Lettre de la DAJ - La Cour de justice précise les modalités d’appréciation du contrôle conjoint pour qualifier une quasi-régie

Un pouvoir adjudicateur n’exerce pas sur une personne morale un contrôle analogue conjoint avec d’autres pouvoirs adjudicateurs au seul motif que siège au conseil d’administration de cette personne morale le représentant d’un autre pouvoir adjudicateur qui fait également partie du conseil d’administration du premier pouvoir adjudicateur.

En 2017, la commune de Farciennes et la société de logement de service public (SLSP) Sambre & Biesme, société coopérative à responsabilité limitée dont les principaux actionnaires sont les communes de Farciennes et d’Aiseau-Presles, ont décidé de conclure une convention-cadre de marchés conjoints afin de réaliser un écoquartier regroupant environ 150 logements. Cette convention prévoyait, d’une part, la passation conjointe de plusieurs marchés de services et de travaux et, d’autre part, la conclusion d’une convention d’assistance à maîtrise d’ouvrage pour la mise en œuvre de ces marchés de gré à gré avec l’Igretec, société coopérative à responsabilité limitée qui exerce des missions de service public et, par suite, est une personne morale de droit public, dans le cadre d’une relation dite in house. Cette dernière est une société coopérative à responsabilité limitée exclusivement composée de personnes morales de droit public, telle la SLSP Sambre & Biesme, dont les communes actionnaires disposent de la majorité des voix au sein des organes de décisions.

La Société wallonne du logement (SWL), représentante du gouvernement wallon et autorité de tutelle de la SLSP Sambre et Biesme, a annulé deux décisions par lesquelles le conseil d’administration de la SLSP Sambre & Biesme a autorisé la conclusion de la convention-cadre ainsi qu’un marché de gré à gré avec l’Igretec au motif que les conditions relatives à l’exception in house n’étaient pas satisfaites entre ces deux entités. Saisi par la commune de Farciennes et la SLSP Sambre & Biesme d’un recours en annulation contre cette décision, le Conseil d’Etat belge a adressé une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) portant sur les modalités d’appréciation du contrôle analogue conjoint en quasi-régie ainsi que de la coopération public-public (CJUE, 22 décembre 2022, Sambre & Biesme SCRL, aff. C-383/21 et C-384/21).

En l’espèce, les communes détenait une position majoritaire dans les organes décisionnels de l’Igretec, a contrario des autres personnes publiques, dont la SLSP Sambre & Biesme, qui ne disposaient pas d’un administrateur pour les représenter au conseil d’administration. La Cour devait se prononcer sur la possible caractérisation d’un contrôle analogue conjoint du fait que le représentant de la commune de Farciennes auprès de l’Igretec siégeait également au conseil d’administration de la SLSP Sambre & Biesme.

La Cour relève que le i) du second alinéa du paragraphe 3 de l’article 12 de la directive 2014/24/UE prévoit que « les organes décisionnels de la personne morale contrôlée sont composés de représentants de tous les pouvoirs adjudicateurs participants, une même personne pouvant représenter plusieurs pouvoirs adjudicateurs participants ou l’ensemble d’entre eux ». Cette disposition impose la présence d’un représentant direct de chaque pouvoir adjudicateur au sein des organes de la personne morale contrôlée afin qu’un contrôle conjoint puisse être caractérisé. Dans le cas contraire, le pouvoir adjudicateur, qui ne dispose pas d’un représentant direct au sein des organes décisionnels de la personne contrôlée, ne peut exprimer ses propres intérêts dans ces organes.

Or, en l’espèce, la SLSP Sambre & Biesme ne disposait pas d’un représentant propre au sein du conseil d’administration de l’Igretec. De plus, le conseiller municipal de la commune de Farciennes qui siégeait au sein des conseils d’administration de la SLSP Sambre & Biesme et de l’Igretec n’agissait qu’en tant que représentant de la commune auprès de l’Igretec.

Enfin, la Cour rappelle qu’une coopération public-public ne peut être caractérisée en l’absence d’une collaboration effective mise en œuvre entre les parties afin d’atteindre des objectifs communs. A contrario, un contrat par lequel une partie s’engage simplement à exécuter une prestation moyennant rémunération au bénéfice d’une autre, sans rechercher l’atteinte d’un objectif commun, ne saurait relever de la coopération public-public, ce qui est le cas lorsque, par l’accomplissement de telles missions, le pouvoir adjudicateur à qui ces missions ont été confiées ne cherche pas à atteindre des objectifs qu’il partagerait avec les autres pouvoirs adjudicateurs, mais se limite à contribuer à la réalisation d’objectifs que seuls ces autres pouvoirs adjudicateurs ont en commun.