Lettre de la DAJ – La Cour de cassation maintient sa jurisprudence sur les délais de contestation d’un titre exécutoire émis par l’autorité publique

La Cour de cassation a rendu, le 8 mars 2024, deux arrêts s’opposant à l’alignement de sa jurisprudence sur la décision Czabaj du Conseil d’État en matière de délais de recours contre les décisions administratives individuelles.  

Par deux arrêts rendus le 8 mars 2024 (pourvois n° 21-12.560 et 21-21-230) la Cour de cassation réunie en assemblée plénière s’est prononcée sur les délais de contestation d’un titre exécutoire émis par une autorité publique.

On entend par titre exécutoire un acte juridique permettant de contraindre un débiteur à rembourser sa dette. Ce titre exécutoire peut être constitué par une décision de justice.

Dans la première affaire soumise aux juges de la Cour de cassation, une commune demandait le paiement d’une taxe locale à une entreprise et a notifié trois titres exécutoires qui ne précisaient pas devant quelle juridiction la société pouvait les contester. La société a demandé au juge judiciaire l’annulation de ces trois titres exécutoires. La cour d’appel a rejeté la demande la société car les titres exécutoires auraient dû être contestés dans le délai raisonnable d’un an à compter de leur notification. La société a ensuite formé un pourvoi en cassation.

Dans la seconde affaire, une communauté d’agglomération sollicitait le paiement de factures d’eau à une société et lui a notifié deux titres exécutoires. La société a contesté les deux titres exécutoires devant le juge judiciaire.  La cour d’appel a jugé le recours de la société recevable, et ce, alors même que les titres exécutoires ont été contestés plus d’un an après que la société en ait eu connaissance. Les deux parties ont alors formé un pourvoi en cassation.

La question posée à l’assemblée plénière de la Cour de cassation était la suivante : les recours contre les titres exécutoires s’exercent-ils sans limite temporelle ou doivent-ils être introduits dans un délai raisonnable ?

En 2016, le Conseil d’État a jugé dans sa décision « Czabaj » que les actes individuels dont les voies et délais de recours n’ont pas été notifiés ou ont été mal notifiés doivent être contestés dans un délai raisonnable qui ne saurait « excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse [lui] a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi [qu'il] en a eu connaissance ». La question se posait donc se savoir si cette jurisprudence allait être adoptée au sein de l’ordre judiciaire.

Dans les deux arrêts la Cour de cassation confirme sa jurisprudence antérieure et retient que « en l'absence de notification régulière des voies et délais de recours, le délai de recours de deux mois prévu par l'article L. 1617-5, 2° du code général des collectivités territoriales pour contester un titre émis par une collectivité territoriale ne court pas. Le débiteur n'est pas tenu de saisir le juge civil dans le délai d'un an à compter de la date à laquelle le titre, ou à défaut, le premier acte procédant de ce titre ou un acte de poursuite a été notifié au débiteur ou porté à sa connaissance ». Devant le juge judiciaire, la contestation d’un titre exécutoire passé le délai d’un an reste acceptable car le juge tient également compte des règles de prescription qui imposent une limite dans le temps à l’exerce des voies de recours.