Lorsqu'une clause est affectée d'une irrégularité tenant au caractère illicite de son contenu, la personne publique peut la modifier unilatéralement pour remédier à cette irrégularité, si elle est divisible. Si elle n’est pas divisible et que cette irrégularité est d’une gravité telle que, s’il était saisi, le juge du contrat annulerait ou résilierait le contrat, la personne publique peut, sous réserve de l'exigence de loyauté des relations contractuelles, le résilier unilatéralement.
Par une décision du 8 mars 2023, le Conseil d'Etat précise les possibilités de modification ou de résiliation unilatérales des contrats administratifs dont bénéficie la personne publique contractante lorsque son contrat comporte une clause illicite, selon que cette dernière soit divisible ou non du contrat.
En l’espèce, par trois délibérations du 16 décembre 2021, le comité syndical du syndicat intercommunal de la périphérie de Paris pour les énergies et les réseaux de communication (SIPPEREC) avait modifié unilatéralement trois contrats de concession afin de remédier à des clauses illicites que ces contrats comportaient.
Saisi par le préfet de Paris, préfet de la région Île-de-France, le juge du référé a suspendu l’exécution de ces délibérations. La SIPPEREC a interjeté appel devant la Cour administrative d’appel de Paris qui a confirmé l’ordonnance de première instance.
Saisi en cassation, le Conseil d'Etat annule l’ordonnance d’appel au motif qu’elle est entachée d’une erreur de droit dès lors que le juge d’appel a jugé que la modification unilatérale d'un contrat concédant un service public ne saurait être mise en œuvre au seul motif de purger le contrat de stipulations illicites.
A cet égard, le Conseil d’Etat rappelle sa jurisprudence constante (CE, 27 octobre 2010, Syndicat intercommunal des transports publics de Cannes le Cannet Mandelieu-la-Napoule, n° 318617) selon laquelle « en vertu des règles générales applicables aux contrats administratifs, la personne publique contractante peut unilatéralement apporter des modifications à un tel contrat dans l'intérêt général, son cocontractant étant tenu de respecter les obligations qui lui incombent en vertu du contrat ainsi modifié tout en ayant droit au maintien de l'équilibre financier du contrat » et que la personne publique peut résilier unilatéralement un contrat entaché d'une irrégularité d'une gravité telle que, s'il était saisi, le juge du contrat pourrait en prononcer l'annulation ou la résiliation, sans qu’il n’ait à saisir au préalable le juge et sous réserve de l’exigence de loyauté des relations contractuelles (CE, 10 juillet 2020, Société Comptoir Négoce Équipements, n° 430864).
Il précise néanmoins dans la présente décision que la personne publique doit prendre en compte le caractère divisible ou non de la clause illicite pour décider unilatéralement soit de le modifier soit de le résilier. En effet, il estime que « la personne publique peut ainsi, lorsqu'une clause du contrat est affectée d'une irrégularité tenant au caractère illicite de son contenu et à condition qu'elle soit divisible du reste du contrat, y apporter de manière unilatérale les modifications permettant de remédier à cette irrégularité. Si la clause n'est pas divisible du reste du contrat et que l'irrégularité qui entache le contrat est d'une gravité telle que, s'il était saisi, le juge du contrat pourrait en prononcer l'annulation ou la résiliation, la personne publique peut, sous réserve de l'exigence de loyauté des relations contractuelles, résilier unilatéralement le contrat sans qu'il soit besoin qu'elle saisisse au préalable le juge ».
Cette jurisprudence doit cependant être mise en perspective avec les règles européennes et nationales de la commande publique encadrant les modifications unilatérales ou conventionnelles des contrats qualifiables de contrat de la commande publique (Avis CE, Assemblée générale, 15 septembre 2022, relatif aux possibilités de modification du prix ou des tarifs des contrats de la commande publique et aux conditions d’application de la théorie de l’imprévision, n° 405540).