Lettre de la DAJ – La Cour des comptes évalue la pertinence de la fiscalité énergétique française

La fiscalité énergétique joue un rôle crucial dans la consommation énergétique des ménages et des entreprises. Ses caractéristiques en font un levier puissant pour atteindre les objectifs climatiques français. La Cour des comptes suggère que les pouvoirs publics envisagent avec précaution les potentielles évolutions de cette fiscalité.

Les ménages ont dépensé en moyenne 3 140 € pour leurs factures d’énergie en 2021, dont 1 720 € pour leur logement et 1 420 € pour leurs transports ; les taxes constituent une part substantielle de ces dépenses. Aussi, toute modification de cette fiscalité constitue un potentiel gain ou une perte de pouvoir d’achat important pour les ménages.

La Cour des comptes, dans un rapport publié le 6 septembre 2024, étudie la place de cette fiscalité dans la politique énergétique de la France ainsi que sa contribution à la réduction de la consommation énergétique, afin d’éclairer le débat public sur une potentielle évolution de cette fiscalité.

L’état de la fiscalité énergétique en France

La fiscalité énergétique rassemble plusieurs impôts et taxes ayant un impact sur le prix final de l’énergie. En 2021, elle a permis à l’Etat de collecter 60 milliards d’euros. La France a décidé de mettre en place une « composante carbone » dans le but d’inciter les consommateurs à réduire leur consommation. Pour autant, le poids de la fiscalité énergétique sur les ménages est inversement proportionnel à leur revenu : ainsi, le coût de la fiscalité énergétique pour les 20 % de ménages les plus aisés représente 1,1 % de leurs revenus contre 3,9 %, pour les ménages appartenant au premier quintile de la distribution des revenus. Si les augmentations de la fiscalité énergétique visent à réduire la consommation énergétique, elles doivent néanmoins s’accompagner de modalités de compensation efficaces.

La Cour des comptes relève en outre que l’instauration d’une politique fiscale dans le domaine énergétique doit être complémentaire d’autres outils de politiques publiques visant à la réduction de la consommation d’énergie (mesures budgétaires type subventions à destination des ménages ou réglementaires).

L’avenir de la fiscalité énergétique en France

Des textes européens, en cours d’adoption, impliqueront de revoir significativement la structure de la fiscalité énergétique car ils mettront fin à de nombreux tarifs réduits ou particuliers. Il sera également nécessaire de modifier l’application de la taxe de la valeur ajoutée (TVA) dont les taux sont différents sur l’abonnement et la consommation.

De plus, la création d’un nouveau système européen d’échange de quotas d’émissions pour les secteurs des transports et du bâtiment, à partir de 2027, pourrait augmenter les prix de l’énergie (de 11 à 13 % pour le gaz et de 10 à 11 % pour le carburant), poussant les entreprises à réduire leur consommation de fluides. La Cour des comptes rappelle à ce titre que la Direction générale du Trésor a estimé que la baisse de la consommation d’essence engendrerait une baisse de revenu pour l’Etat estimée à 13 milliards d’euros.

La Cour rappelle également que la fiscalité sur les produits énergétiques n’a pour l’instant pas pris en compte l’impact des produits énergétiques sur l’environnement ; les carburants sont les produits actuellement les plus taxés, suivis par l’électricité et enfin par les énergies fossiles à usage de combustible. Il serait selon elle pertinent de réaliser des simulations en tenant compte des objectifs climatiques de la France.

Les trois orientations envisagées

La Cour des comptes, au terme de son analyse, imagine trois grands scénarios pour la France.

Le premier, dit « socle », conduirait à ne pas modifier substantiellement la structure de la fiscalité énergétique hormis quelques ajustements indispensables au regard du droit européen.

Le deuxième, dit « carbone », viserait à aligner la fiscalité énergétique sur le contenu carbone des différents types d’énergie et leur impact sur l’environnement. Cette orientation nécessiterait notamment de mettre progressivement un terme aux dépenses fiscales défavorables à l’environnement qui s’élèvent actuellement à 5,9 milliards d’euros.

Le troisième, dit « de rendement », aurait pour objet de se centrer uniquement sur le rendement de ce type de fiscalité, laissant à d’autres instruments le soin de taxer le carbone (quotas, taxe spécifique). Les ressources ainsi générées seraient allouées entièrement au financement de la transition écologique et à la compensation financière pour les ménages modestes.

La Cour des comptes estime que quelle que soit l’option retenue, il apparaît indispensable que l’Etat mène une réflexion structurante sur la fiscalité énergétique, d’une part pour atteindre les objectifs climatiques fixés et, d’autre part, garantir les équilibres budgétaires.