La Cour de justice de l’Union européenne estime que l’autorité de la chose jugée peut empêcher une personne de soulever un grief lorsque celui-ci a déjà été écarté dans le premier jugement mais sans apparaître dans le dispositif.
La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a été saisie d’une question préjudicielle par la Haute Cour d’Irlande dans le cadre de l’affaire C-84/22.
L’affaire concernait une demande d’accès aux informations environnementales présentée par une ONG et portant sur l’accès à des comptes-rendus de réunions du Gouvernement irlandais et sur tout document issu des débats du Conseil des ministres sur les émissions de gaz à effet de serre de l’Irlande de 2002 à 2016.
A la suite du rejet de sa demande par le Premier ministre irlandais, l’ONG a saisi la Haute Cour qui a renvoyé la décision pour réexamen du premier ministre. Le Premier ministre ayant accordé un accès partiel aux documents à la suite de ce réexamen, le demandeur a à nouveau contesté cette décision devant la Haute Cour.
La Haute Cour a décidé de surseoir à statuer et de poser plusieurs questions préjudicielles à la CJUE, notamment celle de savoir si le principe de l’autorité de la chose jugée s’étend au-delà du dispositif du jugement antérieur et s’il inclut les constatations de fait et de droit figurant dans ledit jugement. La Haute Cour a également questionné la CJUE pour savoir si le principe d’effectivité empêche que des constatations revêtues de l’autorité de chose jugée, figurant dans un premier jugement et concernant une même demande, soient réexaminées lors d’une seconde procédure.
La Cour, dans son arrêt du 23 novembre 2023, rappelle dans un premier temps l’importance que revêt, « tant dans l’ordre juridique de l’Union que dans les ordres juridiques nationaux », le principe de l’autorité de la chose jugée permettant de garantir la stabilité du droit et des relations juridiques ainsi qu’une bonne administration de la justice. De ce fait, les décisions juridictionnelles devenues définitives après épuisement des voies de recours disponibles ne peuvent plus être remises en cause. A ce titre, la Cour considère que le droit de l’Union européenne n’implique ni n’exige qu’un organe juridictionnel national doive, par principe, revenir sur sa décision revêtue de l’autorité de la chose jugée.
La Cour conclut qu’à la lumière des principes d’équivalence et d’effectivité, une règlementation nationale peut prévoir que le principe de l’autorité de la chose jugée empêche une personne, qui a obtenu dans un premier jugement l’annulation d’une décision de rejet, de soulever lors d’une seconde décision relative à la même demande, un grief tiré de la violation d’une directive lorsque ce grief a été écarté dans le premier jugement sans apparaître dans le dispositif, alors même que ledit jugement est devenu définitif.