Lettre de la DAJ – Inapplicabilité de l’article 1792-7 du code civil à un marché public de travaux : adaptation par le juge administratif des dispositions en matière de garantie décennale lorsque les particularités de l’action publique le requièrent

Le Conseil d’Etat estime inapplicable aux marchés publics de travaux l’article 1792-7 du code civil qui exclut du régime de la garantie décennale les équipements professionnels, renforçant ainsi le caractère exorbitant des marchés de travaux publics

En matière de garanties des constructeurs, notamment en ce qui concerne la garantie décennale, le juge administratif opère tantôt par application directe du code civil tantôt par un renvoi aux principes dont il s’inspire.

Il s’aligne le plus souvent sur l’interprétation retenue par le juge judiciaire. Par exemple, pour la qualification de constructeur au sens de l’article 1792-1 du code civil, à l’encontre duquel le maître d’ouvrage peut engager une action en responsabilité décennale, le juge administratif recherche également la présence d’un contrat de louage pour caractériser la qualité de constructeur (CE, 13 novembre 1987, Synd. Intercommunal pour la création et le fonctionnement de l'école des clos Ferolles Seine-et-Marne, n°55445, publié au recueil Lebon).

Il développe cependant dans certains cas, compte tenu du caractère exorbitant du droit administratif, sa propre ligne jurisprudentielle, comme l’illustre la présente affaire.

Pour rappel, la garantie décennale couvre les équipements indissociables de l’ouvrage (article 1792-2 du code civil) ainsi que, par extension, les équipements dissociables dans l’hypothèse où ils rendent l’ouvrage impropre à sa destination (CE 8 décembre 1999, Société Borg Wagner, n° 138651). L’article 1792-7 du code civil exclut néanmoins du champ de la garantie décennale ceux dont « la fonction exclusive est de permettre l’exercice d’une activité professionnelle dans l’ouvrage ».

Lorsqu’il s’agit de travaux publics, et contrairement aux travaux réalisés par des personnes privées, ces travaux portent nécessairement sur des ouvrages dont la fonction exclusive est de permettre l’exercice d’une activité professionnelle, à savoir l’exercice par les personnes publiques de leurs missions de service public ou d’intérêt général.

Partant de ce constat et afin de ne pas exclure par principe toute garantie décennale pour des équipements réalisés pour répondre aux besoins d’une personne publique le Conseil d’Etat (CE, 5 juin 2023, Société Rousseau, n° 461341) a estimé inopérant le moyen selon lequel la garantie décennale devrait être écartée pour des équipements dits professionnels au sens et pour l’application de l’article 1792-7 du code civil de sorte que cet article ne peut pas être utilement invoqué par un cocontractant de l’administration pour se décharger de sa responsabilité décennale.