Lettre de la DAJ – Le Conseil constitutionnel censure la pérennisation d’un prélèvement sur la dotation d’intercommunalité

Dans le prolongement d’une décision de 2020, le Conseil constitutionnel a reconnu que la pérennisation de la contribution au redressement des finances publiques pesant sur certains établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre portait atteinte à l’égalité devant les charges publiques.

La communauté de communes Chinon, Vienne et Loire a saisi le Conseil constitutionnel d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) à propos de l’article 250 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.

Cet établissement public de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre devait s’acquitter d’un prélèvement au titre de la « contribution au redressement des finances publiques » (CRFP). L’EPCI reprochait les conditions de pérennisation de ce prélèvement : en effet, la pérennisation n’était prévue que pour les seuls EPCI qui étaient assujettis au prélèvement en 2018. Pour la communauté de communes Chinon, Vienne et Loire, le montant à acquitter ne rendait plus compte des caractéristiques démographiques ou financières des établissements publics en cause, créant ainsi :

  • une différence de traitement injustifiée entre les EPCI, selon qu’ils aient ou non été assujettis à ce prélèvement en 2018 ;
  • une charge excessive pour ceux qui y ont été assujettis, en méconnaissance des principes d’égalité devant la loi et devant les charges publiques ;
  • une atteinte aux principes de libre administration et d’autonomie financière des collectivités territoriales.

Le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 2023-1083 QPC du 21 mars 2024 a retenu l’argument tiré de la rupture d’égalité.

En effet, jusqu’en 2018, un prélèvement était opéré sur chaque EPCI afin de les faire participer, à hauteur de leur moyens respectifs, à l’effort de redressement des finances publiques. Les règles de la dotation d’intercommunalité ont été modifiées par la loi du 28 décembre 2018 qui prévoyait que le montant de la contribution des EPCI au redressement des finances publiques était directement intégré à la dotation d’intercommunalité par une minoration de son montant global avant répartition individuelle.

Cependant, l’ancien prélèvement a été maintenu pour les EPCI qui y avaient été assujettis en 2018 en fixant le montant appliqué à celui de l’année 2018.

Pour constater l’inconstitutionnalité des dispositions contestées, le Conseil constitutionnel  a repris les arguments énoncés dans sa décision n° 2020-862 QPC du 15 octobre 2020. En effet, la communauté de communes Chinon, Vienne et Loire avait déjà saisi le Conseil d’une QPC sur ces dispositions.

Dans sa décision de 2020, le Conseil constitutionnel avait reconnu qu’il existait bien une différence de traitement entre les EPCI selon qu’ils ont ou non été soumis au prélèvement pour CRFP en 2018.  Le législateur a certes prévu que le montant pouvait être recalculé en cas de changement de périmètre des EPCI ; il n’a en revanche pas prévu de faire évoluer le montant du prélèvement à acquitter en cas d’évolution financière ou démographique des EPCI.

Le Conseil constitutionnel avait admis en 2020 que le législateur puisse maintenir à titre transitoire ce prélèvement, qui n’impacte que certains établissements publics de coopération intercommunale. En revanche, la loi ne peut pas ne pas prévoir d’ajustement possible sans porter une atteinte caractérisée à l'égalité devant les charges publiques.