte que les rapporteures espèrent voir rapidement adopté.

La notion de devoir de vigilance a été forgée par le législateur français afin de remédier au cloisonnement juridique découlant du principe de personnalité juridique des sociétés donneuses d’ordre et leurs sous-traitants ou fournisseurs. Le devoir de vigilance impose donc l’adoption d’instruments susceptibles de prévenir les risques découlant des activités des sociétés donneuses d’ordre et de celles des entités constituant leur chaîne d’approvisionnement.

Actuellement, deux autres Etats membres se sont emparés du concept de « devoir de vigilance » (Pays-Bas et Allemagne). La proposition de directive devrait donc permettre une harmonisation à l’échelle européenne des règles auxquelles les entreprises seront soumises.

Les rapporteurs ont recensé 17 mises en demeure sur le fondement de la loi du 27 mars 2017 dont 9 ont donné lieu à une saisine des juridictions.

La proposition de directive CSDD est plus ambitieuse que les législations nationales existantes, y compris française, et élargirait le champ des entreprises concernées. La loi française impose un critère unique et des seuils élevés (emploi direct ou indirect de 5 000 salariés pour les entreprises établies en France et de 10 000 salariés pour les entreprises étrangères ayant une activité en France). La proposition de directive propose quant à elle, d’inclure le nombre de salariés et le chiffre d’affaires annuel net, ainsi qu’un critère supplémentaire de prise en compte du risque attaché à certains secteurs d’activité.

En effet, les nouvelles règles relatives au devoir de vigilance s'appliqueront aux entreprises et secteurs suivants, pour les entreprises de l'Union européenne :

  • groupe 1 : toutes les sociétés à responsabilité limitée de l'Union européenne de grande taille et ayant un pouvoir économique important (employant plus de 500 personnes et réalisant un chiffre d'affaires net supérieur à 150 millions d'euros à l'échelle mondiale) ;
  • groupe 2 : d'autres sociétés à responsabilité limitée exerçant des activités dans des secteurs à fort impact définis, qui n'atteignent pas les deux seuils du groupe 1, mais emploient plus de 250 personnes et réalisent un chiffre d'affaires net de 40 millions d'euros et plus à l'échelle mondiale.

Les entreprises de pays tiers actives dans l'Union européennes dont le seuil de chiffre d'affaires est aligné sur celui des groupes 1 et 2 et dont le chiffre d'affaires est réalisé dans l'Union européennes seront également concernées par la proposition de directive.

Ainsi, la directive couvrirait, selon les estimations de la Commission, quelque 11 900 sociétés européennes – dont 1 582 françaises – et 6 000 sociétés non européennes actives dans l'Union.

La proposition de directive CSDD devrait également, à la différence de la loi française du 27 mars 2017, prévoir la création ou la désignation d’autorité(s) administrative(s) nationale(s) chargée(s) de surveiller la mise en œuvre du devoir de vigilance des sociétés qui disposerai(en)t de prérogatives d’enquête et de sanction administrative.

Afin de respecter le devoir de vigilance en matière de durabilité, les entreprises devraient :

  • intégrer le devoir de vigilance dans les politiques ;
  • recenser les incidences négatives réelles ou potentielles sur les droits de l'homme et l'environnement ;
  • prévenir ou atténuer les incidences potentielles ;
  • mettre un terme aux incidences réelles ou les réduire au minimum ;
  • établir et maintenir une procédure de réclamation ;
  • contrôler l'efficacité de la politique et des mesures de vigilance ;
  • communiquer publiquement sur le devoir de vigilance.

Les entreprises concernées devront prendre des mesures appropriées (obligation de moyens), en fonction de la gravité et de la probabilité des différentes incidences, des mesures dont elles disposent dans les circonstances particulières et de la nécessité de fixer des priorités.

Afin que le devoir de vigilance soit effectif, la proposition de directive introduit également l'obligation pour les administrateurs de mettre en place et de superviser la mise en œuvre du devoir de vigilance, ainsi que de l'intégrer dans la stratégie d'entreprise.